« Aux racines du blues populaire »
Par Jean-François Picaut
Les Trois Coups
Pour sa deuxième année, le « Blues Roots Festival » propose trois jours de fête au pied de la Montagne Sainte-Victoire.
Bonjour, André Carboulet. Vous êtes professeur de clarinette au Conservatoire national à rayonnement régional de Marseille et membre de différentes formations de musique de chambre. En quoi cela prédispose-t-il à devenir la cheville ouvrière d’un festival de blues ?
Je pense que mes liens avec le jazz remontent à mon enfance quand mes parents, qui n’étaient pas musiciens, ont choisi, pour mon frère et moi, nos instruments en fonction de nos morphologies. Pour mon frère qui était un peu « enveloppé », ce fut le saxophone et puis pour moi, plutôt maigre, la clarinette.
Nous n’avons jamais regretté le choix de ces instruments car l’aventure de notre apprentissage musical, au vu de nos instruments, a commencé naturellement par le jazz. Notre professeur n’enseignait pas dans un conservatoire, il jouait dans un orchestre musette pour faire danser dans les fêtes de village. C’était un merveilleux pédagogue qui a su nous transmettre sa passion pour la musique, sans utiliser le solfège, tout à l’oreille et par imitation.
Mes parents n’ayant aucune culture classique, aimaient Sydney Bechet, et les premiers morceaux, que nous étions fiers de leur jouer, avaient pour titre, Petite fleur, Le marchand de poissons, Les oignons, Si tu vois ma mère…
Le Blues Roots Festival se déroule pour la deuxième année à Meyreuil (13590) à quelques encablures d’Aix-en-Provence. Quels sont les rapports de cette ville avec le blues ?
En effet, la ville de Meyreuil se situant entre deux grands pôles culturels, Aix-en-Provence et Marseille et dans une région particulièrement riche de plusieurs centaines d’évènements artistiques, il est important pour Meyreuil de se différencier et de trouver une identité qui colle au mieux à son histoire, son patrimoine et ses traditions.
Meyreuil fait partie de ces villes du bassin minier de Provence qui depuis plus de 100 ans, ont partagé un quotidien lié à l’extraction du charbon. Les « Gueules noires », fils et petits fils issus de la région et de différents pays d’Europe, ont su trouver une façon de vivre ensemble, où les valeurs de solidarité et d’entraide, ont pu sublimer ces conditions de vie d’extrême difficulté.
Le blues s’est donc imposé très naturellement comme le thème du festival car nous retrouvions dans l’âme et les racines de cette musique beaucoup des fondamentaux humains, sociaux et culturels qui ont participé à écrire l’histoire de notre ville.
Vous dites dans votre éditorial que la deuxième édition du Blues Roots Festival mettra à l’honneur « les différents styles dans l’univers du blues ». Pouvez-vous nous préciser quels seront les styles représentés par vos principaux invités, en commençant par la « dame aux pieds nus », la grande organiste et chanteuse Rhoda Scott ?
Comment définir Rhoda Scott sinon reconnaitre avec humilité qu’elle est indéfinissable depuis plus de 60 ans ? Depuis sa découverte de l’orgue dans le temple de son père pasteur, où elle jouait pieds nus pour ne pas salir le pédalier de son instrument, elle a donc commencé par accompagner les chants sacrés, spirituals et gospels. Puis, sa carrière internationale l’a menée à jouer aux côtés des plus grands musiciens américains.
Rhoda Scott va se produire à Meyreuil en duo avec Thomas Derouineau à la batterie. Cette formation minimaliste est l’expression artistique qui lui donne le plus de liberté et de communion avec le public, au gré de son inspiration, de sa joie et de sa générosité légendaire.
On est évidemment dans un autre style avec Manu Lanvin & The Blue Devils ?
À la fois oui et non, car Manu Lanvin est un authentique bluesman, avec sa voix rocailleuse, dans la tradition des solitaires désabusés qui « pactisent avec le diable », mais il demeure aussi un rocker optimiste, en quête perpétuelle d’un monde meilleur. Son C.D. Grand Casino, est un pur album de blues, avec notamment des duos mémorables avec Taj Mahal, invité du Blues Roots Festival en 2019, Popa Chubby, Johnny Gallagher, Beverly Jo Scott, etc.
Est-on encore vraiment dans le blues avec Johnny Gallagher & the Boxty Band ?
J’aimerais oser cette phrase « nous sommes toujours dans le blues car le blues est partout », quand une musique est l’expression d’une énergie, d’une révolte, d’un message d’engagement, d’espoir en un monde meilleur et d’une émotion qui vous donnent à la fois la chair de poule parce qu’elle vous parle au plus profond de votre être et le courage de vous battre. Alors, Johnny Gallagher qui incarne tout ça dans sa musique et ses paroles, est un bluesman, et un rocker aussi… « The Blues had a baby and they named it Rock n’Roll ».
Boney Fields se situe encore à part même s’il a beaucoup fréquenté de grands noms du blues et du funk ?
Son père était guitariste de gospel et sa mère chantait à l’église, donc le blues, il est tombé dedans quand il était petit… Et selon lui, le Blues et le Funk sont deux versants d’une même « Great Black Music ».
Partenaire de Lucky Peterson, Liz Mc Com, Buddy Guy… et avec des modèles dans son enfance comme Louis Amstrong et James Brown, nous nous préparons à vivre grâce à sa fantastique section de cuivres, un moment à la fois jubilatoire et explosif, porté par une énergie irrésistible.
Durant le festival, y a-t-il d’autres évènements que les concerts ?
Nous avons créé en 2019 un concours sous forme d’une master class et les trois lauréats se produisent cette année en première partie de chaque concert.
Nous renouvelons également le concert pédagogique pour plus de 400 enfants des écoles primaires de la ville de Meyreuil parce qu’il est essentiel pour nous de leur donner très tôt accès à la musique vivante et de préparer ainsi le public de demain.
Et enfin nous aurons une jam, avec un concert gratuit, qui permettra à de jeunes musiciens de se produire, encadrés par des professionnels sous la direction de Ronald Baker, trompettiste. Les lauréats de cette jam seront invités à se produire en 1ère partie des concerts du festival 2021.
Enfin, vous n’ignorez pas que les festivaliers, comme beaucoup de nos concitoyens, sont très inquiets à propos de la situation sanitaire. C’est un frein à la fréquentation des manifestations artistiques. Qu’avez-vous prévu pour rassurer tous ceux qui voudraient venir cette année au Blues Roots Festival ?
Il est difficile de rassurer complètement un public qui est choqué par une réalité anxiogène que nous vivons tous au quotidien. Depuis le début, nous avons pris en compte ce paramètre dans notre organisation afin de limiter au maximum le risque de transmission du virus. Nous sommes conscients de la situation sanitaire et nous appliquerons le protocole préconisé par l’Autorité de santé. Il est important de mentionner que le festival se déroule dans un espace de plein air, qu’un parking est à proximité immédiate du lieu de concert afin de limiter les déplacements et les interactions entre le public, que l’organisation des places assises sera conforme aux règles sanitaires et que nous nous assurerons du port du masque pour tous et de l’utilisation des solutions hydro alcooliques mises à disposition du public. ¶
Propos recueillis par
Jean-François Picaut
Blues Roots Festival, deuxième édition à Meyreuil (13590) du 11 au 13 septembre 2020
Boney Fields© Alexandre Lacombe
De 10 € à 30 €