Innover, consolider, développer
Par Jean‑François Picaut
Les Trois Coups
Le festival Jazz à l’Étage (Rennes) en est déjà à sa quatrième édition. C’est dire qu’il a conquis sa place sur la scène du jazz et dans la sphère culturelle tout entière, à Rennes, bien sûr, mais bien au-delà. Voici un petit exercice rétrospectif et prospectif avec son directeur artistique, Yann Martin.
Nous voici déjà, Yann Martin, au quatrième rendez-vous proposé par Jazz à l’Étage aux amateurs de jazz de la région rennaise et au-delà. Quel est l’état d’esprit du directeur artistique, cofondateur du festival que vous êtes, à l’orée de cette quatrième édition.
Un directeur artistique ne peut jamais être totalement satisfait, il se trouve toujours frustré de n’avoir pu aller plus loin. Cependant, comment ne pas être satisfait par le chemin parcouru ? Le festival existe, il commence à être connu, au-delà même de la Bretagne. Mieux même, nous l’avons consolidé en étendant son champ d’action à Saint‑Malo pour un grand concert et un ciné-concert, de même qu’à Guer (56) pour une coopération avec la médiathèque. Tout cela, nous l’avons réalisé dans une période difficile où l’argent est rare, vous le savez Jean‑François, vous qui connaissez bien ces questions de financement des projets culturels et qui nous avez suivi depuis le début. Et puis comment ne pas être fier d’avoir réalisé cela avec un noyau dur entièrement bénévole ?
Lors de la première édition, vous déclariez vouloir présenter « de jeunes artistes représentatifs de la musique du vingt et unième siècle, dans des tendances artistiques différentes » et montrer « que le jazz, c’est une musique vivante, portée différemment par chaque génération ». Pari tenu ?
Je l’ai dit, je suis un perpétuel insatisfait. Mais, tout de même, le festival est bien le miroir de cette ambition. Cette quatrième édition, comme les précédentes, sera un coup de projecteur sur ce qu’est le jazz aujourd’hui. Le festivalier qui nous fera l’amitié et l’honneur de nous suivre chaque jour découvrira quelque chose de différent à chaque concert. Et puis, avec toute l’équipe, nous pouvons être satisfaits de ce que nous avons fait pour les jeunes musiciens. Nous avons été parmi les premiers à accueillir ce musicien inventif et inclassable qu’est Médéric Collignon. L’an passé, nous avons mis le projecteur sur Anne Pacéo et Shimrit Shoshan, trop tôt disparue, par exemple.
Vous auriez pu citer aussi Sandra Nkaké.
Oui, c’est une de nos fiertés de penser que Sandra Nkaké, qui est vraiment une personnalité et une artiste extraordinaires, a commencé chez nous la tournée triomphale qui l’a conduite à sa victoire du Jazz et au-delà. Le cas de Rémi Panossian est encore plus significatif. Jazz à l’Étage l’accompagne depuis le début du festival, mais, grâce à son album Bbang le bien nommé, il explose cette année. Son trio sera la vedette du concert donné le 14 mars au 1988 Jazz Club, qui accueillera aussi Mina Agossi. Rémi a été l’artiste autour duquel a été pensée notre nouvelle animation, « Ça rythm’à quoi ? ». Et il animera aussi une master-class. Dans le même ordre d’idées, la première édition avait accueilli Kellylee Evans dans un programme de reprises de Nina Simone, nous la retrouverons à Cesson-Sévigné, le 15 mars, avec son nouvel album, I Remember When, dont on va beaucoup entendre parler. Elle aussi assurera une master-class.
On voit bien la philosophie : repérer des talents prometteurs et les suivre…
C’est ça. Mais, cette année, nous inaugurons quelque chose d’encore plus ambitieux. Nous voulons, chaque année, accompagner l’émergence d’un jeune artiste breton de talent, et ils sont nombreux. Nous leur proposerons un temps de résidence pour préparer la création qu’ils présenteront au festival. Puis nous accompagnerons leurs débuts professionnels en mettant à leur disposition des outils indispensables. Cette année, le bénéficiaire, est le brillant trompettiste Malo Mazurié, qui se produira à Cesson-Sévigné et à Saint‑Malo.
Mais on n’entendra pas que des jeunes, même très talentueux, à Jazz à l’Étage ?
Non, bien sûr, le premier concert, le 13 mars à l’Étage précisément, permettra d’accueillir un grand guitariste, Sylvain Luc, accompagné de Thierry Eliez et du monument de la batterie, le fabuleux « Dédé » Ceccarelli. Et, pour la première fois, notre dernier concert rennais, le 16 mars au Liberté, accueillera un immense musicien français à la réputation mondiale, Biréli Lagrène avec son propre groupe. C’est énorme, pour un jeune festival comme le nôtre, car Biréli, c’est la musique, c’est la guitare. Ce grand défenseur d’un savoir-faire français, d’un jazz français est un ambassadeur extraordinaire pour notre pays !
On voit donc que le festival se développe, dans la continuité, mais en sachant innover. Quel est le prochain défi pour Jazz à l’Étage, Yann Martin ?
Je l’ai dit, nous consolidons et nous allons de l’avant. Un festival qui ne le fait pas meurt. Nous savons que nous avons progressé, mais nous avons bien conscience que tout est toujours fragile. Les temps sont durs. Et pourtant, pour avancer, nous avons besoin de temps pour réfléchir, pour inventer : cela nécessite à l’évidence une forme de professionnalisation. Tel est notre défi. Avec le soutien du public et de nos partenaires, nous sommes prêts à le relever.
Merci, Yann Martin, de vous être prêté à nos questions dans une période d’intense activité pour vous et votre équipe.
Propos recueillis par
Jean-François Picaut
Jazz à l’Étage, 4e édition, 2013
Du 13 au 17 mars 2013
À Rennes, dans diverses villes de Rennes-Métropole, à Saint‑Malo
Association Jazz35
Festival Jazz à l’Étage
Photo : © Jean‑François Picaut