« Mon frère, ma princesse », de Catherine Zambon, Théâtre Nouvelle Génération à Lyon

« Mon frère, ma princesse » © Adrien Party

Deux en un

Par Michel Dieuaide
Les Trois Coups

Au Théâtre Nouvelle Génération, la compagnie Les Veilleurs présente « Mon frère, ma princesse », une création engagée à destination des jeunes spectateurs.

Alyan a cinq ans. C’est un petit garçon. Il voudrait être maman et devenir une princesse. Voilà le rêve qu’il confie à sa grande sœur, Nina. Oser affirmer ce désir bouscule à des degrés divers l’environnement familial d’Alyan et perturbe l’existence quotidienne et les amitiés de Nina. Mère, père et camarades d’école s’affrontent pour tenter de comprendre ou de refouler cette situation. En de courtes séquences, à la langue sobre et sensible, les personnages, entre eux ou en adresse solitaire au public, exposent leur désarroi et leurs préjugés. La robe de princesse que le jeune frère porte d’abord comme un déguisement ne le quitte plus, marquant ainsi sa volonté de vouloir être autre.

De scène en scène, Alyan ne lâche rien, et l’on assiste sans didactisme aucun à la mise en valeur des contradictions sociales et intimes qui traversent chacun des protagonistes. Intelligente et franche, la pièce composée par Catherine Zambon a le courage rare d’oser aborder la question de l’identité sexuelle pour nous rappeler que féminité et masculinité sont parfois les deux visages d’une même personne. Un grand humoriste et homme de spectacle irlandais mort en 2002, Spike Mulligan, écrivait : « Deux sexes, c’est nettement insuffisant. Commandez-m’en deux autres ».

Pour mener à bien la mise en scène de Mon frère, ma princesse, Émilie Le Roux, consciente des polémiques archaïques agitant la société française sur la théorie du genre, choisit la manière douce d’une dramaturgie subtile destinée à ouvrir le débat plutôt qu’à provoquer des disputes stériles. La scénographie d’abord, structure métallique mobile composant selon les moments la maison familiale, la cour d’école ou la rue, allant jusqu’à symboliser une arène de cirque dans laquelle Nina se débat contre ceux qui harcèlent son frère. La rigidité austère de cette architecture dit de façon directe la dureté du regard de ceux qui sont hostiles au non-conformisme de l’aspiration d’Alyan à vouloir être autre.

La finesse pour éviter de provoquer inutilement

L’éclairage participe aussi à la simplicité rusée du travail scénique : permanence du contre-jour, douches isolant les personnages venus témoigner à l’avant-scène, faibles intensités pendant les disputes familiales en forme de confidences, pluies de paillettes quand les rêves du petit garçon s’incarnent. Ajoutons la quasi-absence d’accessoires : une baguette de magicien, un ballon, un carnet de notes, un ordinateur et c’est tout. Les costumes, quant à eux, sont modestes, indication d’un univers banal, manière habile de ne pas connoter à l’excès les responsabilités de tel ou tel milieu social. S’harmonisent enfin avec toutes ces options dramaturgiques les codes de jeu utilisés par les interprètes : gestuelle économe, voix sans outrance, distance donnant presque l’impression d’assister à un exercice de doublage cinématographique. Là encore, la finesse pour éviter de provoquer inutilement.

Mon frère, ma princesse est manifestement une création réussie sachant conjuguer vérité, engagement politique et poésie littéraire et théâtrale. Ne pas oublier de citer également les émotions douces et mélancoliques de la musique de scène. Comédiennes et comédiens sont à féliciter pour la rigueur de leur travail, et on leur souhaite d’être entendus pour que leur message de tolérance aille au-delà du bal travesti qui clôt astucieusement la représentation. 

Michel Dieuaide


Mon frère, ma princesse, de Catherine Zambon

Texte publié aux éditions l’École des loisirs

Mise en scène : Émilie Le Roux

Avec : Julien Anselmino, Marie Bonnet, Fabienne Courvoisier, Didier Dugast, Colin Melquiond, Najib Oudghiri

Avec la voix de : Annie Petit

Assistante à la mise en scène : Fanny Duchet

Création lumière : Éric Marynower

Création musicale : Théo Ceccaldi (violon), Valentin Ceccaldi (violoncelle), Roberto Negro (piano)

Scénographie : Tristan Dubois

Photos : © Adrien Party

Administration, production : Anna Delaval

Production : Les Veilleurs, compagnie théâtrale

www.lesveilleurs-compagnietheatrale.fr

Coproduction : espace 600, scène Rhône-Alpes (Grenoble), le Train‑Théâtre, scène Rhône‑Alpes (Portes‑lès‑Valence)

Avec le soutien de : centre culturel de la Ricamarie, scène Rhône‑Alpes, Théâtre de Vénissieux, scène Rhône‑Alpes

Avec l’aide de : Ellen Wille

Remerciements à : ateliers de construction de décors et de confection de costumes de la ville de Grenoble, Samantha Landreau

Théâtre Nouvelle Génération • 23, rue de Bourgogne • 69009 Lyon

www.tng-lyon.fr

Courriel : billetterie@tng-lyon.fr

Tél. 04 72 53 15 15

Représentations : les 19 et 20 mai 2016 à 10 heures et 14 h 30, le 21 mai 2016 à 20 heures et le 22 mai 2016 à 16 heures

Durée : 1 h 10

Jeune public dès 8 ans

Tarifs : 18 € à 7 €

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