Tribune à Phia Ménard
Qui survivra à la table rase des spectacles qui s’annonce ?
Tout le monde sait qu’une immense majorité des compagnies n’aura pas de diffusion pour la saison prochaine et disparaîtra. Combien de troupes, d’individus, de primo-sortant·es des écoles seront dès ce printemps dans l’incertitude du lendemain ?
J’ai beau tendre l’oreille, je n’entends à peine qu’un murmure dans notre profession. En janvier, avec la nomination de Rachida Dati, on nous a vanté une nouvelle ministre, plus politique que la précédente, capable de défendre son ministère face à la toute-puissance de Bercy. Aujourd’hui nous le savons, 200 millions d’euros vont être retirés du budget du ministère de la Culture, dont 96 millions pour la création. Ce n’est pas pour aider les hôpitaux à l’agonie !
Cette « économie de budget » est un couperet idéologique comme la réforme des droits des chômeurs. Notre ministre a beau dire que le ministère puisera dans ses réserves et qu’il n’y aura pas de coupes, il est évident qu’elles seront l’objet de coups de communication plus qu’un vrai remède face au fléau.
Le « coûte que coûte » pour défendre la culture contre les conséquences de la pandémie de Covid19 n’existe plus. L’inflation et ses conséquences sont là. Avec la marotte du « Mieux produire, mieux diffuser », on ne parle plus d’émancipation mais d’optimisation. Dans cette vision libérale, il faut tailler, réduire en nombre, plus que transformer. Nous les entendions depuis longtemps ces mots : « trop de compagnies, d’artistes », »trop de projets de créations mal produits ».
Je me demande si nous n’avons pas fini par accepter ces discours pour être silencieux·ses à ce point.
À tous ces arguments comptables : « équipes trop grosses », « ça coûte trop cher en accueil », « c’est trop cher un camion »… nous devons rappeler que nos ouvrages, nos actions, nos compagnies sont des remparts à la montée d’une extrême droite, aux esprits guerriers, à l’appauvrissement des pensées et à la marchandisation des humains.
À l’heure où ce gouvernement, président en tête, fait feu de tous sujets dans un théâtre ridicule, sous les arches du Panthéon ou devant les caméras. Face à leurs discours toujours plus paternalistes à la Pétain, peut-être serait-il grand temps d’affirmer notre résistance et revendiquer que nous sommes les fruits de la démocratisation culturelle, une des plus intelligentes actions politiques. Nous sommes les enfants qui font germer des esprits critiques face à l’abomination et la violence.
Crier c’est être encore vivant·es.
Lutter ensemble, artistes, compagnies, théâtres labellisés ou pas, est plus que nécessaire. 🔴
Phia Ménard
Cie Non Nova
Fondée en 1998 par Phia Ménard avec pour précepte fondateur, nous n’inventons rien, nous le voyons différemment (Non nova, sed nove), la compagnie, implantée à Nantes, regroupe autour de ses projets pluridisciplinaires des artistes, technicien·nes, penseurs d’horizons et d’expériences divers. Ce n’est pas un collectif mais une équipe professionnelle, dont la direction est assurée par Phia Ménard et Claire Massonnet. L’équipe (40 individus) s’est constituée autour de projets, de rencontres, de la nécessité commune de travailler sur l’imaginaire, et de savoir-faire.
Photo : « ART.13 », de La Compagnie Non Nova – Phia Ménard © Christophe Raynaud De Lage
3 réponses
Si seulement le secteur d ela culture se mobilisait comme les agriculteurs….
On peut rêver !
Mais pourquoi pas bloquer les gros festivals cet été ?
DL
Je suis prête à me battre et je n’attends qu’une chose : occuper le ministère de la culture !
Carole Rieussec musicienne de la compagnie Kristoff K.Roll
Tout mon soutien à ce coup de gueule, ce cri fort et nécessaire en ces temps de récession culturelle, mais pas seulement.