« Peter Pan », de James Matthew Barrie, Théâtre de la Renaissance à Oullins

Peter Pan © Michel Ferchaud

Envolez-vous !

Par Trina Mounier
Les Trois Coups

Christian Duchange, du Théâtre de l’Artifice, propose une version intelligente, sensible et merveilleuse de l’œuvre de James Matthew Barrie, « Peter Pan ».

Le projet, pourtant, n’allait pas de soi : il fallait à la fois effacer les images parasites du dessin animé bien connu, décliné à l’envi, et faire exister sur un plateau une multitude d’enfants en train de vivre pleinement leurs rêves, de vivre résolument leur enfance.

Qui est Peter Pan ? Celui qui ne veut pas grandir – parce que être adulte signifie être raisonnable dans un monde gris – et restera à tout jamais dans son pays imaginaire de Neverland où la réalité est la fiction : il suffit pour voler d’y croire, de disposer d’un peu de poudre de fée et de ne pas avoir peur. C’est aussi un enfant sans mère, un personnage de conte venu de nulle part pour emmener dans son sillage garçonnets et fillettes pour une dernière aventure avant l’âge adulte. En vérité, Peter Pan n’existe que pour donner naissance à des chimères : les enfants perdus que leur mère a laissé tomber de leur landau, les pirates avec leur majestueux bateau, les Indiens avec totem, plumes et poteau de torture. Peter Pan est avant tout un généreux conteur qui accompagne le passage hors de l’enfance.

Il y a tout cela dans le spectacle de Christian Duchange, et c’est précisément ce qui en fait la force et le charme. Des Indiens, des pirates, des vols au-dessus de la ville, un bateau avec ses canons et sa voilure, et même le crocodile (ces deux derniers réduits au rang de miniatures, mais c’est sans importance). Et, s’il a choisi le parti de l’illusion, il a écarté le faux-semblant et la pacotille. Ses comédiens sont adultes et, à eux quatre, jouent tous les rôles. Chacun d’eux est investi d’un personnage principal – Adeline Guillot en Wendy, puis, devenue adulte, la mère ; Ana Bogosavljevic en Fée Clochette, Emmanuel Fumeron en Capitaine Crochet et Martin Sève qui, de sa silhouette adolescente, incarne avec justesse le rôle-titre. Mais ils interprètent d’autres personnages, se parant d’un léger accessoire qui assure une reconnaissance immédiate : le crochet, la jupe cloche, la coiffe de plumes, etc.

Et si on jouait à jouer ?

Et c’est là que le charme opère : on n’est plus au théâtre, mais dans la vraie vie où des enfants jouent devant nous à « Tu serais un Indien et tu me poursuivrais et alors le pirate arrive et c’est moi le pirate, etc. ». Avec une grande subtilité, Christian Duchange nous introduit dans le monde de l’enfance où tout est possible et d’abord et surtout le conditionnel. On entre de plain-pied dans le roman de James Matthew Barrie. Alors, peu importe s’ils n’ont pas l’âge des rôles et s’ils changent sans transition d’identité. Au contraire ! Cela se passe comme ça quand des enfants jouent, dans le plus grand naturel, sans affectation ni hésitation.

Le décor concocté par le Collectif Eclektik.Sceno ainsi que la scénographie signée Alice Duchange participent en tous points de la magie sans pour autant utiliser d’effets spéciaux ni d’artifices compliqués. Le centre de la scène est occupé par une tournette légèrement inclinée vers les spectateurs : cela permettra de donner l’image d’une piste d’envol et, avec la vitesse, de créer l’illusion du voyage. On saute de la tournette et on regagne la réalité, on y monte et voilà l’imaginaire qui prend le dessus. Quelques paillettes jetées au ciel, un drap tendu en travers de la tournette pour la profondeur, les ombres, l’avant / après, devant / derrière… Sans concession ni compromis, avec un grand respect pour le jeune public.

On navigue en plein merveilleux, on retrouve les joies de l’enfance, on oublie sa raison au vestiaire, on est juste envieux de ceux qui sont sur le plateau. On aimerait volontiers aller jouer avec eux… 

Trina Mounier

Lire « Peter Pan [ou l’Enfant qui ne voulait pas grandir] », de James Matthew Barrie, Théâtre de la Ville à Paris

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Lire « Pan », de James Matthew Barrie, Théâtre de Paris à Paris


Peter Pan, de James Matthew Barrie

Mise en scène et adaptation : Christian Duchange assisté de Marion Chobert

Avec : Adeline Guillot, Ana Bogosavljevic, Emmanuel Fumeron, Martin Sève

Scénographie : Alice Duchange

Musique : John Kaced

Costumes : Nathalie Martella

Décor : Collectif Eclektik.Sceno

Lumières : Jérémie Papin

Régie générale et plateau : Christophe Boisson

Régie lumière : Olivier Barret

Régie son : Sébastien Mas

Photo : © Michel Ferchaud

Production : Cie l’Artifice

Coproduction : Am Stram Gram – le théâtre, Genève, Théâtre des Bergeries, Noisy-le-Sec, Théâtre Dijon-Bourgogne, C.D.N. de Dijon, l’Arc, scène nationale Le Creusot, le Théâtre, scène nationale de Mâcon, la Comédie, C.D.N. de Reims, le festival MéliMome, association Nova Villa, Reims, le festival À pas contés-A.B.C., Dijon

Le conseil général de Seine-Saint-Denis a soutenu la création de cette œuvre.

La compagnie l’Artifice est conventionnée par la Drac Bourgogne, le conseil régional de Bourgogne, la ville de Dijon et soutenue par le conseil général de Côte-d’Or.

Peter Pan est estampillé dans la catégorie des spectacles repérés par l’Onda.

Avec le soutien du # Rhône-Alpes.

Théâtre de la Renaissance • 7, rue Orcel • 69600 Oullins

04 72 39 74 91

http://www.theatrelarenaissance.com/

Vendredi 11 mars 2016 à 19 heures et samedi 12 mars à 15 heures

Durée : 1 h 15

Dès 8 ans

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