« les Précieuses ridicules », de Molière, Théâtre de la Renaissance à Oullins

« les Précieuses ridicules » © Julien Benhamou

La revue Molière qui décolle

Par Trina Mounier
Les Trois Coups

Avec les mêmes ingrédients qui avaient assuré la réussite de « la Sublime Revanche », Camille Germser monte une nouvelle version des « Précieuses ridicules ». Tel un diable hors de sa boîte, Molière en sort tout ébouriffé !

Le jeune metteur en scène aux allures d’adolescent sage cache bien son jeu : sa fantaisie et son culot ne connaissent point de bornes et, à peine a-t-il donné une adaptation qu’il en écrit une autre, brodant et rebrodant au gré d’une imagination débridée le canevas précédent. La version antérieure de cette courte comédie en un acte durait une heure, celle-ci double le défi. C’est dire qu’il a considérablement rallongé la sauce et que ces Précieuses façon Camille Germser n’ont plus grand-chose à voir avec leurs aïeules… Si le texte s’y trouve par petites bouchées à déguster à la volée, si les deux coquettes sont toujours si insupportables que Camille Germser les démultiplie, si le sens de la farce y est cultivé avec autant de soin qu’au xviie, l’adaptation est ici une œuvre à part entière. Le metteur en scène a su par un artifice malin ranger l’auteur de son côté. Ainsi, Molière est convoqué comme le metteur en scène d’une comédie musicale endiablée, le chef d’une troupe composée uniquement de femmes qui passent leur temps à laisser leur ego d’actrice envahir leur rôle, du directeur d’une revue de music-hall, d’un acteur enfin, puisqu’il se retrouve dans la peau du valet Mascarille, lui-même travesti pour un moment en marquis de pacotille…

Jubilatoire !

Qu’a-t-il bien pu ajouter encore comme ingrédients à cette charge contre les pédantes qui agaçaient si prodigieusement Molière ? Tout d’abord un lever de rideau incongru en forme d’avertissement : les comédiennes déguisées en hôtesses de l’air nous assistent pour ce décollage imprévu. Et il est vrai, ça va décoller ! Puis de la musique kitsch à souhait, des chansons en veux-tu en voilà, des costumes incroyables de mauvais goût et de clinquant (du jaune fluo, du violet, du rose, des tenues léopard, du tulle, des paillettes, du strass, etc.), le tout dans une bonbonnière entourée de sunlights dignes des spectacles de Broadway ou de Hollywood et meublée d’un fatras qui transforme tout passage en course d’obstacles et oblige les artistes à des contorsions qui n’ont rien à envier à celles (purement sémantiques) de leurs sœurs les précieuses.

Mais ce dont fait preuve Camille Germser, c’est surtout d’une virtuosité de la mise en abyme : de même que c’est la comédienne de la compagnie La Boulangerie (Barbara Galtier, impayable !) qui interprète à la fois Molière, l’auteur lui-même, son personnage et probablement aussi Camille Germser, le spectacle se joue du théâtre, du vrai et du faux, nous promène au gré des strates de l’imagination de son créateur sans que nous sachions jamais vraiment à quel stade de l’histoire nous en sommes. Peu nous chaut en vérité, tant la comédie qui nous est donnée est irrésistible et, si l’on peut regretter parfois un manque de cohérence (à trop se laisser embarquer…), quelques petites longueurs par-ci par-là, le plaisir est au rendez-vous. D’autant qu’il est encore l’occasion de numéros d’acteurs formidables, dont celui auquel se livre Ana Benito qui compose un Gorgibus mafioso en tenue sexy complètement baroque. Travestissements, hyperboles, néologismes en tous sens et à tout-va, métaphores en cascade et surtout impeccable direction d’actrices sont les maîtres mots de cette comédie jubilatoire qui font oublier les menues imperfections d’une première qui seront sans doute gommées rapidement. 

Trina Mounier


les Précieuses ridicules, de Molière

Adaptation, musique et mise en scène : Camille Germser

Assistante : Manon Levêque

Avec : Ana Benito, Sahra Daugreilh, Clotilde Fargeix, Barbara Galtier, Laure Giappiconi, Julie Morel, Marianne Pommier, Lætitia Villemaux

Costumes : Agathe Trotignon, Camille Germser

Scénographie : Caroline Oriot

Lumières : Sébastien Dumas

Son : Michaël Selam

Régie lumières : Stéphane Fraissines

Régie plateau : Caroline Oriot, Agathe Trotignon, Jean‑Pierre Del Rossa

Poursuite : Karim Gharbi Naimi

Construction : Laurence Breton, Claire Gringore, Fanny Gautreau, Caroline Oriot

Régie générale : Caroline Oriot

Photo : © Julien Benhamou

Production et administration : Philippe Mangenot

Diffusion : Jérôme Sonigo, agence Musique au Riad

Coproduction : La Boulangerie, Théâtre du Point-du-Jour

Avec le soutien de la ville de Lyon, de la D.R.A.C. et de la région Rhône-Alpes

Théâtre de la Renaissance • 7, rue Orsel • 69600 Oullins

Réservations : 04 72 39 74 91

www.theatrelarenaissance.com

Les 18, 19 et 20 décembre 2014 à 20 heures, le dimanche 21 décembre à 15 heures

Durée : 1 h 30

35 € | 31 € | 20 € | 18 € | 17 € | 15 € | 10 € | 9 €

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