Haut le cirque !
Par Léna Martinelli
Les Trois Coups
Le Mans fait son cirque se déroulait jusqu’au 27 juin, avec 22 spectacles et 200 artistes. Une programmation haute en couleurs, audacieuse et inclusive, organisée par Le Plongeoir, Cité du Cirque, Pôle Cirque Le Mans en voie de labellisation. Aujourd’hui régional, il doit devenir pôle national cirque. Une reconnaissance grandement méritée.
Avec plus de 60 représentations, des rencontres professionnelles, ainsi que la présence de l’ensemble de la filière cirque, des pratiques amateurs aux enseignements supérieurs, Le Mans fait son cirque s’inscrit comme un événement phare de la saison. Il alterne forme champêtre, sur la promenade Newton, à proximité de la Cité du Cirque, et forme urbaine, en cœur de ville, avec la parade qui rassemble généralement plus d’un millier d’amateurs, tandis que le festival a réuni cette année 22 000 personnes sur les deux semaines.
Temps fort de la saison cirque
Outre l’EVE – Scène universitaire, L’espal et la Cité du Cirque, la dizaine de chapiteaux, nichés dans cet écrin de verdure qu’offrent les bords de L’Huisne, permettent de présenter de nombreux spectacles, d’accueillir les instances de réseaux nationaux (Territoires de Cirque, Fédération française des écoles de cirque…) et de réunir la filière de formation, dont des amateurs (les Préalables du festival) et les étudiants du Plongeoir, du cirque Balthazar de Montpellier, du CRAC de Lomme ou encore de l’Ésacto’Lido. Cette école supérieure des arts du cirque Toulouse Occitanie a d’ailleurs présenté Bourrask, création collective pleine de fraîcheur, soit huit nationalités différentes et sept spécialités (cerceau, tissu, sangles, acrobatie, jonglage, mât chinois, fil de fer). Autant de plateaux inédits, de numéros prometteurs et de talents à dénicher.
Le Mans fait son Cirque propose un instantané de la création circassienne, de la plus intimiste à la plus spectaculaire. Toutefois, les écritures circulaires, sous chapiteau ou en extérieur, y sont particulièrement à l’honneur. Deux créations sous chapiteau sont des premières nationales : le Foutoir céleste (Cirque exalté), qui propose une « fête circassienne néo-païenne ». Guère avare de prouesses, cette bande-là a effectivement de l’énergie à revendre (lire notre critique) ! ; Ocho (Cirque Baraka), sur le thème de l’identité et du déracinement.
Autre moment attendu : la première partie du spectacle les Fauves (cie Ea Eo), dont la création est en cours. La version achevée est prévue l’automne prochain et sera présentée au prochain festival. Jonglage en aquarium, introspectif en rime, avec la plante des pieds, suspendu par des cordes… Tandis que le public était lâché – contrairement aux circassiens de foire exposés ici – et déambulait tranquillement sous un drôle de chapiteau, ces interprètes répétaient en boucle ce qui sera, peut-être un jour, leur meilleur numéro. À suivre !
Grandes formes
Tandis que la Bande à Tyrex, ballet cycliste et musical virevoltant, poursuit son impressionnante tournée, l’aventure collective du Doux Supplice, En attendant le grand soir, n’en finit plus, également, de nous faire danser (lire la critique de Laura Plas). Normal : notre besoin de consolation et de convivialité est impossible à rassasier ! Poids de la solitude, humains en déroute… Ces sujets inspirent beaucoup actuellement. A Snack To Be (La Main S’Affaire) est une ode à l’imprévu, à l’émancipation des esprits et à la réunion des corps par des acrobates désorientés, mais talentueux, qui empruntent au cinéma comme à la peinture d’Edward Hopper (lire la critique de Laura Plas).
