Festival Les Rugissantes 2025, reportage, « Gargarine is not dead », « 1978 », « Playback FM », « Les Oubliées », Le Creusot

« 1978 » La Famille Goldini © Stéphanie Ruffier

Une édition r(o)ugissante !

Stéphanie Ruffier
Les Trois Coups

Record de fréquentation au festival des arts de la rue du Creusot ! 21.500 spectateurs ont été submergés par des vagues de rouge… et par des trombes d’eau, lors du feu d’artifice de clôture. Tour d’horizon de spectacles qui nous ont enflammées.

« Ground control to Les Rugissantes ! » Massée autour des cercles concentriques de Gagarine is not dead, la foule est prête au décollage. Ce spectacle des compagnies Les Sanglés et En Corps en l’air débute par des consignes de sécu ratées et des tests de résistance qui font craindre l’amateurisme. Ils sont quatre à vouloir rendre hommage à « Gaga, prof d’astronomie à la MJC », avec une pelle mécanique de cimetière achetée sur le Bon Coin. Le public familial frémit.

« Gagarine is not dead » Cies Les Sanglés et En Corps en L’air © Maxime Avon sauf la 2 © Stéphanie Ruffier

Dany a perdu la liste des checks. Un certain Musk hypocondriaque et égocentrique préfère haranguer les followers qui accepteraient d’envoyer leurs cendres dans l’espace… Les arts de la rue ADORENT les loosers magnifiques. Et là, ils planent complet ! Tout capote en beauté et en apesanteur. Ne nous y trompons pas : sous ses aspects potaches, la proposition fait preuve d’un vrai lyrisme de l’élévation. Le collectif décolle et la bricole se révèle stratosphérique. Retrouvant le plaisir des enfants fascinés par un mobile de planètes, on savoure une pluie de belles images inventives. Ovation ! Du cirque fraternel et onirique qui nous mène au 7ciel.

Tandem traditionnel et quatuor féministe

Samedi, un immense projet participatif scénographié par les Plastiqueurs pare Le Creusot de rouge vif. Château et habitant·es sont revêtus de carmin avec le renfort des associations locales, tandis que défilent des personnages muets aux têtes-maisons surréalistes. Le grand bal des Intrigants et la déambulation des immenses girafes de la compagnie Off marquent un point d’orgue. Une grande célébration tout feu tout flamme réunit un public nombreux et fasciné. La thématique enchante.

Dimanche, dans la très jolie cour du château, les balais des techniciens s’activent sur le tapis de danse après une belle averse. Le Duo Kaos s’élance. Time to loop célèbre avec élégance le vélo acrobatique. Portés impeccables d’un jeune couple à la tenue et au romantisme surannés.

« Time to Loop », Duo Kaos © Olivier Gaulon ; « Les Oubliées », B-side Company © Stéphanie Ruffier

Plus loin, dans le parc de la Verrerie, le propos est davantage féministe. Le cirque est mis au service d’une réflexion sur les Oubliées. Quatre acrobates en sororité luttent contre l’invisibilisation de femmes d’exception : Marie Marvingt, une sportive aventurière et circassienne aux mille exploits, dont le parcours a été trop vite effacée par l’histoire, mais aussi des figures plus proches comme les grands-mères des artistes… Loin des sirènes de la performance physique, celles-ci s’épaulent et prennent appui les unes sur les autres en chanson. Haro sur la rivalité féminine. L’aérien est vécu comme une échappée. Intime et politique mis au service de l’émancipation.

Miltonite et médias au bord de la crise de nerfs

Dans la cour du collège du centre, la Famille Goldini n’est plus cabriolante et dansante. Les temps sont durs sous idéologie capitaliste, c’est la crise… qui se répète d’année en année : choc pétrolier, guerres, subprimes, etc. Hugo, seul en scène, nous invite dans 1978 à une thérapie collective aux atours de récit générationnel. Chez le « crisologue », on traverse sa bio de circassien étudiant en économie. Ou comment les théories libérales de Milton Friedman ont pourri nos vies et notre planète avec « mille tonnes de bombes ». Le long tableau derrière lui se couvre peu à peu de photos du sourire indécent de Reagan et Thatcher, de courbes de la bourse, de photos familiales évoquant la baisse du niveau de vie, la dépression… et le bonheur, malgré tout. Un bel exposé pédagogique grinçant, sincère et un brin cabotin. À raccourcir à peine, sans doute. On aime le côté bas de laine de Proust et la révision des lois du marché. Ce spectacle touchant vaut bien mieux qu’un « Xamarx ».

« 1978 » La Famille Goldini © Stéphanie Ruffier et © Michaël Noiville ; « Playback FM », Valentin Dilas © Aliette Cosset

Tout aussi drôle et pas moins politique, Valentin Dilas maîtrise le lipsync à la perfection dans la cour du manège. Son seul en scène, Playback FM, permet de réentendre les fameux lapsus, bourdes et coups de gueule du cinéma et de la TV. Son visage pâte à modeler s’amuse des parlures et ne laisse rien passer du sexisme ordinaire, de l’homophobie et des ridicules de la médiatisation. Gainsbourg, Vanessa Paradis, entre autres, en prennent pour leur grade. Au-delà du plaisir de réentendre les moments connus dont sont friands les best off, on savoure un montage qui explore l’art de prendre la parole. Un comédien charismatique qui envoie de bonnes ondes.

