Atout tendre
Par Laura Plas
Les Trois Coups
Joyeux inventaire né d’une rencontre de comédiens et de circassiens, « À tout rompre » traite de… ruptures. Sur cette thématique potentiellement grave, le spectacle brode et amuse, proposant une dramaturgie malicieuse et plutôt maline.
Ces quatre-là se sont trouvés, appréciés au cours d’une rencontre entre circassiens et comédiens. Ça se sent. Le spectacle qu’ils ont composé ressemble à l’amitié, cet art précieux d’apprécier l’autre dans sa différence jusqu’à vouloir s’aventurer dans son royaume. Il en résulte une bonhomie un peu bavarde qui fait naître le sourire. On se sent invités chez des amis : pas de tension dans l’air. On a l’impression que si le spectacle parle de ruptures à tous les sens du terme (physique, amoureux, historique), il ne peut cependant rien arriver de dangereux. Le dispositif bifrontal y aide sans doute : on est en proximité.
Le duo de Voleak Ung et Vincent Brière est impressionnant dans sa maîtrise des portées et voltiges, mais la forme de work in progress du spectacle et les interventions drolatiques de leurs comparses comédiens estompent les craintes. La partition d’Alice Vannier est particulièrement drôle. Ainsi, défocalisant notre attention d’un numéro par son envahissant et sympathique verbiage, son clown est désopilant.
Par ailleurs, elle casse les codes circassiens, comme le porteur Vincent Brière le fait, de manière plus grave, au sujet de notre regard déséquilibré sur le duo porteur / voltigeur. De même, les tentatives des comédiens pour passer de l’autre côté (celui de la prouesse de voltige) seront adorables et amusantes.
Bifurcations, élans et art de la pause
Nous surprendre, proposer une dramaturgie inspirée de la thématique de la rupture, telles sont pour nous les qualités de la proposition. On passe d’une pratique artistique à l’autre, comme on puise dans les étagères qui organisent la scénographie. On prend encore le temps de la pause : celle de la discussion, de la confidence, de la performance au sens théâtral.
Sacha Ribeiro nous raconte par exemple une histoire d’enfance, Vincent Brière s’interroge sur son envie et son aptitude à prendre la parole sur la piste. Le spectre des massacres perpétrés par les Khmers rouges flotte souvent mais sans pesanteur. On s’occupe d’un autel aux défunts, on lance en touffe des inventaires où la poésie des mots prend, un temps, la place. Brisures, résiliences, bifurcations ou nouveaux élans sont donc non seulement racontés mais incarnés.
Le spectateur passe alors sur les inéluctables aléas des premières : les problèmes de son, les mots qu’on n’entend pas toujours bien. Il savoure le partage : celui des confidences, des bouts de vie. Il apprécie peut-être que ces quatre artistes évoquent à haute voix, comme pour lui aussi, leurs interrogations sur l’art de leurs camarades. De leurs maladresses, ils font un spectacle tendre et joyeux. S’ajoutent quelques belles idées de mise en scène comme une douche de pellicules, et une bande son réussie. Un bon moment de cirque, un « sympatraque » partage amical. 🔴
Laura Plas
À tout rompre, du Was Groupe
Plus d’infos sur Le WAS Groupe – collectif
De et avec : Vincent Brière, Sacha Ribeiro, Voleak Ung, Alice Vannier
Création sonore : Timothée Langlois
Scénographie : Benjamin Hautin
Costumière : Romane Cassard
Regard : Mathurin Bolze
Durée : 1 h 30
Dès 13 ans
Le Sirque, pôle national cirque • 6, place de l’Église • 87800 Nexon
Le 6 décembre 2023 à 20 heures
De 8 à 20 €
Réservations : 05 55 00 98 36 ou en ligne
Tournée :
• Du 12 au 14 décembre, Théâtre d’Angoulême, scène nationale (16)
• Le 17 décembre 2023, Théâtre Jean Lurcat, scène nationale d’Aubusson (23)
• Du 11 au 13 janvier 2024, Théâtre du Point du Jour, à Lyon (69)
• Du 14 au 16 février, CDN Orléans Centre Val-de-Loire (45)
• Le 2 avril, Théâtre de L’arsenal, dans le cadre du festival SPRING, à Val-de-Reuil (27)
• Du 15 au 17 mai, Le Plus Petit Cirque du Monde, à Bagneux (92)
À découvrir sur Les Trois Coups :
☛ Œuvrer son cri, cie Courir à la catastrophe, par Trina Mounier
☛ Dans ton cœur, cie Akoreakro, par Léna Martinelli