« Mauvais Endroit au Mauvais Moment », « Pandax », « Rapprochons-nous », « C’est pour toi que je fais ça », « 080 », 34e festival du cirque actuel, à Auch

080 - Cie H.M.G © Sébastien Armengol

34e festival du cirque actuel : focus 2

Par Léna Martinelli
Les Trois Coups

Au-delà de la technique et des performances physiques, des circassiens se racontent, dévoilent leurs parcours de vie et leurs combats pour surmonter les épreuves.

M.E.M.M évoque la reconstruction d’une acrobate voltigeuse victime des attentats parisiens de novembre 2015. Alice Barraud, qui a construit sa vie sur ses mains, se retrouve avec une balle dans le bras. Avec Raphaël de Pressigny, elle ne raconte pas l’horreur, mais son chemin pour s’en sortir, trouver sa place, elle qui a trop entendue : « Vous étiez au Mauvais Endroit au Mauvais Moment ».

Une autre expérience, tout aussi radicale : celle de Martin Palisse, qui aborde, de façon explicite, son rapport physique à la maladie, son incidence dans ses choix de vie, sa pratique du jonglage, son rapport aux autres et au temps. Repoussant les limites de ses capacités physiques, il nous dit, dans Time to tell, comment cet hasardeux héritage l’a façonné, lui et son art. Un autoportrait qui interroge l’essence de l’acte artistique, son urgence (lire notre critique ici). 

Art vivant par excellence, le cirque pose la question de la mort de manière particulièrement aigüe, sans doute car le risque y prédomine. Pandax (Cirque la compagnie) plonge à corps perdu dans la thématique. On va suivre, en Fiat Panda, les pérégrinations de cinq frères qui se rencontrent pour la première fois. Le père est lui aussi présent, sauf qu’il voyage dans une urne. Voilà ce qui les rassemble : le décès du patriarche. L’occasion de faire connaissance et de détourner une voiture désossée en agrès !

Pandax-Cirque la Compagnie © Hervé Ruffieux
« Pandax », Cirque la compagnie © Hervé Ruffieux

Entre conflits et rapprochements, les situations sont propices à des numéros très originaux. Voltige « motorisée », acrobatie au sol, mais aussi bascule, mât chinois, échelle libre servent le propos de cette pièce habillée par des musiques live électro-acoustiques d’inspiration balkanique, klezmer ou jazz et des chants magnifiques. Saluons la présence d’un orchestre composé uniquement de musiciennes.

Ces anciens de l’École Nationale de Cirque à Montréal nous emportent grâce à leurs personnages bien campés, des séquences poétiques et une générosité sans borne. Ils transforment la piste en terrain de jeu. On y imagine même les pâturages et les falaises, où disperser les cendres. Quant au travail sur les éclairages, il est parfaitement intégré à la dramaturgie. Un excellent spectacle, enlevé, drôle et percutant !

Heureusement, la vie n’est pas faite que de drames. Rapprochons-nous (La Mondiale générale), qui propose un « cirque de situations », nous expose une tranche de vie. Pas si simple que ça ! Au sommet d’un bastaing, un duo de circassiens (Alexandre Denis et Frédéric Arsenault) est à l’œuvre, dans un savant travail de contrepoids, tandis qu’un perchman capte la vie tout autour, et surtout leur intimité. Leur tentative d’ancrage traduit un projet de mariage.

Tout est son : les respirations, les chuchotements, les mains sur les corps. Ça palpite et ça grince. Ils ne risquent pas de prendre leur pied ! Dessus, dessous, ils ont peu de place. Même si l’on souffre un peu avec eux, car l’effort est considérable, le plaisir d’être là est partagé car le couple ne manque pas d’humour, ni de flegme. Ils testent leurs limites à travers une mise à l’épreuve, tout en posant les bases d’un nouvel « être ensemble ». Tout contre.

C-est-pour-toi-que-je-fais-ça-Guy-Alloucherie-Cnac © Christopha Raynaud de Lage.jpg
« C’est pour toi que je fais ça », de Guy Alloucherie © Christophe Raynaud de Lage et Brice Robert

L’amitié et l’amour… C’est pour toi que je fais ça traite justement de la complexité des relations humaines. Guy Alloucherie reprend cette création 1997 en l’adaptant pour les étudiants de la 34e promotion du Centre national des arts du cirque (CNAC). Une pièce de répertoire d’un grand monsieur qui a marqué toute une génération en mêlant virtuosité des acrobates et théâtre direct.

Et pour finir sur un sujet également inépuisable, 080, de Jonathan Guichard restitue le cycle de l’existence, à travers l’histoire d’un être imaginaire hors norme. Gestes éloquents, réactions sans filtres, chaque nouvelle expérience est un bouleversement raconté par le corps. Dans ce sol aux propriétés étonnantes, le personnage émerge et disparaît, évolue et rebondit aussi. Jonathan Guichard a voulu représenter « une vie de rebondissements, au propre comme au figuré », sauf que l’on reste un peu sur notre faim concernant « l’infini des possibles », dont il parle dans sa note d’intention.

