Un festival qui porte bien son nom
Comme en témoignent les chiffres des dernières éditions, avec plus de 8.000 spectateur·rice·s, près de 200 artistes et 90 professionnel·le·s au rendez-vous, le festival est très attendu par les publics. C’est le fruit d’une activité entamée en 1988, portée par des passionnés, puis des professionnels aguerris.
À l’origine, le festival était un rassemblement de circassien·ne·s amateur·rice·s et se présentait sous la forme d’un concours international. En 2005, cette formule est abandonnée et le festival devient biennal, afin de se concentrer sur l’accompagnement de jeunes compagnies, avec une programmation qui s’étoffe d’année en année. En 2009, le festival essaime dans la ville, favorise les rencontres, multiplie les partenariats et propose des spectacles gratuits en rue.
© La Piste aux Espoirs
Depuis 2011, grâce au partenariat de la maison de la culture de Tournai, qui fait du nouveau cirque un des axes importants de son projet, la Piste aux Espoirs renforce et encourage les créations novatrices, tout en accueillant des compagnies d’envergure nationale et internationale.
À ce titre, durant deux jours (17 et 18 avril), l’équipe organise, en collaboration avec Wallonie-Bruxelles International (WBI) et Wallonie-Bruxelles Théâtre Danse (WBTD) et la maison de la culture de Tournai, des rencontres de professionnel·le·s, lesquel·le·s peuvent, en plus des spectacles tout public, assister aux Bons Baisers Cirquedédiés à la mise en réseau et la présentation de projets de compagnies circassiennes belges et étrangères.
Focus sur la création belge
Sur les 24 propositions,on dénombre 15 compagnies issues de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Service du Cirque, des Arts forains et de la Rue, 8 compagnies françaises. Quatre sont soutenus par la maison de la culture de Tournai : Corps tendres (Lucie Yerlès),sur le sens du toucher, comme geste d’attention, de tendresse, d’apprentissage, de sécurité ou de violence ; Fabulation (Constance Bugnon et Gianna Sutterlet),qui traite de réussite, dépassement de soi, vulnérabilité ; Armour (Arno Ferrera, Gilles Pollet, Charles Hession) « une performance acrobatique audacieuse pour bouleverser les codes de la masculinité » ; J’Adore ! (Les Vélocimanes), un Karaoké muet et gesticulé sur des musiques de Philippe Katherine.
« J’adore », Les Vélocimanes © Ben Bruyninx ; « Der Lauf », Les Vélocimanes © Lena Politowski
D’ailleurs, cette compagnie bien connue en France dirigée par Guy Waerenburgh, fêtera ses 10 ans à la Piste. Après 350 représentations, Der Lauf « revient à la maison ». Nous avons beaucoup aimé ces jeux de massacre, à mi-chemin entre Intervilles et David Lynch, qui « questionnent le cours des choses qu’un rien peut changer », un spectacle chamboule-tout vraiment unique en son genre (lire la critique de Léna Martinelli). Il est repris en version XXL avec tous les interprètes de l’aventure, des extraits de projets en cours, des idées longtemps rêvées jamais réalisées, et des jeux « derloufiens ». Une soirée qui s’annonce déjantée !
Dans le cadre d’Apercus de cirque (co-organisée par La Chouette Diffusion / WBI / WBTD / Aires Libres / CC Wolubilis / maison de la culture de Tournai), trois autres compagnies de la Fédération Wallonie-Bruxelles présenteront une étape de travail ou un extrait de leur spectacle : Duif (Hanna de Vletter), solo de trapèze explorant la liberté à travers la dualité ; Les Fêlures de Monsieur T(Livia Jouan – Studio T.), quête identitaire absurde ; J’ai rêvé que j’avais des dents velues (cie Humo y polvo), sur la lutte pour l’égalité des genres. Cette soirée orchestrée par JeanJean, présentateur pétillant et maître de l’improvisation, est une belle occasion de découvrir en un clin d’œil la pluralité du cirque belge, non plus à Bruxelles, comme c’était le cas lors des éditions précédentes, mais à Tournai.
