« Des Femmes qui nagent », Pauline Peyrade, Théâtre de L’Union, Limoges

Des-femmes-qui-nagent-Pauline-peyrade © Klara Beck

Trop intelligentes pour moi ?

Par Laura Plas
Les Trois Coups

Création au féminin, « Des femmes qui nagent » interroge le sort du « 2ème sexe » au cinéma…. Écriture, mise en scène et jeu au cordeau pour un spectacle lynchéen qui fait le pari de l’écriture et de la cinéphilie au risque de perdre des spectateurs en chemin. Trop intelligent pour moi ?

Aucune femme nominée en réalisation cette année aux Césars. What a surprise ! Me too cinéma, branche française, a encore du boulot. Des Femmes qui nagent, qui s’intéresse aux actrices, réalisatrices, spectatrices de cinéma, fait bien sens. D’autant que la pièce est une aventure menée par des femmes : une autrice, Pauline Peyrade, une metteuse en scène, Émilie Capliez, et quatre actrices au plateau : Odja Llorca, Catherine Morlot, Alma Palacios, Léa Séry qui donnent corps aux réflexions de Françoise Héritier sur les âges de la vie des femmes. Donc, pas de doute – à l’instar de Sigourney Weawer qui s’imposa dans la saga des Aliens, référence de la pièce – ici, les femmes ont pris le pouvoir.

On peut s’en réjouir, mais de là à jouir tout simplement du spectacle, il s’en faut de beaucoup. Le décollage est certes magnifique : d’emblée, on est emporté par une ekphrasis impressionnante qui emplit une scène vide et baignée dans l’ombre ; pourtant, la suite nécessite de s’accrocher.

© Klara Beck

D’abord, la création, quoi qu’évoquant le septième art, n’offre en pâture aucune image filmée, si ce n’est celles fragmentées des corps fragmentés eux-mêmes d’une séance de porno amateur au sens peu évident. À peine le cinéma affleurera-il parfois dans une bande son fantomatique. Qu’on se le dise, il n’est pas question de cinéma en soi, mais d’un milieu où l’œil voyeur de la caméra est masculin et où, par conséquent, les relations de genres sont exacerbées et violentes. C’est ce qu’exprime, d’ailleurs, une direction d’actrices trash où les corps se cognent au décor, se contorsionnent.

Par ailleurs, si au cinéma, les préconisations d’âge sont très contestables, on vous conseille de les suivre et de ne pas traîner votre ado d’appartement au spectacle : il risquerait d’être choqué et de rire, voire de pianoter d’ennui durant toute la représentation. Des Femmes qui nagent ce n’est pas l’œuvre punchy et engagée qui le fera entrer en religion théâtrale. Pas d’histoire, pas de sens obvie ; on est plutôt dans un labyrinthe intelligent. Comme dans un film de Lynch, lui aussi cité, on doit recomposer une pièce-puzzle.

Et si on ajoute que Pauline Peyrade ne recule devant aucune énumération gigantesque, que le texte parfois semble s’apparenter à la profération d’un scenario matinée de Nouveau Roman, on a quelque idée de l’exigence.

Et l’actrice porta le verbe

Heureusement que la pièce aborde des questions aussi fortes que le consentement à la caméra, la réification des êtres, les fantasmes souvent malheureux des hommes et des femmes sur les mirages que sont les actrices. Heureusement que, dans sa composition (de Marylin aux simples mortelles spectatrices de cinéma, des actrices professionnelles aux amatrices), l’œuvre va au-delà du manifeste pour un féminisme dominateur que laissait momentanément craindre la référence à Alien.

Heureusement, enfin, que la pièce est portée par quatre actrices convaincantes, avec, en tête, l’excellente Odja Llorca. Des femmes capables de porter un texte parfois beau, mais difficile. 🔴

Laura Plas


Des Femmes qui nagent, de Pauline Peyrade

Le texte est édité chez Actes-Sud Papiers
Site de la compagnie
Mise en scène : Émilie Capliez
Dramaturgie : Juliette de Beauchamp
Avec : Odja Llorca, Catherine Morlot, Alma Palacios, Léa Séry
Scénographie : Alban Ho Van
Lumière : Kelig Le Bars
Durée :  2 heures
Dès 14 ans

Théâtre de l’Union, CDN du Limousin • 20, rue des Coopérateurs • 87000 Limoges
Les 21 et le 22 février 2023, à 20 heures, le 23 février 2023 à 19 heures
De 6 € à 22 €
Réservations : 05 55 79 90 00 ou en ligne

Tournée ici :
• Du 8 mars au 19 mars, Théâtre Gérard Philipe, à Saint-Denis
• Du 19 au 21 avril, Comédie de Reims, à Reims

À découvrir sur Les Trois Coups :
Le Retour au désert, de Bernard-Marie Koltès, La Comédie de Saint-Étienne, par Trina Mounier
Ctrl X, de Pauline Peyrade, Le Monfort, à Paris, par Léna Martinelli
Reportage au Théâtre du Peuple, à Bussang, par Cédric Enjalbert

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