Outre le vocabulaire physique et un jeu d’acteur limités, on est déçu par le manque de densité. « Le temps s’y écoule avec inconstance, il s’étire et se contracte. En traversant son existence comme une succession de premières fois, Meurlze se découvre, se rencontre, se perd, s’épanouit, se blesse, s’amuse, s’émeut et finit par se quitter sans joie ni peine, parce que c’est ainsi ». Une exploration du rapport à la gravité bien léger ! La scénographie originale, les lumières soignées et les matières rythmiques qui composent la bande son contribuent à créer un univers singulier qu’on n’est malgré tout pas prêt d’oublier, notamment pour la séquence d’ouverture, saisissante. 

Léna Martinelli


M.E.M.M au Mauvais Endroit au Mauvais Moment, d’Alice Barraud et Raphaël de Pressigny

Infos sur le spectacle

De et avec : Alice Barraud et Raphaël de Pressigny

Écrit et mis en scène par Sky de Sela, Alice Barraud et Raphaël de Pressigny

Création lumière : Jérémie Cusenier

Régie lumière : Jérémie Cusenier, Thomas Kirkyacharian

Régie Son : Wilfried Simean, Hugo Barré

Régie accroches : Fred Sintomer

Costumes : Anouk Cazin

Constructeur Ingénieur : Robert Kieffer

Photographie, image, vidéo : Aristide Barraud

Dès 10 ans

Théâtre, du 28 au 30 octobre

Pandax, Cirque la compagnie

Site de la cie

Mise en scène : Nicole Lagarde et Cirque la compagnie
Avec : Zackary Arnaud, Baptise Clerc, Boris Fodella, Charlie Mach, Nicolas Provot

Musique : Seraina De Block, Astrid Creve, Ondine Cantineau

Dramaturgie : Nicole Lagarde

Régie générale : Nancy Drolet

Régie lumière : Clément Fodella

Costumes : Clarisse Baudinière

Construction scéno : Antoine Mach, Julie Duverneuil

Coachs acrobatiques : André Saint-Jean

Conception sonore : Marjolaine Carme

Dès 5 ans

Chapiteau Endoumingue, du 21 au 25 octobre

Tournée ici

Time to tell, Martin Palisse et David Gauchard

L’unijambiste

Conception, mise en scène et scénographie : David Gauchard et Martin Palisse

Interprétation : Martin Palisse

Création sonore : Chloé Levoy

Création lumière : Gauthier Devoucoux

Régie : Christian Theret

Dès 10 ans

Chapiteau Caserne Espagne, du 25 au 27 octobre

Tournée ici

C’est pour toi que je fais ça, de Guy Alloucherie

Cie Hendrick Van Der Zee

Metteur en scène : Guy Alloucherie

Avec : Noa Aubry (roue allemande), Alice Binando (corde lisse), Tomas Denis (acro-danse), Jef Everaert (roue Cyr), Yannis Gilbert (acro-danse), Julien Ladenburger (jonglage), Marisol Lucht (roue Cyr), Elena Mengoni (trapèze ballant), Niels Mertens (bascule), Carolina Moreira Dos Santos (tissus), Matiss Nourly (corde tendue), Pauline Olivier de Sardan (mât chinois), Thales Peetermans (bascule) et Tiemen Praats (bascule)

Assistante et dramaturge : Martine Cendre

Création musicale (1997) : Riké

Chorégraphe : Marie Letellier

Scénographe (1997) : José Froment

Création lumières (1997) : Stéphane Auber assisté de Charlotte Beaufort

Enseignante référente CNAC : Marie Seclet

Régie générale : Jean-Louis Vandervliet

Régie Agrès : Guillaume Bes

1 h 20

Tout public

Dôme, du 26 au 27 octobre

Rapprochons-nous, d’Alexandre Denis et Frédéric Arsenault

La Mondiale générale

Acrobate sur bastaings : Alexandre Denis et Frédéric Arsenault

Création sonore : Julien Vadet

Regards extérieurs : Édith Amsellem et Claudine Charreyre

Construction : Timothé Van Der Steen

Lumières : Christophe Bruyas

30 minutes

Tout public

Centre Cuzin, du 24 au 25 octobre

Tournée ici

080, de Jonathan Guichard

Cie HMG

Mise en scène, composition, scénographie : Jonathan Guichard

Avec : L. Bolze et / ou G. Feurté et / ou M. Peckstadt et / ou F. Wixe

Collaboration artistique : Marie Fonte

Création lumière et construction : Cyril Malivert

Mise en espace sonore : Nicolas Carrière

Costumes : Julia Masson et Audrey Pech

Régie générale et lumière : Gautier Gravelle

1 heure

Dès 8 ans

Salle Bernard Turin, du 23 au 25 octobre

Dans le cadre du 34e festival du cirque actuel, du 21 au 30 octobre 2021

À découvrir sur Les Trois Coups :

☛ 34e festival du cirque actuel, focus 1 : « A simple Space » et « Der Lauf », par Léna Martinelli

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