Sur des sables mouvants
Par Jean-François Picaut
Les Trois Coups
Les 19 et 20 septembre prochains se déroulera la 8e édition de Jazz aux Écluses, sur le site des Onze-Écluses à Hédé-Bazouges (Ille-et-Vilaine). Guillaume Saint-James, fondateur et programmateur du festival, répond à nos questions.
Guillaume Saint-James, pour la 8e édition du festival vous avez choisi de faire appel au financement participatif. La chose n’est pas banale et le montant souhaité (4 000 €) n’est pas négligeable. C’est l’effet d’un certain désengagement des collectivités locales ?
La situation est complexe, nous évoluons d’année en année sur des sables mouvants ! Curieusement, les collectivités territoriales soutiennent le projet par des augmentations budgétaires, minimes certes mais constantes. La preuve que le festival est inscrit sur le territoire et qu’elles y tiennent. Néanmoins, nous avons toujours développé le mécénat, car nous sommes persuadés que le monde de la culture et celui de l’entreprise ont beaucoup à apprendre l’un de l’autre. Aujourd’hui, le mécénat représente 30 % du budget du festival. Les fonds publics représentent un peu moins de 30 %. L’équilibre tient à la météo, notre principal mécène ! Imaginez un mécène qui se désiste, une légère baisse de fréquentation et les dieux de la météo qui partent en congé ce week-end-là, vous avez là les ingrédients idéaux pour déséquilibrer une édition. C’est la raison pour laquelle nous avons fait appel à la solidarité interprofessionnelle, aux festivaliers qui nous rendent visite chaque année… Monter un festival comme Jazz aux Écluses sur un site où l’on doit apporter chaque année toute une infrastructure représente un tour de force et comporte de grands risques, mais le retour humain est à la hauteur de l’investissement fourni !
Vous avez centré ce festival sur les « mots ». Quelle est la traduction de ce choix dans la programmation ?
Il m’est difficile de créer de la musique sans thématique. Composer sans fil conducteur appauvrit mon inspiration. Pour le festival et le travail de programmateur, c’est la même chose. Je veux raconter quelque chose et que le public s’en imprègne inconsciemment. Un festival comme un artiste doit être en quête d’identité, à mon sens. L’an dernier, nous avons mis l’accent sur la liberté et cette année sur la parole. J’ai voulu en quelque sorte prolonger le sens de la dernière édition.
La parole, c’est ce qui nous rend tous libres, j’ai donc voulu donner une place aux mots. Notre année a été marquée par des évènements tragiques, je pense aux attentats de Charlie Hebdo et aux questions sur la liberté d’expression. Je me suis dit que la voix (le plus vieil instrument du jazz) qui porte nos mots devait avoir une place de choix dans cette édition.
La soirée de samedi rendra hommage à l’auteur, compositeur, interprète Allain Leprest, qui nous a quittés récemment. Leprest et le jazz, c’est un mariage naturel ?
Leprest n’est pas un auteur de jazz, certes ! Mais combien y a-t-il d’artistes de jazz qui ont exploité les chansons de Gainsbourg, Trenet et d’autres sous forme de standards ? Le jazz dans sa forme américaine puise son répertoire dans les chansons de Broadway. Je ne suis pas choqué qu’en France, les artistes puisent leur inspiration dans le répertoire qui les entoure. Torreton et Perraud, dans le spectacle Mec ! improvisent véritablement lorsqu’ils rendent hommage à la poésie de Leprest. En cela c’est du jazz… et quand bien même cela n’en serait pas ! ¶
Propos recueillis par
Jean-François Picaut
Jazz aux Écluses, 8e édition
Les 19 et 20 septembre 2015
Site des Onze-Écluses • Hédé-Bazouges (Ille-et-Vilaine)
Tél. 07 87 99 26 70
http://www.jazzauxecluses.fr/programme