« Onanisme avec troubles nerveux chez deux petites filles », d’après le rapport du Dr Démétrius Zambaco, M.C.93 à Bobigny

Jean-Michel Rabeux © Gantner

J’ai pleuré au théâtre pour la première fois…

Par Jeanne C.
Les Trois Coups

On dit souvent de Jean‑Michel Rabeux qu’il est un provocateur, sans doute parce qu’il dénude quelquefois ses acteurs… Quelle provocation ! Il faut simplement comprendre que cela est fait dans le but de ne pas dissocier le corps et l’esprit. À la force des mots s’ajoute la puissance des corps en ce qu’ils ont de plus instinctif, de plus naturel. À travers le corps (nu ou pas), le metteur en scène convoque sur le plateau l’éros (le désir), mais également la mort inévitablement toujours présente.

Jean‑Michel Rabeux impose un théâtre qui questionne, qui réfléchit, qui dérange parfois. Avec Onanisme avec troubles nerveux chez deux petites filles, il nous prouve avec un talent et une finesse extraordinaires que l’on peut tout aborder au théâtre même les sujets les plus graves. Et quoi de plus délicat que de parler d’onanisme chez deux enfants ?

Le spectacle s’appuie sur un véritable rapport médical paru en 1882 dans la revue l’Encéphale. Le Dr Zambaco détaille dans cette observation la prétendue pathologie dont sont atteintes deux petites filles, et comment il tente de les en guérir. La masturbation était à l’époque associée à une grave maladie pouvant être mortelle, et des « traitements » d’une rare violence étaient mis à exécution pour « soigner » les enfants.

Claude Degliame, qui joue une des deux petites filles adultes, nous raconte dans la plus grande intimité le cauchemar qu’ont enduré ces enfants. L’actrice, toute de noir vêtue, est installée sur une petite estrade face au public. Elle n’est quasiment éclairée que par la lumière du jour, qui tombe peu à peu. La comédienne est absolument magistrale. Elle nous captive, nous désarme, nous bouleverse. J’ai pleuré au théâtre pour la première fois… Qui d’autre qu’elle aurait pu rendre ce texte audible, supportable pour le spectateur ? Ce texte qui met en lumière ce qu’il n’est pas « correct » de dévoiler.

Claude Degliame nous parle avec tout son corps, sa prise de parole singulière nous transperce. Elle ne s’adresse pas uniquement à notre cerveau, mais à tout notre être, qui réagit au son de ses paroles. Entre violence et délicatesse, elle nous transmet la cruauté de ce qu’ont vécu ces deux petites filles victimes de « la certitude médicale ».

Jean‑Michel Rabeux a écrit « Aucun de nous, j’espère, n’a été torturé comme ces enfants l’ont été, mais aucun de nous, je crois, n’est totalement indemne de ce qui se joue ici : la mise en ordre de son corps, de ses secrets, la mise au pas de son âme ». Le metteur en scène a ressenti la nécessité de rejouer ce spectacle créé en 1984. Ce qu’il dénonce, au-delà du calvaire de ces petites filles, c’est le danger des certitudes médicales et des certitudes en général.

Il me semble très important que ce genre de spectacles existe et qu’il trouve sa place. Merci à Jean‑Michel Rabeux et à Claude Degliame pour ce qu’ils font pour le théâtre contemporain. 

Jeanne C.


Onanisme avec troubles nerveux chez deux petites filles, d’après le rapport du Dr Démétrius Zambaco

Mise en scène et adaptation : Jean‑Michel Rabeux

Avec : Claude Degliame

Lumières : Jean‑Claude Fonkenel

Photo : © Gantner

Coproduction M.C.93, La Compagnie

M.C.93 • 1, boulevard Lénine • B.P. 71 • 93002 Bobigny cedex

Réservations : 01 41 60 72 72

www.mc93.com

Du 31 mars au 27 avril 2008 à 20 h 30, dimanche à 15 h 30, relâche le jeudi

Durée : 1 heure

25 € | 17 € | 9 €

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