« Ovni » d’Ivan Viripaev, Théâtre de l’Élysée à Lyon

« O.V.N.I » de Ivan Viripaev © Juli Allard-Schaefer

OVNI

Par Michel Dieuaide

Les Trois Coups

À l’origine, cette compilation d’entretiens vidéo tournés aux quatre coins de la planète devait être un film, mais un oligarque a finit par renoncer à le financer. Jugeant le matériau collecté digne d’une seconde vie, Viripaev décide d’en faire un texte pour le théâtre. Olivier Maurin, qui a déjà monté « Illusions », du même auteur, en assure la mise en scène.

Dans une société composée de gens sensés, dits « normaux », le dramaturge russe donne la parole à des personnes qui racontent ce qu’il leur est arrivé lorsqu’elles ont eu un contact avec une civilisation extra-terrestre. Résultat : neuf monologues malins et dérangeants interrogeant le visible et l’invisible, l’intime et le rapport aux autres, la vérité et le mensonge.

Sur scène, un dispositif élémentaire : un praticable gris placé devant un écran blanc, une chaise noire et une table basse également noire sur laquelle sont disposés des verres d’eau. En somme, un lieu clinique pour accueillir les récits : celui, par exemple, d’une étudiante australienne adepte du yoga, qu’une intense lumière a envahie dans un bar un dimanche matin. Celui d’une ancienne membre d’une ONG assistant à un culte chamanique au Pérou. Ou encore le récit de l’oligarque qui n’a pas produit le film de Viripaev. Chacune des prestations est entamée à partir de la salle, manière de faire saisir aux spectateurs que chaque protagoniste pourrait être l’un d’eux. Une atmosphère digne d’une séance d’analyse s’installe (il ne manque que les toussotements du psychanalyste !).

Épanorthose et hébéphrénie

En 2016, dans Illusions, Olivier Maurin s’était passionné pour le goût de Viripaev pour un théâtre qui explore les mystères de l’existence, sa fascination pour une écriture en forme de jeu de stratégie démasquant tous les mirages de l’individualisme. Cette fois-ci, malgré le nouveau et brillant tour de force des traducteurs Tania Moguilevskaia et Gilles Morel, l’usage réitératif du monologue fatigue quelque peu. Qui plus est, cette succession de confessions recourt invariablement à l’épanorthose – une figure de style qui consiste à revenir sur son propos pour le nuancer, l’affaiblir, le corriger ou le rendre plus radical. L’écriture est lancinante et, en l’absence de véritable situation dramatique, ressemble à un babil nombriliste : les intentions émancipatrices d’un texte visant à mettre en cause les aliénations provoquées entre autres par la politique ou la religion s’y dissolvent.

Quant à l’hébéphrénie, forme attestée de schizophrénie, elle semble être le lot de chaque témoignage interprété sur scène : pauvreté du langage, distorsion de la réalité, hallucinations, gestuelle et mimiques répétitives.

Ces réserves faites, OVNI vaut la peine. Les interprètes, magistralement dirigés par Olivier Maurin, font de chacun de leur solo une prouesse de spontanéité, d’intelligence et d’humanité.

Douter de toute forme de croyance n’amène heureusement pas à douter de la réalité unique et émouvante d’un(e) comédien(ne) qui s’adresse à nous. Surtout quand il (ou elle) se fait le porte-voix d’individus crédules. 

Michel Dieuaide


OVNI, d’Ivan Viripaev

Traduit du russe par : Tania Moguilevskaia et Gilles Morel

Mise en scène : Olivier Maurin

Avec : Clémentine Allain, Fanny Chiressi, Éloïse Hallauer, Arthur Fourcade, Arthur Vandepoel, Mickaël Pinelli

Durée : 1 h 30

Photo : © Juli Allard-Schaefer

Théâtre de l’Élysée • 14, rue Basse Combalot • 69007 Lyon

Du 6 au 15 octobre 2020

De 10 € à 14 €, matinée 8 €

Réservation : 04 78 58 88 25

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