À ne pas manquer
Nous recommandons vivement plusieurs spectacles déjà vus, à commencer par l’extraordinaire Gagarine is Not Dead (Les Sanglés & En Corps en l’Air), dont les portés acrobatiques et aériens, en extérieur évidemment, racontent une épopée vertigineuse. Sous chapiteau (plaine des manœuvres), cette fois, Les Dodos revisite avec humour le thème de la survie grâce à une cinquantaine de guitares transformées en agrès de cirque : inspiré par ces drôles d’oiseaux aujourd’hui disparus, Le P’tit Cirk déploie sa poésie acrobatique et musicale. Une pépite à ne pas manquer (lire la critique de Léna Martinelli) !
« Gagarine is not dead », Les Sanglés & En Corps en l’Air © Luc Vivet ; « Les Dodos », Le P’tit Cirk © Guillaume de Smedt ; « La Bande à Tyrex » © Pierre Barbier
Après ces formes spectaculaires, ces deux duos n’en « cassent pas moins la baraque » : Pling Klang (Étienne Manceau et Mathieu Despoisse) proposeune reconstruction du couple – à moins que ce ne soit une mise en pièce – à travers un défi saugrenu et ludique : le montage d’un meuble IKEA. C’est malin et très original, là aussi. Enfin, Biographies (cie Ea Eo) est une introspection inventive rythmée par un flow intense à 160 bpm, entre jonglage rappé ou rap jonglé (lire la critique de Léna Martinelli).
À découvrir
Dans Ballroom (Post Huit Hessdalen), de la magie et des balles rebondissantes dans un camion, Stijn Grupping repousse les limites du jonglage en laissant les balles « choisir » leur propre chorégraphie. Les neuf acrobates-musicien·ne·s de La Bande à Tyrex évoluent dans un ballet cycliste musical, un « fourmillement de roues, une effervescence de vitalité ». Monique (Projet coin) est du monocycle « drôle, surprenant et profondément humain ».
« Monique », Projet coin © Up Circus Performing Arts ; « Ballroom » © Post Huit Hessdalen
Chaque soirée promet de l’ambiance. Après les réalisations d’enfants, dans le cadre de l’exposition installation de Vincent Mathy, celle d’ouverture met justement en avant J’Adore !, ainsi que De bonnes raisons (La Volte Cirque), qui allie humour, intelligence et amour du risque. Outre Der Lauf Party (samedi), à noter également : Le Grand Choréoké (jeudi et vendredi, un DJ et VJ, fera danser le public sur des chorégraphies projetées sur grand écran) ; le concert TURFU (vendredi).
Création, convivialité, accessibilité : sur les huit propositions gratuites, deux se déroulent en extérieur ; on pourra assister à une étape de travail, deux soirées festives, une exposition-installation, des restitutions. En plus des spectacles, des projets scolaires sont en effet menés autour de la piste, des ateliers ouverts, des jeux et expérimentations. En tout, 1.200 élèvessont concerné·e·s par ces actions. Passionnément est une carte blanche à Mômes Circus (école de cirque Tournai), en collaboration avec Cirq’en Bulles (école de cirque Mouscron). Pour la première fois, les étudiant·e·s de l’ESAC (École supérieure des arts du cirque de Bruxelles) seront accueilli·e·s sur toute la durée du festival, dans le cadre de leur formation.
« Biographies », cie Ea Eo © Jean-Marc Chauvel ; Der Lauf Party © Les Vélocimanes ; « Armour » © Florian Hetz
Oui, la Piste aux Espoirs porte bien son nom. Et la maison de la culture de Tournai n’a-t-elle pas comme slogan : Bienvenue à la maison ! ?
Léna Martinelli
La Piste aux Espoirs
Du 16 au 20 avril 2025
Toute la programmation ici
Infos pratiques ici
Maison de la culture de Tournai • 2, bd des Frères Rimbaut • 7500 Tournai (Belgique)
Réservations : en ligne • Tel. : +32 (0) 69 25 30 80 • Mail
Spectacles déjà vus et chroniqués :
• Biographies, cie Ea Eo : lire la critique de Léna Martinelli
• Der Lauf, Les Vélocimanes : lire la critique de Léna Martinelli
• Les Dodos, Le P’tit Cirk : lire la critique de Léna Martinelli
• Pling Klang, Étienne Manceau & Mathieu Despoisse : lire la critique de Léna Martinelli
Photo de une : « Monique », Projet coin © UP – Circus & Performing Arts
