Le Noob 2025, Entretien, Étienne Legendre, L’éclat, Pont-Audemer

Ballroom © Post Huit Hessdalen

Le Noob : des expériences sensibles et conviviales

Par Léna Martinelli
Les Trois Coups

Premier festival jeune public du genre, en France, Le Noob mêle immersion et nouvelles technologies (performance, danse, musique, théâtre d’objets, arts visuels). Du 22 au 30 avril, 5 installations immersives et 2 ateliers (tous gratuits), ainsi que 10 spectacles à découvrir dès 6 mois, se déroulent dans 8 lieux de Pont-Audemer. Rencontre avec Étienne Legendre, à la tête de L’éclat, qui pilote cet évènement.

Vous êtes directeur de L’éclat depuis 2024. Vous succédez à Simon Fleury, fondateur du Noob, désormais à la direction de dsn scène nationale de Dieppe. Quels sont les changements depuis votre arrivée ?

Nous avons souhaité poursuivre dans la voie engagée, car Le Noob figure au cœur du projet de L’éclat. Toutefois, à partir de 2026, le festival s’ouvrira davantage aux adolescents. Et dès cette édition, j’ai ajouté une dimension arts visuels et sonores. Après plusieurs années passées au Tetris, au Havre, mon appétence pour les musiques actuelles se traduit inévitablement dans des choix, comme Turbo Minus : concert de musiques électroniques avec ballons, confettis et autres accessoires de fête adapté aux plus jeunes (dès 6 ans), un DJ set aux possibilités inédites de Radio Minus, accompagné d’une création graphique, colorée et dynamique.

Pour Aria, Jesse Lucas invite les enfants à prendre place autour d’un écran circulaire, un hublot. Sur l’écran, les enfants découvrent la planète Aria. L’artiste conte l’histoire de l’apparition de la vie sur cette planète lointaine. Ses mots se mêlent à des notes de musique jouées sur une multitude de petits instruments acoustiques et électroniques. Un insolite voyage visuel et musical interactif (dès 5 ans).

J’exprime surtout ma sensibilité pour la marionnette et le théâtre d’objets. C’est le cas d’À vous les studios, une course cycliste pour 2 commentateurs et 4 moniteurs à tube cathodique(dès 8 ans) retransmis en direct sur les écrans et sonorisé. Un clin d’œil, puisque ce théâtre bricolé à partir de matériel désuet de la cie Les Maladroits est aux antipodes des nouvelles technologies, malgré l’usage de la caméra. Je suis friand de ces petites formes qui renouvelle la relation aux publics.

Mes missions : choisir la programmation des spectacles et coordonner les actions culturelles en lien avec le Théâtre. Pour la 7édition, notons l’organisation de deux ateliers numériques gratuits (en lien avec la Micro-Folie et la Médiathèque) et d’un concert-goûter pour la fin des festivités. Autre nouveauté : un pass nominatif à 16 € qui donne accès à tout.

Le jeune public est-il toujours autant ancré dans la programmation ?

Scène conventionnée d’intérêt national Art Enfance et Jeunesse, la saison comporte environ la moitié de spectacles accessibles au jeune public et la dimension familiale est très importante. Pour rappel, concernant précisément Le Noob, ce terme se réfère au langage vidéo désignant les débutants (abréviation de newbie). C’est pourquoi, durant ce temps fort, nous mettons à l’honneur les dramaturgies numériques à destination des plus jeunes.

Festival atypique en direction des 6 mois-12 ans, Le Noob s’adresse en effet aux tout-petits. Pourquoi ?

L’épanouissement et l’émancipation des individus commencent dès le plus jeune âge. Le participatif stimule les apprentissages, élève les esprits. Voici justement deux spectaclesqui convoquent tous les sens : Noïse Story, du collectif Rotule, se déroule autour d’une basse électrique et d’une clarinette. L’invitation à manipuler librement les jouets et objets du quotidien vise à créer ensemble, artistes et tout-petits, une matière sonore vivante et insolite (de 18 mois à 5 ans).

Quant à Chemins faisant (cie Éteile), ilinterroge la frontière mouvante entre les milieux : intérieur (nous-mêmes) et extérieur (les autres et le monde). Au sein d’une installation de textures, le public (dès 6 mois) rencontre trois curieux personnages en écoutant et voyant des choses, mais aussi en touchant, sentant, ressentant. Il évolue dans un univers, donc, et s’imprègne.

« Ballroom » © cie Post Uit Hessladen ; « À vous les studios » © Cie Les Maladroits

La créativité de ce secteur se confirme-t-elle ?

