Le plaisir du jeu, avec ou sans écran
Dans Ballroom, la jonglerie est mise à l’épreuve : depuis plus de 20 ans, Stijn Grupping (cie Post Uit Hessladen) lance des balles contre tout ce qui l’entoure, qu’il s’agisse de murs, de tables, de chaises ou de robots, afin de finir, si tout va bien, dans ses mains. Et s’il laissait à présent les balles dessiner leur propre chorégraphie ?
Déjà, le dispositif, dans un camion aménagé, est intéressant. Dans cette boîte noire, nécessaire pour les effets, le décor multifacettes permet au jongleur de relever ses défis, haut la main, si l’on peut dire ! Comme sous un pont, cet employé chargé de la voirie est littéralement dans sa bulle. Ses balles se déplacent dans l’espace, vite ou plus lentement, s’échappent des lignes prévues, volent. Les musiciens ont conçu un univers concret, mais nous voilà hors du temps et de l’espace. Toutefois on est restée sur notre faim, surtout qu’il y a des longueurs durant les 30 minutes !
En revanche, pas de magie dans Onomatopées de la Coopérative L’Astragale. Inspiré de l’ouvrage Tout allait bien de Franck Prévot, ce film d’animation minimaliste créé en direct traite avec humour et poésie du racisme. Nous avons assisté à la forme courte qui donne une bonne idée de la forme « Deluxe » ! Assis à une table filmée, deux interprètes, accompagnés par un musicien régisseur, manipulent des boutons aimantés. L’image est projetée au mur. On nous raconte la difficulté de vivre en société. Afin de parvenir à l’harmonie, le peuple de boutons verts doit effectivement surmonter bien des difficultés : conflits, discriminations, luttes de pouvoir… Alors imaginez quand surgit, un, puis deux, puis tout un groupe de boutons oranges !
Ce spectacle rayonne d’humanité pour sensibiliser les plus jeunes à la solidarité. Univers cartoonesque (onomatopées et gromelot aux accents cosmopolites, bruitages), clin d’œil aux références de Shadoks ou Chapi-Chapo… L’Astragale rend aussi hommage au plaisir du jeu. Evrard Moreau et Olivier Hüe sont formidables.
Encore du théâtre d’objet, concernant À vous les studios une course cycliste pas très catholique ! Dans un jeu d’échelle oscillant entre agrandissement et rétrécissement, figurines et objets tridimensionnels détournent avec espièglerie les éléments du réel. La cie Les Maladroits déploie dans l’espace un vocabulaire universellement compréhensible à travers des saynètes aux références populaires.
Quid des arts numériques ? Ces bidouillages de génie sont aux antipodes des nouvelles technologies. Pourtant, les écrans sont bel et bien utilisés, avec retransmission en direct sur du matériel, désuet pour le second. Malgré les apparences, la logistique de ce dernier est sophistiquée. Au premier plan, quatre postes télé (tubes cathodiques) de différentes tailles. Au second plan, caméras, banc-titre, fond de studio, afin de filmer les objets et les visages.
D’ailleurs, on salue la performance des interprètes qui effectuent un remarquable travail de coordination, évoluent dans un espace très contraint et réalisent une partition très rythmée. On y voit l’exaltation de la commentatrice et l’effort du sportif, l’énergie collective et l’individu qui s’échappe du peloton. Oui, c’est très bien mené. Vu son succès, cette commande pour les Olympiades continue de tourner. Plutôt que les enfants, on imagine bien les personnes âgées contaminées par cette fièvre du Tour de France. Or, la cie espère pouvoir tourner dans les maisons de retraite.
Et du côté des installations ?
Étienne Legendre est « friand de ces petites formes qui renouvellent la relation aux publics », mais Le Noob est axé sur les arts visuels et numériques. Cette année, ce sont les installations qui s’inscrivent davantage dans cette ligne. Or, elles permettent également de vivre des sensations inédites et de changer nos perceptions, même si les rencontres humaines sont sources d’une convivialité à nulle autre pareille.
L’espace VR ; Rencontre après « Onomatopées », Coopérative L’Astragale ; Hall de Micro-Folie
En prenant place dans les Loges, le visiteur s’installe pour vivre un tête-à-tête de quelques minutes avec un interprète virtuel qui le fait plonger dans l’intimité d’un texte théâtral. Cette installation immersive en cabine de Joris Mathieu et Nicolas Boudier (cie Haut et Court) valorise les écritures dramatiques contemporaines. À ce titre, une première collection a été réalisée en coproduction avec ARTCENA à partir de textes sélectionnés parmi les lauréats de l’Aide à la création de textes dramatiques et des Grands Prix de littérature dramatique. Le répertoire intégré dans les Loges (parmi lequel, on trouve Mariette Navarro, Pauline Peyrade, Claudine Galea, Sophie Merceron, Baptiste Amann, Magali Mougel) a vocation à s’enrichir au fil du temps.
