Un dessous des cartes prévisible
Par Trina Mounier
Les Trois Coups
Kyra vit seule, assez modestement, dans une banlieue de Londres, quand déboule chez elle le fils de l’homme qu’elle a aimé et quitté, puis l’amant lui-même, Tom. Tout se déroulera dans cette même pièce propice à accueillir secrets et mensonges. En se retrouvant, ils vont réveiller les feux non éteints de leur passion, mais aussi les vieilles rancunes et des antagonismes irréconciliables.
Ils ne seront jamais que deux dans cette chambre, le père et le fils ne se croiseront pas. Pourquoi ? Nul ne le sait. David Hare ne questionne pas ce qui devrait faire situation. Kyra, donc, vit seule dans un décor minimaliste, entre frigo, baignoire et cuisine brinquebalante. En fond, de grandes vitres comme dans un atelier d’artiste. Il fait froid car le chauffage d’appoint n’est pas très efficace.
Ces éléments sont importants car ils sont une partie des différences sur lesquelles nos personnages ne sont pas prêts à transiger. Elle est idéaliste, est fière de vivre comme ses élèves déshérités auxquels elle se consacre avec ferveur ; il est chef d’entreprise, venu en limousine avec chauffeur, considère cet habitat comme insalubre, une lubie de femme, un caprice ridicule. L’opposition politique révèle les poncifs des rapports de pouvoir homme / femme.
Dans l’arène
La mise en scène de Claudia Stavisky cerne de près cet homme et cette femme jusque dans leurs plus petites expressions. Pas d’échappatoire, il est vrai : c’est la nuit et il pleut. Principe du huis clos. Progressivement, on va apprendre qu’elle est partie quand l’épouse de Tom a découvert leur liaison. Que cette dernière, depuis, est morte, et que, du coup, on pourrait revenir à la case départ… Sauf que par une multitude de détails, on se rend compte que rien ne tient debout dans cette histoire. Comment Kyra a-t-elle si bien supporté de vivre une aventure passionnée avec un homme dont elle ne partageait aucune idée ? Si on comprend qu’elle ait succombé à son charme, comment a-t-elle pu accepter sa muflerie, son dédain, ses moqueries insultantes ? La dernière scène éclaire d’ailleurs l’absence d’authenticité, voire le mensonge dans lequel elle se complaît.
Les acteurs s’affrontent donc pendant toute la durée du spectacle, pour le plus grand plaisir des spectateurs. Patrick Catalifo, particulièrement, donne à son personnage beaucoup de complexité et de crédibilité : Tom est un être immature qui ne sait pas garder pour lui ses bons mots (ou qu’il juge tels), ni cacher ses sentiments. L’acteur en montre les multiples facettes et compose un homme-enfant, drôle et attachant. Mais Tom reste une caricature, tout comme Kyra en femme inconséquente qui aime déjeuner dans l’argenterie et dormir sur un matelas au sol. C’est dommage. On ne croit pas un instant à leur histoire et très vite on se désintéresse de ces lieux communs. Mais ceci est le problème du texte et non celui de la mise en scène et du jeu. ¶
Trina Mounier
Skylight, de David Hare
Texte français : Dominique Ollier
Mise en scène : Claudia Stavisky
Avec : Patrick Catalifo, Sacha Ribeiro, Marie Vialle
Scénographie et costumes : Barbara Kraft
Lumière : Franck Thévenon
Son : Jean-Louis Imbert
Durée : 1 h 50
Théâtre des Célestins • 4, rue Charles Dullin • 69002 Lyon
Du 15 septembre au 3 octobre 2021, du mardi au samedi à 20 heures, dimanche à 16 heures, relâche le lundi
De 7 € à 40 €
Réservations : 04 72 77 40 00 ou en ligne