D’autres « grandes formes » ont mêlé acrobatie et musique : Pandax (Cirque La Compagnie) relate l’histoire de cinq frères qui se connaissent déjà mais… qui se rencontrent pour la première fois. Le père est lui aussi présent dans la voiture : il voyage dans une urne. Et c’est l’accident ! Un spectacle original qui tient particulièrement la route (lire notre critique). La même compagnie a présenté l’Avis Bidon (Face A), de l’adrénaline à l’état pur, sur la nécessaire solidarité en temps de bascule. Encore plus ancré dans les sujets de société, Les Hauts Plateaux vole aussi haut. Très haut (lire notre critique).
Talents à foison
Incontestablement, L’Empreinte (cie L’Attraction Céleste) est notre coup de cœur du festival, un petit bijou de délicatesse et de poésie sur la force de l’amour (lire notre critique). Après plus de dix ans à faire vivre leurs clowns Bibeu et Humphrey, Servane Guittier et Antoine Manceau posent leurs nez rouges pour visiter d’autres modes de jeux, poursuivre l’aventure de la piste avec de nouveaux personnages, mais toujours pourvus de leurs instruments de musique (clarinette, concertina, accordéon), ainsi que les percussions et le chant. Cirque et musique se marient pour notre plus grand bonheur.
Fusionnant plusieurs disciplines, encore la musique en live et l’acrobatie, mais aussi la littérature et la géométrie Las Mal Aimée, une histoire de confiture et de chocolat (cie LuZ) est une ode à l’écriture hybride. Élaboré à partir d’improvisations, le spectacle se décline en tableaux oniriques où l’exagération des situations convoque aussi bien le rire que l’effroi, dans un même élan de voltige, dans une esthétique proche de l’univers de Tim Burton. Enfin, Je suis Tigre, fable humaniste du groupe Noce, sur l’exil et l’amitié, la guerre et la solitude, mêle acrodanse, dessins et musique (lire la critique de Laura Plas). Pour tout public, car exigeant, mais précieux.
Au carrefour des esthétiques, la forte personnalité et la poésie ludique de Johann Le Guillerm (Cirque ici) nous a, une fois de plus, subjuguée. Observateur de l’infiniment petit, cet artiste sarthois peaufine son langage pour des spectacles grandioses. À la croisée de la sculpture, de la performance et du spectacle, Attraction invitait, l’année passée, à porter un regard inédit sur notre environnement : « Agir sur les désordres du monde pour déceler d’autres agencements et créer un nouvel ordre poétique ». La ville a hérité de plusieurs œuvres pérennes aux noms impossibles : les Broglios, poèmes graphiques ; les Droliques, fleurs cinétiques aquatiques ; les Architextures, sculptures entre architectures et textures. Tout aussi intrigant, Terces combine théâtre d’objets et cirque, expériences scientifiques et réflexions philosophiques (lire notre critique). Un sacré univers à explorer.
La roue tourne
Pour présenter de tels formats, rien de tel qu’un chapiteau permanent, modulable et adapté à de nombreux dispositifs. Après moult péripéties dans sa construction, son inauguration devrait s’achever à l’automne prochain. On a hâte de découvrir ce futur lieu majeur du cirque national. Son directeur, Richard Fournier et toute son équipe, les artistes en résidence qui tissent le fil rouge de la saison (les correspondances artistiques), les artistes invités, les étudiants et amateurs, les publics et les professionnels l’attendent impatiemment. Oui, haut les cœurs et vive le cirque ! 🔴
Léna Martinelli
Le Mans fait son Cirque
21e édition, du 14 au 27 juin 2022
Le Plongeoir, Cité du Cirque • 6, bd Winston Churchill • 72100 Le Mans • Tel. 02 43 47 45 54
Promenade Newton et divers lieux
Tarifs : de 4 € à 12 € (gratuité pour les moins de 3 ans) • Pass de 21 € à 45 €
Site et programmation complète ici
À découvrir sur Les Trois Coups :
☛ Le Mans fait son cirque 2021, par Léna Martinelli