Participatifs ou pas, plus ou moins interactifs, les œuvres regorgent d’innovations. Le champ est vaste et le potentiel illimité. Certains dispositifs d’accueil du public favorisent d’emblée une immersion, par leur format ou structure, dans un camion, par exemple, comme Ballroom, où la jonglerie est mise à l’épreuve, dans un petit espace. Depuis plus de 20 ans, Stijn Grupping (cie Post Uit Hessladen) lance des balles contre tout ce qui l’entoure, qu’il s’agisse de murs, de tables, de chaises ou de robots, pour finir – si tout va bien – dans les mains du jongleur. Mais s’il laissait à présent les balles dessiner leur propre chorégraphie ? Ce spectacle original est inédit en France (dès 5 ans).

Au fond, quelles sont les spécificités de ces écritures ?

Ces expériences sensibles changent des pratiques individuelles, derrière les écrans. La réalité augmentée n’isole pas le public dans sa bulle. Au contraire, les propositions nourrissent les échanges, notamment intergénérationnels. Avec la Médiathèque, nous dédramatiseront l’usage des tablettes. Un médiateur en VR est systématiquement présent pour accompagner les gens.

À condition d’être encadrées, les nouvelles technologies permettent de vivre des sensations inédites et de changer nos perceptions. Œuvre fétiche, Les Loges ouvre également à des univers aux dimensions insoupçonnées. En prenant place, le visiteur s’installera afin de vivre un tête-à-tête de quelques minutes avec des interprètes virtuels qui le feront plonger dans l’intimité d’un texte théâtral. Une installation immersive autour des écritures dramatiques contemporaines de Joris Mathieu et Nicolas Boudier en compagnie de Haut et Court.

Nous accueillons aussi On aurait dit de la cie Permis de Construire, qui est à la fois une exposition en accès libre et une visite guidée théâtralisée. En solo ou à plusieurs, Urbanimal, d’Aurélien Jeanney (Maison Tangible) est une chasse aux trésors pour (re)découvrir un bâtiment, un quartier, un territoire. S’appuyant sur le géocaching et la réalité augmentée, ce parcours graphique dans l’espace public se compose de 8 points représentant 8 affiches d’animaux totems. Chaque illustration s’anime et amène à résoudre une nouvelle énigme.

Aux aspects ludiques s’ajoute la dimension sociale, avec des thèmes ancrés dans notre époque : aujourd’hui, plus qu’hier, il importe de distinguer le vrai du faux, de décoder. Cette année, le conteur-performeur-manipulateur d’Olympus Kids revisite la mythologie grecque. Ses figurines miniatures abordent des enjeux bien contemporains : le rapport à la justice, la condition des femmes… Représentations « interdites » aux parents, car il s’agit de libérer la parole des enfants et stimuler la spontanéité des échanges. Interactive, cette proposition scénique d’Agrupación Señor Serrano, conçue en 2 volets (Prométhée et Amazones), (de 7 à 11 ans) a reçu plusieurs prix en Espagne.

« Olympus Kids », d’Agrupación Señor Serrano © Leafhopper ; « Mojurzikong »,d’Émeric Guémas et Jérôme Lorichon © Charlotte Cormand

Onomatopées Deluxe est un film d’animation minimaliste inspiré de l’ouvrage Tout allait bien de Franck Prévot, créé en direct qui traite avec humour et poésie de la question du racisme, de la migration et de l’acceptation de l’autre. Un hommage de la Coopérative L’Astragale à l’enfance et au plaisir du jeu (théâtre d’objet performatif dès 4 ans).

Malgré son entrée en force dans le champ du spectacle vivant, pas d’intelligence artificielle au programme ?

Pas cette année ! Si les casque de VR sont déconseillés pour les moins de 11 ans, il existe plein d’émotions à vivre et de découvertes à faire, comme l’holographie, par exemple, sans oublier les bornes d’arcades (jeux vidéo). Encore une fois, parallèlement aux nouvelles technologies, des formats ou dispositifs singuliers concourent aussi à l’expérientiel.

Enfin, au croisement des arts, les pratiques numériques se distinguent souvent par une puissance du propos et des esthétiques marquantes : Mojurzikong, d’Émeric Guémas et Jérôme Lorichon, une aventure rétro-futuriste pleine de dinosaures et de personnages en papier découpé, du théâtre musical et concert d’ombres hors norme (dès 7 ans) est vraiment à voir !

Propos recueillis par
Léna Martinelli


Le Noob

7édition, du 22 au 30 avril 2025
L’éclat, scène conventionnée d’intérêt national art enfance et jeunesse • Place du Général de Gaulle • 27500 Pont-Audemer
Programmation complète ici
Réservations : en ligneMail •Tel. 02 32 41 81 31 

Micro-folie : ouverture 10-12 heures et 14-18 heures
Tarifs : 8 € ou 6 € 

Pass Le Noob nominatif : 16 € (donnant accès à tous les spectacles dans la limite des places disponibles)
À découvrir sur Les Trois Coups :
Reportage Noob 2023, par Lena Martinelli
Entretien avec Simon Fleury, à l’occasion du Noob 2022, par Léna Martinelli

Photo de une : « Ballroom » © cie Post Uit Hessladen

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