Tandis que le « mini-Puy du Fou » (Murmures de la Cité) dans l’Allier brandit des drapeaux nazis et une vision conservatrice de l’Histoire, déroulant le tapis rouge au néo-fascisme, on se réjouit que les deniers publics servent en Bourgogne des spectacles populaires altruistes. Ici, on mise sur le rouge du cœur ouvert et sur le spectacle vivant comme ciment social. Comme le conseille La Meute à la fin de son généreux Newroz invitant à l’accueil de l’étranger : « Prenez soin de vous… et aussi des autres ».

Stéphanie Ruffier


Gagarine is not dead, Les Sanglés et En corps en l’air
Site de la compagnie
Avec : Mélodie Buffard ou Caroline Le Roy en alternance, Hugues Delforge, Guillaume Loconte et Lolita Morales
Regards extérieurs : Hélène Savina Ribeyrolles et Aurélia Tastet
Costumes : Magali Castellan, Céline Joly et Lucille Maillet
Conception et construction : Florian Wenger, Quentin Alart et Hydrosystem
Accessoires : Nicolas Vullier
Durée : 1 heure
Tout public dès 3 ans
Tournée ici (dont) :
• Du 4 au 7 août, La Déferlante, Barbâtre, Noirmoutier, Notre-Dame-de-Monts et Saint-Jean-de-Monts (85)
• Les 9 et 10 août, dans le cadre du Temps fort du CNAREP Quelques p’arts, à Boulieu-les-Annonay (07)
• Le 14 août, festival L’ Écho des mots, à Pont du Fossé (05)
• Le 17 août, festival de L’imaginaire Libre, à Taulignan (26)
• Les 13 et 14 septembre, festival Arto, à Ramonville (31)
• Les 20 et 21 septembre, festival Cergy Soit, à Cergy (95)
• Les 4 et 5 octobre, festival Du Bitume et des Plumes, à Besançon (25)

Les Oubliées, B-side company
Site de la compagnie
Auteur·ice·s : Flora Lacornerie, Camille Jacquot, Nathalie Bertholio, Angèle Pelletier, Viola Grazioli et Hugo Varret
Interprètes : Flora Lacornerie, Camille Jacquot, Nathalie Bertholio et Angèle Pelletier
Régisseuse : Marion Tassetti
Regard extérieur : Hugo Varret
Regard chorégraphique : Diane Gossiome
Costumière : Karine Delaunay
Scénographes : Juliette Nozières et Gaspard Albrespy Briand
Durée : 1 heure
Tout public
Tournée :
Du 17 au 20 juillet, Collectif Les Punaises, au Festival Chalon dans la Rue (71)
• Le 10 août, Festival Vertical’été, à Mont Dauphin (05) 
• Le 30 août, Festival Détours en Tournugeois, à Tournus (71)

1978, Famille Goldini
Site de la compagnie
De et avec : Hugues Amster
Mise en scène : Christophe Lafargue (Garniouze)
Regard extérieur : Priscilla Muré
Durée : 2 heures
Tout public à partir de 12 ans
Tournée
ici (dont) :
• Le 17 juillet, Festival de théâtre de Samatan (32)
• Du 23 au 25 juillet, Festival Les Grands Chemins, à Ax-Les-Thermes (09)
• Le 1er août, L’Écho du Caquetoire, à Cheverny (41)
• Le 4 août, à Besse (63)
• Du 20 au 23 août, festival Éclat, à Aurillac (15)
• Le 24 août, L’Agit au Vert, à Toulouse (31)
• Les 29 et 30 août, Festival Les Rias, CNAREP Le Fourneau à Brest (29)
• Le 25 septembre, aux 20 ans de France Active, à Toulouse (31)
• Le 4 octobre, à Rue Public, à Montpellier (34)
• Le 17 octobre, à Obernay (67)
• Les 18 et 19 octobre au Festival Michto, à Maxéville (54)
• Le 7 décembre, à L’eau Vive, à Cuxac (11)

Playback FM, de Valentin Dilas
Page Instagram de la cie Pour que tu m’aimes encore
Conception et jeu : Valentin Dilas
Regard extérieur : Anne-Sophie Derouet
Technique sonore : Estelle Lembert
Accompagnement : Laura Bastien
Tournée :
• Les 29 et 30 août, Festival Les Rias, à Rédéné (29)
• Les 13 et 14 septembre, festival Arto, à Ramonville (31)

Festival Les Rugissantes• Château et Parc de la Verrerie • 71200 Le Creusot
Du vendredi 11 au dimanche 13 juillet 2025
Gratuit
Plus d’infos ici

À découvrir sur Les Trois Coups :
Reportage à Viva Cité à Sotteville-lès-Rouen, par Stéphanie Ruffier
Newroz, à Parade(s), par Stéphanie Ruffier

Photo de une : « Les Girafes », Cie Off © Olivier Gaulon

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