Auteurs en scène
Par Trina Mounier
Les Trois Coups
Les Contemporaines fait la fête aux auteurs. Pendant deux semaines, de nouvelles écritures vont se succéder sur le plateau de la salle Jean Bouise du TNP, dite « petit théâtre », mais 250 places quand même. Ces pièces ne seront pas lues, mais jouées, incarnées par des comédiens dirigés par un metteur en scène.
Ne doutons pas un instant que ce sera un grand moment d’émotion pour ces auteurs, réputés solitaires. Ils ont beau savoir que chaque lecteur s’approprie son texte à sa façon, y projette ses propres images, ses émotions personnelles, celles-ci lui restent cachées. Cette fois, elles vont prendre forme en real life, devant un public de chair et d’os. Qui sont donc ces auteurs qu’on ne connaît pas nécessairement ?
D’abord, ce sont majoritairement des femmes (d’une courte tête, il est vrai) et de jeunes auteurs. Francophones, certains viennent du Cameroun ou du Bénin, de Belgique ou du Canada. Mais on retrouve chez presque tous un goût et une pratique du dépaysement, un désir d’ailleurs, qui en disent long sur leur curiosité. Ainsi Cédric Mabudu est béninois mais installé au Sénégal, Gaëlle Bien-Aimé partage sa formation entre la Belgique et le Québec, l’autrice belge Céline Delbecq a travaillé au Mexique, en Iran, au Burkina Faso.
Et puis, surtout, la plupart ont déjà été distingués par des prix : Villa Médicis pour Samuel Gallet, par exemple, Studio Échaffaudages (Bénin) pour Cédric Mabudu et une kyrielle de prix pour Édouard Elvis Bvouma, désigné notamment meilleur auteur en 2008 par les Grands Prix Afrique du Théâtre Francophone, lauréat en 2016 du prix Inédits d’Afrique et Outremer et prix de la SACD avec À la guerre comme à la Gameboy. Ce qui n’enlève rien au talent de défricheurs de Maxime Mansion et Pauline Hercule, qui font vivre En Actes et les JLAT.
Qui sont les auteurs des Contemporaines ?
Nous avons pu rencontrer trois d’entre eux qui nous ont parlé de leur expérience. Pauline Noblecourt, dont on pourra voir La Potion Chamallows au Théâtre de la Croix-Rousse,n’en est pas à son premier essai et participe à ce festival pour la troisième fois : « Maxime Mansion est le premier à m’avoir passé commande, alors c’est d’abord une question de fidélité. Mais surtout j’ai pu mesurer tout ce qu’apporte au texte le passage au plateau. » Elle qui se consacre aujourd’hui à l’expérimentation de nouvelles formes d’écriture, collective notamment, reconnaît qu’elle a ainsi acquis bien plus d’expérience.
Pour Cédric Mobudu, « les Journées d’auteur sont des occasions de se découvrir à travers ses pairs. Elles représentent des moments précieux de ressourcement et d’inspiration. Et puis, elles m’ont permis de prouver à ma famille qu’écrire pouvait aussi être un métier d’avenir. »
Quant à Antoine Palévody, il offre un profil particulier : c’est en tant que traducteur (de Ce que vit le rhinocéros, de l’allemand Jens Raschke) qu’il est devenu lauréat des JLAT. La place de choix que confèrent aux traducteurs les Journées d’auteurs confirme l’importance qu’ils ont dans la réception d’une pièce par le public. « Traduire est un travail à part entière et spécifique que les journées contribuent à valoriser, explique-il. Il ne suffit pas de bien parler une langue. Après mes études d’allemand, j’ai très vite commencé à traduire des petites choses et ça m’a beaucoup plu. Parallèlement je suivais des cours de théâtre au Conservatoire de Toulouse. C’est quand j’ai fait un stage à la Maison Antoine Vitez que son directeur m’a proposé de traduire Ce que vit le rhinocéros. Je ne me sens pas auteur, c’est un métier différent. Le traducteur transmet, même si le passage n’est jamais neutre à cause, notamment, de syntaxes plus ou moins compatibles d’une langue avec l’autre. Il existe tout un débat sur cette question aujourd’hui. Certains prônent le respect absolu du texte originel, d’autres s’en affranchissent davantage. Moi, je suis plutôt du côté des sourciers, même si en réalité, on fait ce qu’on peut. »
Alors, à la recherche d’autres découvertes ? envie de bavarder avec des auteurs dans une ambiance plus détendue qu’un salon du livre ? Le manifeste des Contemporaines, vous le promet et déclare Savoir qu’il y a des langues inédites, sauvages, rétives, inouïes, obscures, faussement plates et quotidiennes, trouées, baroques, imaginaires, composées. Et que l’écrivain·e est traversé·e d’identités multiples, qu’écrire ce n’est pas forcément parler de soi, pas forcément retranscrire la parole improvisée des acteurs et actrices.
Donc, suivons-le.a et rendez-vous au TNP dès le 2 mai ! ¶
Trina Mounier
Du 2 au 14 mai 2022
Théâtre National Populaire • salle Jean Bouise • 8, place Lazare-Goujon • 69100 Villeurbanne
Réservations : 04 78 03 30 00 ou billetterie
Tarifs des spectacles : 5 € ou 7 € (sauf Corde. Raide : 14 €) et gratuit pour certains étudiants et les bénéficiaires de minima sociaux
Lectures gratuites (réservation indispensable)
Programmation complète ici
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