« Le Premier Artifice », Cirque Queer, Le Plongeoir, Le Mans fait son cirque 

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À fleur de peau

Léna Martinelli
Les Trois Coups

Par ses prouesses acrobatiques et sa musique live, ses transformations, apparitions, disparitions, le Cirque Queer électrise les corps et rebat les cartes du genre, défiant la binarité de façon flamboyante. Sincère et sensible, le show nous a faits vibrer. Ça en est même renversant.

Bien dans leur peau ? Ici, ces artistes peuvent au moins s’exprimer librement. Entre le Freaks Show et le cabaret de cirque, le Premier artifice met en scène, de manière très théâtrale, suspension aérienne, contorsions et numéros traditionnels revisités, figures, icônes et drags. L’ensemble est soutenu en direct et de bout en bout par du rock à dominante punk.

Subtils jeux d’équilibre

Depuis quelques années, le militantisme LGBTQI a gagné les scènes. Né en 2020, et constitué en mixité choisie (queer au plateau et équipe féminine en régie), le Cirque Queer livre une autre représentation de cette communauté et lutte contre les violences discriminatoires, sexuelles et sexistes. Car exister en tant que tel demeure toujours problématique, même en France. Écorché·e·s vi·ve·fs, ces interprètes expriment l’urgence de témoigner, quand trop d’agressions, voire de crimes, sont encore commis partout dans le monde.

Leurs cris de révolte peuvent casser les oreilles. Tous les moyens sont effectivement bons pour se faire entendre. Si, dans le Premier Artifice, l’univers est festif et burlesque, la sensibilité effleure ici et là et certains propos ouvrent des brèches. Dans cet entre-deux, des voix s’élèvent et nous font mieux comprendre le cheminement vers la transition de genre. D’ailleurs, beaucoup, dans l’équipe, sont issu·e·s de la performance. En marge, le récit d’un·e interprète touche par sa sincérité. Bien vue, la scénographie multiplie les points de vue. Des figures fortes émergent de zones d’ombre. Apparitions et disparitions évoquent les changements d’identité.

Kitsch chic

Pas d’esbroufe dans les numéros, sans doute afin de mieux laisser la vulnérabilité jaillir, comme cet exceptionnel numéro aux sangles, qui en dit long sur la perception du regard de l’autre, le courage d’affronter les épreuves. Marche sur bouteilles, lancer de couteaux… Les numéros sont bien choisis. Des témoignages sont poignants. Beaucoup, border line, ont appris à se relever. Rester dignes, en toutes circonstances. À la volée, on capte des messages contre l’homophobie.

Dans cette atmosphère dense, la légèreté reste de mise. Ielles s’exposent, non sans pudeur. Pour autant, les paillettes brillent, les plumes ondulent. Vieil enfant, dockeuse passeuse de pop-corn, drag clown déloyal, femme poly mélodique, voltigeuse non-binaire, star-clown clandestin endossent des costumes hauts en couleurs. Ces freaks sont hors norme et assument leurs différences. Mot anglais signifiant « bizarre » ou « tordu », Queer a eu une connotation positive depuis le militantisme américain.

L’extravagance côtoie le désespoir, donc. À ce titre, les fleurs artificielles qui recouvrent le plateau, dans une cérémonie en hommage aux victimes, composent un final marquant. Sans concession, parfois cru, le spectacle reste familial. Pas d’images chocs, pas de vulgarité. L’effeuillage de la reine est d’une infinie délicatesse. Le rose Haribo a viré au rose poudré. Quelle classe et quel trouble !Transgenre jusqu’au bout des ongles ! Comme ce Monsieur-Madame Loyal plutôt meneuse de revue.

Décidément, le Cirque Queer fait bouger les lignes, donne à voir autrement des personnes trop longtemps invisibilisées. Décalé, insoumis, il est juste et libre. 🔴

Léna Martinelli


Le Premier Artifice, Cirque Queer

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De et avec : Marthe, Elvis Gwenn Buczkowski, Andrea Vergara, Simon Rius, Mona Guyard, Lia Plissot, Jenny Victoire Charreton
Musique : Simon Rius, Andrea Vergara, Elvis Gwenn Buczkowski, Marthe, Jenny Victoire Charrenton
Direction musicale : Jenny Victoire Charrenton
Dramaturgie : Lia Plissot
Accompagnement à la mise en scène et à l’écriture : Sandra Calderan
Textes « Je t’arme très fort » / « Regarde » : Sandra Calderan
Création costumes : Solenne Capmas
Création et régie lumière : Kazy de Bourran
Régie son : Jenny Victoire Charrenton
Régie plateau, chapiteau et construction : Loïse Mare
Régie générale et construction : Julia Malabave
Vidéo, photographie et construction : Loup Romer
Production et diffusion : Malaury Goutoule
Regards complices : Lydie Doleand, Louise Nauthonnier, Jan Naets
Marrainage : Cie Cabas
Durée : 1 h 10
Dès 7 ans

Promenade Newton • Le Plongeoir Pôle Cirque Le Mans Sarthe Pays de la Loire • 6, bd Winston Churchill • 72100 Le Mans
Du 27 et 30 juin 2024
De 5 € à 12 €
Dans le cadre du festivalLe Mans fait son Cirque, 23e édition, du 22 au 30 juin 2024

Photos : © Loup Romer

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