Une surprenante contemplation
Par Élise Ternat
Les Trois Coups
Dave Saint-Pierre l’avait annoncé, sa nouvelle création, « Fake », présentée à la Maison de la danse se distingue à bien des égards de ses spectacles passés empreints de fulgurances et de démesure. Néanmoins fidèle à son goût pour la provocation, il s’illustre ici dans une proposition non moins surprenante, car en contrepoint avec tout ce qui l’a précédée.
Mais tout d’abord, un petit rappel étymologique s’impose : par le terme anglais fake récemment remis au goût du jour par l’usage d’Internet et des réseaux sociaux, on définit ce qui est faux, truqué, factice. De fait, le chorégraphe québécois annonce d’emblée la couleur via quatre lettres géantes et pailletées qui trônent sur le devant de la scène, suspendues en hauteur. En effet, les fakes sont des fichiers dont le contenu ne correspond pas au titre, ou encore des parodies, voire des usurpations d’identité. Nous voilà donc prévenus.
Pour cette création, Dave Saint-Pierre dit s’être inspiré d’une rencontre fantasmée avec Céline Dion. Pourtant, loin de l’univers de la célèbre chanteuse à voix, l’ambiance sonore qui amorce le spectacle ne va pas sans rappeler, du fait du vrombissement des infrabasses, les atmosphères de début ou de fin de concert de musique rock ou métal. Sur scène, c’est une sculpturale créature à la chevelure blonde qui se tient immobile, dos au public durant un long moment. Puis, une série de montées sonores noyées d’effets visuels stroboscopiques de plus en plus agressifs se succèdent comme autant de tentatives de commencer quelque chose qui ne viendra finalement jamais…
Une succession de séquences vaporeuses et sombres
Ainsi, pour ne pas être déstabilisé par cette proposition, il importe de se préparer à assister à une performance d’art contemporain plutôt qu’à un spectacle de danse. Car Fake possède sa temporalité propre, très éloignée des rythmes des spectacles plus « classiques ». En effet, cette dernière création consiste en une succession de séquences, à la fois vaporeuses et sombres, extrêmement décalées et toujours teintées d’onirisme. Entre deux écrans de fumée, on distingue par exemple la présence de biches ultraréalistes, une marée de poupées gonflables manipulées à vue, la danse majestueuse d’un poisson rouge ou encore la traversée de scène d’un personnage insolite arborant un casque lumineux sur une chanson de Céline Dion. Difficile donc de commenter avec précision la prestation des interprètes (si ce n’est celle des manipulateurs) tant ils s’apparentent dans leurs furtives apparitions à des spectres, des figures illusoires comme sortis d’un rêve, ou d’un mirage.
De fait, il est aisé de comprendre que, par sa forme hybride, ce spectacle est un pied de nez, une étrange farce parfois digne d’un cauchemar. Avec Fake, c’est un peu comme si Dave Saint‑Pierre tout en poursuivant sa recherche artistique faisait un pas de côté en direction des arts visuels. Il invite en cela les spectateurs à une étonnante contemplation. Et, loin de laisser indifférent, le résultat dans sa capacité à surprendre et à susciter de vives réactions résonne déjà comme une réussite. ¶
Élise Ternat
Fake, de Dave Saint-Pierre
Mise en scène : Dave Saint-Pierre
Avec : Alexandre Lavigne, Marie-Ève Carrière, Alex Huot, Dave Saint‑Pierre
Compositeur : Stefan Boucher
Concepteur lumière : Alexandre Pillon-Guay
Conseiller dramaturgique : Maxime Champagne
Œil extérieur, conseiller marionnette : Martin Vaillancourt
Directeur technique : Jérémy Morelle
Manipulation son : Ingrid Florin
Doublure : Alanna Kraaijeveld
Photo : © Cie Dave-Saint-Pierre Inc.
Maison de la danse • 8, avenue Jean-Mermoz • 69008 Lyon
Réservations : 04 72 78 12 12
Site du théâtre : www.maisondeladanse.com
Mercredi 4 février 2015 à 19 h 30 et jeudi 5 février 2015 à 20 h 30
Durée : 1 h 15
21 € | 18 € | 17 € | 14 € | 12 €