« Visites décalées », de Brigitte Seth et Roser Montlló Guberna, Chaillot – Théâtre national de la Danse à Paris

« Visite décalée », de Brigitte Seth et Roser Montlló Guberna © Jean Couturier

Chaillot sens dessus dessous

Par Léna Martinelli
Les Trois Coups

Au programme inaugural et festif de la nouvelle salle Firmin Gémier à Chaillot : une visite décalée et fantaisiste. La proposition de Brigitte Seth et Roser Montlló Guberna sublime la métamorphose.

Accompagnées des élèves du Conservatoire national supérieur de musique et danse de Paris (C.N.S.M.D.P.), Brigitte Seth et Roser Montlló Guberna font mieux que nous emmener au cœur du Palais de Chaillot et dans ses dédales. Elles habitent le lieu. Parfaitement connectée avec les âmes qui le peuplent, elles ont su en restituer l’esprit, tout en marquant cette institution de leur empreinte.

Pour commencer, l’écho des claquettes sur le marbre est plus efficace que les trois coups ou les trompettes de Maurice Jarre. Chaillot ne vient-il pas d’être consacré Théâtre national de la danse ? Le pouvoir du flamenco trouve ensuite une certaine résonance dans le mouvement. Nous voilà en effet vite embarqués dans une sarabande, avec pas de danse improvisés tous ensemble. Ponctué de pauses chorégraphiques et d’échappées oniriques, le parcours est à la fois artistique, convivial et instructif.

Brigitte Seth et Roser Montlló Guberna rendent hommage à Serge Lifar (À l’origine était la danse), Antoine Vitez (le Théâtre élitaire pour tous), et bien sûr Firmin Gémier, père fondateur du T.N.P. (Théâtre national populaire) en 1920, directeur de Chaillot jusqu’en 1951. Rattrapé par le présent, le passé refait parfois surface sous forme de clin d’œil. Au tournant d’un escalier, derrière un mur, bref à tout instant, surgissent de beaux moments de spectacle.

Les dessous de Chaillot

Notre attention est souvent attirée par de menus détails. Mais ces artistes qui prennent volontiers des voies de traverse, notamment pour proposer des spectacles hors les murs, n’y vont pas par quatre chemins : les entrailles, l’envers du décor sont aussi affriolants que les espaces publics ou dédiés au spectaculaire.

Et comme elles ont l’humour chevillé au corps, ces diablesses, c’est avec beaucoup de facétie que nous découvrons les dessous de Chaillot. Descendre et monter, dans un sens, puis un autre, encore et encore. Que de marches ! Rien n’a été négligé, et surtout pas la dimension historique d’un lieu qui, entre les deux guerres, avait ouvert ses labyrinthes aux victimes d’attaques de gaz à la moutarde.

Faisant fi de la gravité du moment et de la solennité du lieu, Brigitte Seth et Roser Montlló Guberna ont employé une légèreté de ton adéquate. Évidemment, difficile de faire l’impasse sur la salle de spectacle. Elles diversifient alors les points de vue en nous faisant passer sur les passerelles techniques, tout près de la régie. Mais la visite aurait pu s’en dispenser car, à la fin, les visiteurs n’ont qu’une envie : assister à une représentation, ne serait-ce que pour tester le rapport scène-salle. Pour l’heure, l’essentiel était ailleurs : aiguiser nos sens dessous-dessus.

À ce titre, les robes de Thierry Guénin sont particulièrement réussies. Entre austérité et extravagances, elles restituent de façon très poétique la problématique des institutions tentées par la modernité et l’audace. Elles traduisent à la fois la majesté du lieu et le souffle de liberté qu’on peut y trouver loin de tout académisme. Surtout, elles permettent une grande fluidité dans les déplacements. Les interprètes – formidables – évoluent avec légèreté et grâce, nous étonnant à chaque apparition. Là encore, bonne idée d’avoir permis à la relève de la danse (C.N.S.M.D.P.) de participer à cet évènement. La chorégraphie est pleine de sens et d’une grande sensualité.

Gouverné par la création, Chaillot ne pouvait pas trouver mieux que ce type de visite pour l’inauguration. Après le théâtre (classique et contemporain), la danse – toutes les danses – y sont désormais programmées (même s’il reste quand même des pièces à l’affiche), dont, d’ailleurs, la Cie Toujours après minuit, en décembre, avec Esmérate (Fais de ton mieux !). Et ces Visites décalées suscitent le désir frénétique de revenir à Chaillot pour découvrir ce nouveau spectacle. 

Léna Martinelli


Visites décalées, de Brigitte Seth et Roser Montlló Guberna

Site de la cie Toujours après minuit

Avec : Sébastien Amblard, Louise Hakim, Théo Le Bruman, Roser Montlló Guberna, Brigitte Seth et des élèves du C.N.S.M.D.P. (Zoé Bléher, Océane Delbrel, Constance Diard, Isaure Leduc)

Assistante à la mise en scène : Jessica Fouché

Maître de ballet du C.N.S.M.D.P. : Silvia Bidegain

Robes Thierry Guénin

Son, vidéo : Hugues Laniesse

Chaillot – Théâtre national de la Danse • 1, place du Trocadéro • 75116 Paris

Du 12 au 17 septembre 2017, relâche le 15 septembre.

Site du théâtre

Renseignements : 01 53 65 30 00

Entrée libre sur réservation

Photo : © Jean Couturier © Yoann Fitoussi

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