« Les Loges », cie Haut et Court © Nicolas Boudier
Le dispositif de théâtre optique permet de produire un effet troublant de réalisme à ces apparitions. Les acteurs apparaissent en relief face à nous dans un espace doué de profondeur. Cette expérience sensible qui emprunte aux codes théâtraux et à la rencontre, rend malgré tout hommage à l’art de l’acteur et au vivant, en plus de l’exploration du répertoire et de genres.
Plus participatif, On aurait dit nous a particulièrement séduites, même si l’on se rapproche à nouveau davantage du théâtre d’objet que des arts numériques. Après avoir collecté auprès d’adultes des imaginaires de leur enfance, la cie Permis de construire s’est amusée à les illustrer et les matérialiser dans une exposition-spectacle, dans laquelle on peut déambuler librement, ou assister à une visite théâtralisée et marionnettisée.
« On aurait dit », cie Permis de construire © Jenny Le Goff
Orchestrée par deux guides pétillantes, celle-ci est la bonne surprise de notre reportage. On avoue ne pas avoir tout compris à l’histoire menée tambour battant et nourrie d’un imaginaire foisonnant, mais on a apprécié l’énergie débordante, la vivacité d’esprit de ces trublionnes qui aiment sortir des cadres, « plonger dans le grand bain de l’inconnu ». Patosz et Adèle Fernique offrent une lecture incisive du monde. On a aussi été bluffée par leur dextérité, leur complicité et leur dispositif ingénieux. Elles font évoluer leurs personnages aimantés dans une réalité parallèle, sur des supports variés, avec les moyens du bord. C’est joyeux et inventif. Une pépite !
Léna Martinelli
Ballroom, cie Post Uit Hessladen
Site de la cie
Création : Ine Van Baelen, Stijn Grupping
Performance : Stijn Grupping
Musique : Frederik Meulyzer, Jochem Baelus
Scénographie : Lodewijk Heylen
Chorégraphie : Inga Huld Hàkonardòttir
Dès 5 ans
Parvis du théâtre L’éclat
Les 22 et 23 avril 2025
Tournée ici
Onomatopées, Coopérative L’Astragale
Site de la cie
Direction artistique : Nadia Sahali
Avec : Yann Berthelot et Nadia Sahali
Voix Off : Jean-Marc Talbot
Musiques et bruitages : Evrard Moreau et Olivier Hüe
Dès 4 ans
Durée : 25 min
Médiathèque de St-Philbert-sur-Risle
Les 23 et 26 avril 2025
À vous les studios, cie Les Maladroits
Site de la cie
Création collective : Benjamin Ducasse, Valentin Pasgrimaud, Arno Wögerbauer
Avec : Marthe de Carné et Zoé Gouin, en alternance avec Valentin Pasgrimaud et Arno Wögerbauer
Dès 8 ans
Durée : 20 min
Micro-folie
Le 23 avril 2025
Tournée ici :
• Le 10 mai, Les Nefs, dans le cadre du Festival Handiclap, à Nantes
• Le 24 mai, Théâtre Georges Simenon, Médiathèque Aragon, dans le cadre du Festival Silence, à Rosny-sous-Bois
Les Loges, cie Haut et Court
Conception : Joris Mathieu et Nicolas Boudier
Avec : Philippe Chareyron, Adèle Gascuel, Vincent Hermano, Joris Mathieu, Marion Talotti et la promotion 32 de l’École de la Comédie de Saint-Étienne (Marion Astorg, Romane Bauer, Arthur Berthault, Ludovic Bou, Lucas Bustos Topage, Raphaël Deshogues, Élise Lefauconnier, Marie Le Masson, Louis Meignan, Ephraïm Nanikunzola, Lara Raymond, Léna Rossetti
Hall de L’éclat
Du 22 au 30 avril 2025
On aurait dit, cie Permis de construire
Site de la cie
Conception, collecte des imaginaires, construction des objets, dramaturgie et écriture, interprétation : Patosz et Adèle Fernique
Conception scénographie : Patosz et Aude Weinich
Illustration : Patosz
Animation 2D : Camille Lherminier
Vidéo : Pilou
Hall de L’éclat
Du 22 au 27 avril 2025
Tournée ici :
• Les 2 et 3 mai, L’Envolée, Les Chapelles-Bourbon (77)
Festival Le Noob
7e édition, du 22 au 30 avril 2025
L’éclat, scène conventionnée d’intérêt national art enfance et jeunesse • Place du Général de Gaulle • 27500 Pont-Audemer
Programmation complète ici
Réservations : en ligne • Mail •Tel. 02 32 41 81 31
À découvrir sur Les Trois Coups :
☛ Entretien avec Étienne Legendre, propos recueillis par Léna Martinelli
☛ Reportage Noob 2023, par Lena Martinelli
Photo de une : « On aurait dit », cie Permis de construire © Jenny Le Goff
