Entretien avec Olivier Delsalle, directeur du Festival d’Île‑de‑France

Olivier Delsalle © Youri Lenquette

« Un festival pour nomades »

Par Cédric Enjalbert
Les Trois Coups

Programmation musicale éclectique et « gourmande », lieux magiques et méconnus : le Festival d’Île‑de‑France débute son édition 2010. Chaque année, la manifestation propose entre septembre et octobre une trentaine de spectacles dans des lieux remarquables du patrimoine francilien. Olivier Delsalle, son directeur, livre à notre journal l’esprit du festival, mené cette année « entre ciel et terre ».

Le festival a débuté dimanche. Quel est son ambition ?

Promouvoir le patrimoine architectural de la région à travers la musique. Avec ses trente‑cinq représentations dans autant de lieux, le festival est marqué par un fort nomadisme. Nous investissons des châteaux, des fermes, des abbayes, mais aussi des musées, des théâtres et d’anciennes manufactures. On ne se soucie pas d’être « juste » au plan historique en jouant, par exemple, de la musique baroque dans un château de la Renaissance. Ce qui importe c’est d’être en harmonie, de trouver le lieu le plus adapté à chaque concert.

Quels sont les lieux que vous retenez cette année ?

Le domaine de Villarceaux, avec ses deux châteaux et son jardin de la Renaissance, est le premier à accueillir une manifestation. Ce lieu est magique. Mais parmi les merveilles de ce festival, je retiens aussi le pavillon Baltard, installé à Nogent-sur‑Marne, où le compositeur Moneim Adwan met en musique la poésie du mystique arabe Ibn Arabî, dans un spectacle intitulé Saba, le Souffle de la terre. Ajoutons la rencontre du Vienna Vegetable Orchestra, un ensemble de onze musiciens qui jouent avec des légumes et de GaBlé, un collectif français qui partage le même principe. Ce concert aura lieu dans le cadre de Factory, une variante du festival dédiée aux musiques électroniques et au jazz. Enfin, un opéra de chambre arabe, Zajal, sera orchestré à la remarquable Manufacture des œillets, à Ivry-sur‑Seine, autrefois « manufacture française des porte-plumes, plumes et œillets métalliques ».

La programmation est éclectique. D’où vient son unité ?

Cet éclectisme est récent. Autrefois, nous ne présentions que du classique. Aujourd’hui, nous accueillons aussi bien des chants de moines défroqués du xiie siècle que du raï algérien, du tango argentin que des musiques et des danses coréennes. L’unité de la programmation est donc thématique. Nous avons choisi cette année de faire correspondre les nourritures, terrestres et célestes, avec la musique, divine et profane.

Olivier Delsalle © Youri Lenquette
Olivier Delsalle © Youri Lenquette

Musique et gastronomie sont donc liées ?

Le premier concert donné dimanche à Villarceaux est mené par des musiciens argentins. À son issue sera organisé un grand « asado ». En Amérique du Sud, l’asado est une immense grillade, mais aussi un acte social, puisque le terme désigne le fait de se réunir pour manger. Autre exemple : des associations africaines partageront un repas traditionnel après le spectacle du Sénégalais Baaba Maal, pour fêter la fin du ramadan. Nous pensons en effet que le lieu où l’on mange est aussi un lieu de création, sociale et artistique. Car la musique comme la gastronomie interrogent le rapport à l’autre, à la vie, à la terre nourricière.

Vous programmez dans des lieux éloignés, parfois à des dizaines de kilomètres de Paris. N’est‑ce pas un frein pour certains spectateurs ?

Les 20 000 à 25 000 spectateurs qui nous suivent chaque année ne semblent pas rebutés par ces trajets, d’autant que des navettes sont prévues et qu’un système de covoiturage est organisé sur le site du festival (www.festival-idf.fr). Gageons que ces voyages font partie de l’exploration musicale que nous défendons !

Un spectacle à ne pas manquer ?

Cafés d’Oran, la grande création de Khaled au Cirque d’hiver, les 24, 25 et 26 septembre. 

Propos recueillis par
Cédric Enjalbert


Festival d’Île‑de‑France 2010

Ivresses. Musiques entre ciel et terre

http://www.festival-idf.fr

Du 5 septembre au 10 octobre 2010

Au menu du festival :

  • Viva Argentina !, au domaine de Villarceaux, le dimanche 5 septembre
  • le Festin de Babette lu par la comédienne Hélène Vincent sur la musique d’un chœur de chambre venu des îles Féroé (le 18 septembre à l’abbaye de Port‑Royal-des‑Champs)
  • Dialogue avec mon jardinier, lu par Jean‑Pierre Marielle sur les airs de piano de Pascal Rogé (le 19 septembre à l’abbaye de Vaux‑de‑Cernay)
  • À Paris, au Cirque d’hiver, Khaled rendra hommage au raï des cabarets oranais les 24, 25 et 26 septembre tandis que le musée Branly accueillera le National Gugak Center, un ensemble vocal et instrumental de Corée
  • L’excellent ensemble Café Zimmermann donnera une interprétation de cantates de Bach le 26, au Théâtre de Fontainebleau
  • Pour finir, le 4 octobre au Théâtre de l’Atelier, deux chanteurs arabes entonneront le magnifique éloge du vin d’Omar Khayyam, poète persan du xie siècle
  • Willie Colon, figure emblématique de la salsa new-yorkaise, embrasera la Cigale avec son trombone, le 10 octobre 2010

Photos : © Youri Lenquette

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