« Le Ring de Katharsy », Alice Laloy, Théâtre National Populaire, Villeurbanne

Le-Ring-De-Katharsy-alice-laloy © jacques-grison

Partie de puching ball

Trina Mounier
Les Trois Coups

C’est au TNP (mais pour le TNG en travaux et avant une belle tournée), qu’Alice Laloy a choisi de créer son dernier spectacle. L’accueil du public a été à la hauteur du geste artistique, intense.

Et pourtant Le Ring de Katharsy ne cherche pas la facilité. Loin des effets spéciaux stroboscopiques, plateau, acteurs et décors sont, dès le départ et jusqu’à la fin, plongés dans un bain de poussière grise uniforme. Comme si le jour ne filtrait plus, pas plus que les émotions humaines que sont la joie, la tendresse, le chagrin, la colère.

Car, nous alertant sur des déviances familières mais non innocentes, ce qu’Alice Laloy nous raconte est loin d’être gai. La pièce peut être lue à différents étages, guère plus réjouissants les uns que les autres, tout comme ce spectacle lui-même inclassable à force de se jouer des frontières entre théâtre, danse, art de la marionnette et cirque. Quelle perfection plastique !

Le spectacle est divisé en plusieurs séquences aux noms évocateurs : click and collect, black Friday, stop crying, que le meilleur gagne, enjoy your meal…Tous ces tableaux annoncés par le personnage de Katharsy, en position dominante centrale sur une sorte d’estrade, comme un dieu cruel qui manipule tout le monde, sont des occasions de se disputer des objets tel des enfants, qui tombent du grill comme par enchantement. C’est elle qui fait inscrire les thèmes et annonce les scores tout en chantant des airs d’opéra. C’est assez terrifiant.

Ce Ring de Katharsy nous parle de catharsis. Tout est dit dans le titre : nous sommes les spectateurs d’un combat violent circonscrit à un espace déterminé. Dans le théâtre de l’Antiquité, puis encore chez Racine, on ssistait à des histoires qui devaient provoquer en nous l’horreur et la pitié, par leur excès et leur cruauté. Affronter pour de faux la réalité du mal dans toutes ses dimensions les plus contraires à la morale provoque cette catharsis.

Et pourtant, nous sommes bien loin du théâtre classique car point de héros ici, pas même des vrais hommes et des vraies femmes avec des sentiments, nous regardons juste des êtres humains rendus à l’état de pantins, d’avatars. Et cela nous parle d’aujourd’hui.

Combats

Les deux personnages confortablement installés de part et d’autre du ring (et de la scène) se livrent un combat virtuel par personnes vivantes interposées. Ils sont aux manettes, commandent de gagner, de lutter, de casser, à la fois s’affrontant et expérimentant sans risque une toute-puissance que rien n’arrête. Les avatars, avachis sur les bancs de touche, épuisés, sans ressort, « out », doivent, tels des gladiateurs, conserver leurs forces pour se battre.

© Jacques Grison sauf la 1 et la 4 © Simon Gosselin

Soulignons la performance des artistes, capable de passer en un instant d’un mouvement rapide, parfois chorégraphié à une immobilité, et surtout une rigidité de mannequin. De la représentation de la vie pure à son absence, à la mort peut-être ou à son simulacre. C’est d’autant plus impressionnant qu’aucune émotion ne semble susceptible de les troubler. Pas même la peur.

Au-delà de cette posture de jeu, on se laisse facilement prendre dans l‘expérimentation d’un au-delà des lois, au-delà des apparences. Et ce qui n’était qu’un jeu devient vite une expérience, une addiction. Ceux qui commandent s’excitent vite, crient, hurlent des ordres et deviennent le spectacle dans le spectacle.

Trina Mounier


Le Ring de Katharsy, d’Alice Laloy

Compagnie S’appelle Reviens
Conception et mise en scène : Alice Laloy
Avec : Coralie Arnoult, Lucille Chalopin, Alberto Diaz, Camille Guillaume, Dominique Joannon, Antoine Maitrias, Léonard Martin, Nilda Martinez, Antoine Mermet, Maxime Steffan et Marion Tassou
Écriture et chorégraphie : Alice Laloy en complicité avec l’ensemble de l’équipe artistique
Scénographie : Jane Joyet
Lumière : César Godefroy
Son : Géraldine Foucault
Musique : Csaba Palotaï
Costumes : Alice Laloy, Maya-Lune Thiéblemont, Anne Yarmola
Durée : 1 h 20
Théâtre National Populaire • Grand théâtre, salle Roger Planchon • 8 place Lazare-Goujon • 69100 Villeurbanne
Du 9 au 19 octobre 2024, du mardi au vendredi à 19 h 30, samedi à 18 heures, dimanche à 15 h 30, relâche le lundi
Réservations : 04 78 03 30 00 ou en ligne
Tournée :
• Le 14 novembre, Le Bateau-Feu, scène nationale de Dunkerque
• Du 20 au 29 novembre, Théâtre national de Strasbourg
• Du 5 au 16 décembre, T2G – Théâtre de Gennevilliers, dans le cadre du Festival d’Automne
• Les 9 et 10 janvier 2025, La Rose des vents, Scène nationale Lille Métropole Villeneuve d’Ascq
• Le 28 février, Théâtre Olympia, CDN Tours, avec L’Hectare, les Territoires vendômois, Centre national de la Marionnette
• Les13 et 14 mars, Malakoff, scène nationale, dans le cadre du Festival Marto
• Les 20 et 21 mars, Théâtre d’Orléans, scène nationale
• Les 3 et 4 avril, Théâtre de l’Union, CDN du Limousin
• Les 9 et 10 avril, La Comédie de Clermont-Ferrand, scène nationale
• Du 23 au 26 novembre, Théâtre de la Cité, CDN Toulouse Occitanie

Photo de une : © Simon Gosselin

À propos de l'auteur

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Du coup, vous aimerez aussi...

Pour en découvrir plus
Catégories