« Older », de Yael Naïm, Théâtre municipal Raymond‑Devos à Tourcoing

Yael Naïm © Jean-François Picaut

Une artiste au charme fou

Par Jean‑François Picaut
Les Trois Coups

Chaque nouveau disque de Yael Naïm est un évènement en soi. Les spectateurs du trentième Tourcoing Jazz Festival / Planètes n’ont pas mis longtemps à être conquis par la chanteuse franco-israélienne.

Patrick Dréhan, le directeur artistique du festival, le reconnaît sans gêne, ce que fait Yael Naïm dans son dernier album, Older (Tôt ou tard, 2015), n’est pas du jazz. Il justifie néanmoins la présence de l’artiste au programme d’un festival qui se veut ouvert. Yael Naïm a une longue histoire avec l’évènement qui l’accueille et son travail, qui à l’occasion touche au jazz, côtoie la musique du monde, voire s’y intègre parfois.

Le concert est mis en scène avec beaucoup de rigueur avec des entrées très scénarisées, des jeux de lumière nombreux avec des effets qui peuvent être sophistiqués quand la musique rejoint la pop.

Cela ne nuit nullement pour autant à la sincérité qui se dégage du propos et qui émane de toute la personne de la chanteuse. Elle confiera avoir écrit les nouvelles chansons entre un deuil profondément ressenti et la joie d’une première maternité. Older est bien la traduction de cette expérience d’une femme qui a mûri.

Une interpellation lancinante

Le concert commence par un duo très doux, If You Could See, tiré de Older (revisited), chanté par Yael Naïm qui joue aussi de la guitare, accompagnée par son complice à la scène et à la ville, David Donatien, qui pratique ici la basse (il s’illustre également à la batterie). On aime son articulation précise, sa voix cristalline, à peine nimbée d’un léger écho.

Les choristes, qui sont autant instrumentistes (Julie Gomel, Christelle Lassort, Nathalie Réaux et Juliette Serrad), et le bassiste Daniel Romeo font leur entrée sur Walk Until, une chanson pop très rythmée sur laquelle Yael Naïm joue du glockenspiel. La première confidence, Make A Child, s’approche de ce style par une cadence nettement marquée et une interprétation très allègre. On peut également citer dans les pièces rythmées et plutôt légères, comme Walk Walk avec ses claquements de mains dans le style folk song, au moins deux autres titres : Toxic (d’un album plus ancien) ou Trapped traités ici en pur style pop.

Je l’avoue, ce n’est pas cet aspect que je préfère chez Yael Naïm. Elle me paraît autrement convaincante, et touchante surtout, dans un certain nombre de ballades. Dream in My Head, que ce soir elle introduit longuement au piano, semble traduire une fêlure qui s’exprime en une sorte de lamentation. Coward qui suit ce titre est à mes yeux un des sommets du concert. La chanson commence énergiquement avant d’évoluer vers la plainte élégiaque. Les termes en sont forts avec cette interrogation récurrente : « But how did I become a coward ? ». L’interpellation « Coward » est-elle même beaucoup répétée de façon lancinante et soulignée par des effets de lumière. Les chœurs qui chantent en polyphonie sur la fin de la chanson lui confèrent une dimension artistique supplémentaire.

Une fausse sortie prématurée entraîne ensuite cinq faux rappels qui sont autant de marches dans la ferveur croissante du public. Il faut dire que la reprise de New Soul et l’interprétation si sensible d’Ima, de Older, le titre éponyme de l’album, et de Meme Iren Song ont de quoi susciter l’adhésion. La chanteuse associe son mari à son triomphe et ce n’est que justice car, outre sa prestation sur scène, c’est lui qui signe l’ensemble des arrangements.

Yael Naïm diffuse sur scène un charme puissant qui s’exerce facilement sur le public. Une mise en scène, en lumière surtout, et un son au cordeau ne nuisent pas à l’impression de spontanéité, de simplicité et de sincérité qui se dégagent de l’artiste. 

Jean‑François Picaut


Older, de Yael Naïm

Un album Tôt ou tard, 2015

Tourcoing Jazz Festival / Planètes 2016, à Tourcoing (Nord)

30e édition

Du 14 au 22 octobre 2016

Photo : © Jean‑François Picaut

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