« les Quatre Jumelles », de Copi, Théâtre de la Bastille à Paris

les Quatre Jumelles © Benoît Linder

Les jumelles dans l’arène intime

Par Florent Coudeyrat
Les Trois Coups

Dix ans après « l’Homosexuel ou la Difficulté de s’exprimer », le metteur en scène Jean‑Michel Rabeux revient à l’univers déjanté de Copi. Une réussite saluée par un public enthousiaste.

En Alaska, deux sœurs jumelles venues chercher de l’or se disputent et s’insultent à qui mieux mieux. Dehors, les chiens affamés menacent. Sans raison apparente, Maria pointe son couteau et blesse Leila. Toutes deux se rassurent machinalement à coups de prise d’héroïne, de cocaïne ou de camphre. Soudain, deux autres sœurs jumelles débarquent, hargneuses et imprévisibles. Un coup de feu éclate. Une première jumelle meurt, puis ressuscite.

Dès lors, un ballet infernal commence. Les jumelles ne cessent de mourir pour mieux revenir à la vie et à leur obsession de drogues et d’argent. Dans cet Alaska d’opérette, tout se joue et se déjoue, se répète et s’emmêle dans une joie furieuse et sanglante. Dans un tourbillon implacable d’excès et d’outrance, les répliques fusent, toujours plus cinglantes au gré des faux rebondissements.

Dans cette œuvre écrite en 1973, l’Argentin Copi s’amuse à dynamiter les codes, les faux-semblants et les certitudes trop vite établies. Le hors‑norme devient ici la norme, l’étrange délicieusement familier. Les jumelles, avec leurs robes diaphanes et leurs maquillages blafards de clown désabusé, semblent interchangeables. Et l’on en vient à se demander si ces quatre personnages n’en font pas qu’un seul, telles de multiples identités s’affrontant dans une danse de mort sans fin. L’espoir n’est‑il pas ainsi d’échapper à soi‑même et de fuir, enfin, ailleurs ?

Le spectateur au centre de la farce

D’une efficace sobriété, la mise en scène de Jean‑Michel Rabeux choisit de placer les spectateurs au plus prêt des comédiens au moyen d’une scénographie qui rappelle celle utilisée par Laurent Fréchuret à Sartrouville. On entre en effet dans une petite arène intime, dépourvue de la moindre couleur. En son centre, une énorme boule blanche écrase toute la scène et se soulève, dévoilant peu à peu deux premières jumelles sorties de nulle part.

L’étrangeté de l’œuvre est renforcée par le choix de faire interpréter trois des quatre jumelles par des hommes, tous formidables de cohésion et d’homogénéité. Face à eux, Claude Degliame sort du lot avec sa voix grave et ses déraillements inquiétants. Aidés par une magnifique scénographie, les comédiens impliquent progressivement les spectateurs au centre de la farce, au plus prêt des rebondissements délirants. Un spectacle vivement applaudi et chaudement recommandable pour découvrir l’œuvre du détonant Copi. 

Florent Coudeyrat


les Quatre Jumelles, de Copi

Cie Jean‑Michel‑Rabeux

Site : http://www.rabeux.fr/

Courriel : production@rabeux.fr

Mise en scène : Jean‑Michel Rabeux

Assistant à la mise en scène : Pierre Godard

Avec : Claude Degliame (Joséphine Goldwashing), Georges Edmont (Leïla Smith), Marc Mérigot (Maria Smith), Christophe Sauger (Fougère Goldwashing)

Décors, costumes et maquillage : Pierre‑André Weitz

Réalisation costumes : Nathalie Bègue

Régie générale : Denis Arlot

Lumière : Jean‑Claude Fonkenel, assisté d’Élise Lahouassa

Photo : © Benoît Linder

Théâtre de la Bastille • 76, rue de la Roquette • 75011 Paris

Site du théâtre : http://www.theatre-bastille.com

Réservations : 01 43 57 42 14

Du 21 mai au 23 juin 2012 à 21 heures, relâche les 26, 27, 28 mai 2012 et 3, 10, 17 juin 2012

Durée : 50 minutes

24 € | 17 € | 14 €

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