« Barbe‑Bleue », de Jacques Offenbach, Opéra de Rennes

« Barbe-Bleue » © Jef Rabillon

Un charivari joyeux et populaire

Par Jean-François Picaut
Les Trois Coups

Selon une tradition désormais bien établie, l’Opéra de Rennes, en cette période de fêtes, présente une œuvre légère. Et, dans ce genre, Offenbach est toujours apprécié.

L’opéra-bouffe Barbe-Bleue est présenté au public pour la première fois en 1866. C’est deux ans après la Belle Hélène et il renoue avec la critique de tout ce qui porte couronne en Europe. Et c’est la même année que la Vie parisienne. Deux œuvres plus populaires auprès de la postérité. Nous le découvrons ce soir dans une adaptation de Waut Koeken créée à Maastricht en 2011 et reprise à Metz, à l’Opéra de Lorraine en février 2014 sous la direction de Friederike Schulz. Le texte des dialogues et celui d’une sorte de Monsieur Loyal ont été considérablement modernisés.

Déjà, Offenbach s’était considérablement éloigné de la noirceur de Perrault et son Barbe-Bleue est bien un personnage d’opérette. Son refrain fétiche n’est-il pas « Je suis Barbe-Bleue, ô gué, jamais veuf ne fut plus gai ! ». L’intrigue aussi a été bouleversée puisque Popolani, l’exécuteur des basses œuvres, n’a finalement pas tué les épouses de son maître, tout comme le Comte Oscar, chambellan du roi, un certain Bobêche, s’est abstenu de faire périr les amants de la reine. Tout cela, vous l’avez deviné, nous prépare une chute d’une haute fantaisie.

Fantaisie, le mot clef

Fantaisie, c’est d’ailleurs le mot clef de Barbe-Bleue, et elle éclate déjà dans les décors tout à fait réjouissants de Yannik Larivée. On peut parler d’une variation quasi constante sur le thème du lit. Cet élément de mobilier peut parfois atteindre la taille de la scène et figurer ou une douce prairie ou une salle de la cour. Il arrive aussi qu’une couche plus modeste y soit dressée dans un effet de mise en abyme. Fantaisie également dans les costumes – le chœur, par exemple, est en tenue de nuit : pyjama, nuisette, déshabillé, etc. Fantaisie encore quand, au troisième acte, le buste du chef d’orchestre apparaît au-dessus de la fosse pour un intermède aviné des plus désopilants. Fantaisie toujours, dans le texte dialogué ou chanté, qui accumule les bons mots, les calembours, les à-peu-près, les équivoques, les anachronismes…, un vrai jaillissement, en vers de mirliton, qui plus est. Fantaisie enfin, dans cette musique vive, légère, marque d’Offenbach, qui joue de tous les registres pour mieux les détourner, le militaire, le solennel qui tourne au pompeux, le romantique qui vire au mièvre, etc.

Tout cela évidemment est mené sur un rythme endiablé, et il faut ici louer le travail admirable du chef Laurent Campellone, bien servi par l’Orchestre symphonique de Bretagne. Parmi les interprètes, on citera d’abord le comédien Gordon Wilson dont la silhouette dégingandée et le jeu décalé font merveille dans le rôle du Narrateur. Chez les comédiens chanteurs, la palme revient sans doute à Carine Séchaye (mezzo-soprano) qui campe avec panache et un abattage époustouflant une Boulotte pas bégueule. Mathias Vidal (ténor) est un Barbe-Bleue convaincant dans toutes les facettes du personnage. Pierre Doyen (baryton) sait donner toute sa mesure au truculent Popolani, Loïc Félix (ténor) est autant à son aise en berger qu’en Prince Saphir et Gabrielle Philiponet (soprano) incarne de façon touchante son opiniâtre amoureuse, la Princesse Hermia alias Fleurette. Il n’y a guère que quelques éléments du chœur qui suscitent une certaine réserve, dans leur mobilité et leur jeu, surtout.

Barbe-Bleue tient donc ses promesses en cette période festive. Après un premier acte qui se cherche un peu, on se laisse entraîner au galop de cette composition d’Offenbach dans cette histoire aussi débridée que brillante. 

Jean-François Picaut


Barbe-Bleue, de Jacques Offenbach

Opéra-bouffe en trois actes

Livret d’Henri Meilhac et Ludovic Halévy (1866)

Éditions Durand-Salabert-Eschig

Direction musicale : Laurent Campellone

Mise en scène : Waut Koeken

Assistante à la mise en scène : Friederike Schulz

Avec : Mathias Vidal (Barbe-Bleue), Raphael Brémard (le Roi Bobêche), Flannan Obé (le Comte Oscar), Pierre Doyen (Popolani), Loïc Félix (un berger / le Prince Saphir), Carine Séchaye (Boulotte), Gabrielle Philiponet (la Princesse Hermia / Fleurette), Sophie Angebault (la Reine Clémentine) et Gordon Wilson (le Narrateur)

Décors et costumes : Yannick Larrivée

Lumières : Glen D’Haenens

Chorégraphie : Elsa Baumann et Joshua Monten

Photo : © Jef Rabillon

Orchestre symphonique de Bretagne

Chœur d’Angers-Nantes Opéra

Opéra de Rennes • place de l’Hôtel-de-Ville • B.P. 3126 • 35031 Rennes cedex

http://www.opera-rennes.fr/

Téléphone : 02 23 62 28 28

Décembre 2014, lundi 29 et mercredi 31 à 20 heures

Janvier 2015, jeudi 1er à 16 heures et samedi 3, à 18 heures

Durée : 2 heures + entracte

50 € | 11 €

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