« Ma mère c’est pas un ange », Emili Hufnagel, Michel Laubu, Turak Théâtre, Théâtre National Populaire, Villeurbanne

Ma mère c’est pas un ange - Emili Hufnagel Michel Laubu - Turak Théâtre © Raphael Licandro

Fin de partie

Trina Mounier
Les Trois Coups

Revoici le nouveau Turak. Chaque année ou presque, Michel Laubu et Emili Hufnagel font éclore de nouvelles histoires dans leur jardin. Et comme à l’accoutumée, c’est délicieux. Avec « Ma mère c’est pas un ange (mais j’ai pas trouvé mieux) », on reste dans la sphère intime, mais en l’abordant par une histoire de famille.

À chaque nouveau spectacle, on se dit : la famille Turak, ses joies et ses souvenirs, son pouvoir d’émotion, on connaît. Et chaque fois, on est sidérée par la capacité de Michel Laubu à se régénérer. Cette fois, Emili Hufnagel, la complice de Michel Laubu depuis des années, est mise en avant. Bien sûr, si vous n’êtes pas un familier, vous ne percevrez pas la différence. Vous cèderez sans réticence à l’enchantement, tant les marionnettes du Turak Théâtre sont humaines, leurs mimiques expressives, leurs univers singuliers : elles portent l’empreinte de leur propriétaire jusque dans les plus infimes détails.

Leurs histoires nous parlent de nous, de notre rapport au temps qui passe, de la nostalgie qui nous étreint et nous prouve que jamais rien ne s’efface complètement de nos mémoires, même quand pour certains, comme Monsieur Tokbar, elle semble bien s’être fait la belle. Et malgré l’étourdissante technicité de la mise en scène, de la scénographie, la poésie est toujours omniprésente.

Le personnage principal, sorte de Calamity Jane soupçonneuse et armée jusqu’aux dents, arpente sa maison qu’elle a consciencieusement piégée contre d’éventuels visiteurs inamicaux, au premier rang desquels les souris et sans doute aussi les voisins. Cette maison toute de verre trône au milieu du plateau : nous voici transformés en voyeurs de la solitude de cette vieille femme et de sa paranoïa.

Capharnaüm

Occasion de dire un mot de ce dispositif déplié comme un origami, qui cligne de l’œil au traditionnel castelet. Au gré des péripéties, toujours nombreuses, quoique discrètes chez les Turak, toujours à mi-distance entre humour et tristesse, le regard se porte alors sur les personnages, avec une malice pleine de tendresse.

C’est ainsi que les souris, au lieu de se livrer à quelques exactions, prennent soin de la vieille dame, la recouvrant de couvertures pour qu’elle ne prenne pas froid. De quoi a-t-elle tellement peur, finalement ? Qu’est-ce qui la pousse à ce repli sur soi ? Contre quoi, contre qui s’arme-t-elle ainsi ? Le dernier tiers du spectacle entrouvre des pistes, notamment dans les relations de cette femme avec sa fille. C’est comme le commencement d’un nouveau chapitre dont on attend la suite. C’est profondément émouvant et intelligent.

Trina Mounier


Turak Théâtre
Avec : Charly Frénéa, Audric Fumet, Simon Giroud, Patrick Murys
Lumière : Pascal Noël
Musique : Pierrick Bacher (composition) et Frédéric Jouhannet (adaptation)
Costumes : Emili Hufnagel, avec Audrey Vermont
Construction masques, marionnettes et accessoires : Michel Laubu, avec Géraldine Bonneton, Marlena Borkowszka, Charly Frénéa, Paquité Guy, Yves Perey, Audrey Vermont
Durée : 1 h 10
Théâtre National Populaire • Petit théâtre, salle Jean Bouise • 8, place Lazare-Goujon • 69100 Villeurbanne
Du 8 au 16 novembre 2024, du mardi au vendredi à 20 heures, samedi à 18 heures, dimanche à 16 heures, relâche le lundi
Réservations : 04 78 03 30 00 ou en ligne

Tournée :
• Du 23 au 25 janvier 2025, Les Quinconces et l’Espal, scène nationale Le Mans (72)
Les 19 et 20 février, Château Rouge, scène conventionnée Annemasse (74)

À découvrir sur Les Trois Coups :
Incertain Monsieur Tokbar, par Trina Mounier

Photo : © Raphaël Licandro

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