Ariane Dubillard chante Anne Sylvestre
Par Léna Martinelli
Les Trois Coups
Dans « Merci pour la tendresse », la comédienne et chanteuse rend un bel hommage à l’une des figures marquantes de la chanson française.
On croit connaître Anne Sylvestre (1934-2020). Que nenni ! Au cours de sa longue carrière, elle a écrit pas moins de 276 chansons. 60 ans d’une carrière sans interruption, jalonnée de nombreux spectacles, de voyages, de rencontres. Loin de réduire son répertoire aux enfants (elle a à son actif 18 albums de Fabulettes, les fameuses comptines qui ont fait sa réputation), l’autrice compositrice interprète a embrassé de nombreux sujets qui résonnent toujours fort aujourd’hui. Comme le dit le titre de la première chanson de ce tour de chant : « (J’ai) tant de choses à vous dire ».
Anne Sylvestre a tant chanté le vent et les merveilles de la Terre. Elle maîtrisait le langage de l’eau, limpide et revigorant. Car elle ne manquait pas de vivacité, ni d’humour. Elle trempait même parfois sa plume dans le vitriol pour partager ses convictions écologiques et humanistes (« Dans la plus petite flaque, il y a l’espérance du lac »). Être l’une des premières femmes à avoir écrit ses propres textes, avant Barbara, lui a permis de s’exprimer en toute liberté. Elle a pu défendre le droit à l’avortement, le mariage gay, dénoncer la chasse aux sorcières.
Louve ou colombe ?
Si elle convoque Simone pour mettre les points sur les « i » (« C’est la faute aux hormones ! »), Anne Sylvestre se définissait avant tout comme une « féministe engagée tempérée ». Elle qui détestait les étiquettes, préférait s’émanciper sans éclat. Reste que ses portraits ne manquent pas de sel.
Et la tendresse bordel ? Elle ne traite pas d’amour par dessus la jambe (« Si c’est fini quand ça commence / Faites-moi plutôt la cour »), ne manque jamais d’affection, y compris pour les hommes : « Que vous êtes beaux / Quand les années vous fragilisent ». Son père a même le droit à une belle déclaration, malgré son passé trouble.
L’élégance de cœur, voilà ce qui caractérise cette grande dame, à qui Ariane Dubillard rend hommage, dans ce petit théâtre de l’Île Saint-Louis. Sans mimétisme, celle-ci se fait porte-voix pour dire des maux intimes qui touchent à l’universel. Elle est allée à la source, a fait une jolie sélection de titres qui dévoilent toute la profondeur, en même temps que la légèreté d’Anne Sylvestre. Avec Isabelle Serrand (pianiste et arrangeuse), elle restitue, avec grâce et énergie, de belles couleurs à ses sentiments, cela malgré le charme suranné de l’esprit cabaret rive gauche. C’est sensible et touchant. Merci pour cette révélation. 🔴
Léna Martinelli
Merci pour la tendresse, d’Ariane Dubillard
Avec : Ariane Dubillard (voix et jeu) et Isabelle Serrand (piano)
Arrangements : Isabelle Serrand
Théâtre de l’Ile Saint-Louis Paul Rey • 39, quai d’Anjou • 75004 Paris
Les vendredis 14, 21 et 28 octobre 2022 à 18 h 30, les jeudis 3, 10, 17 et 24 novembre à 18 h 30, les jeudis 1er et 15 décembre à 18 h 30, le vendredi 9 décembre à 18 h 30 et le samedi 17 décembre à 21 heures.
Tarifs : 10 € ou 15 €
Réservations : 01 46 33 48 65 ou en ligne
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