Grands feux et petits flops
Par Laura Plas
Les Trois Coups
Le Festival des Francophonies mettait cette année le Québec à l’honneur : une dizaine des propositions, d’inéluctables petites déceptions, mais aussi le choc d’écritures flamboyantes comme celles de David Paquet et surtout Nelly Arcand.
Avec son bar des auteurs, ses prix littéraires, le festival des Francophonies se présente véritablement comme un laboratoire et un ouvroir d’écritures potentielles. Chacun y redécouvre le français paré de zébrures nouvelles et les œuvres y passent, souvent pour la première fois, l’épreuve de la scène.
Cette dernière peut être sans appel. L’expérimentation proposée dans Par tes yeux est ainsi un fiasco. Cette écriture à trois voix sur l’adolescence au Québec, en France et au Cameroun n’exhibe qu’une juxtaposition de soliloques inaboutis. Leur mise en scène redondante épuise, de plus, les comédiens et les ressources de la vidéo sans toucher, ni faire réfléchir.
L’assassin était dans le berceau
Au contraire, même sous la forme d’une simple mise en espace, une plume peut s’imposer par sa vigueur. C’est le cas de celle de David Paquet : il emporte ainsi avec Le Brasier le prix Sony Labou Tansi des lycéens. Et l’intelligente proposition du Méthylène Théâtre permet, en outre, de ne gommer aucune des aspérités de l’œuvre, aucun de ses registres. La comédie noire coïncide ainsi avec la tragédie et les tabous volent en éclats de rire. Alors, les monstres deviennent familiers, et, réciproquement, la famille couve, en ses entrailles, les monstres.
La famille est aussi une des thématiques que propose La Fureur de ce que je pense. La pièce est, en effet, hantée par les figures du père-dieu, de la mère castratrice et d’une sœur morte, mais à jamais présente. La mise à la scène qu’en propose Marie Brassard est saisissante. Non seulement, la scénographie impeccable exprime l’enfermement et la solitude de la narratrice, mais les actrices sont toutes excellentes. De plus, les choix de Marie Brassard restituent la force d’une langue qui est tout à la fois musique et cri.
De fait, au plateau, les mots passent par le corps, les voix et les phrasés particuliers à chacune des comédiennes. Le théâtre se métisse heureusement de danse. Marie Brassard évite par là le piège de l’anecdote pour aller vers le fond d’une pensée. De la même manière, elle écarte l’écueil de la biographie à scandale et rend à Nelly Arcand son statut d’écrivain.
On regrette donc que le spectacle ne soit pas tourné en France. En tout cas, alors que la dénonciation boursouflée et foutraque de La trilogie Supernova tire à blanc, on n’oubliera pas de sitôt les fulgurances rageuses de La Fureur de ce que je pense. ¶
Laura Plas
Focus Québec des Francophonies
Par tes yeux, de Martin Bellemare, Gianni Grégory Fornet, Sufo Sufo
Mise en scène : Gianni Grégory Fornet
Avec : Patrick Daheu, Coralie Leblan et Mireille Tawfik
Durée : 1 heure
À partir de 13 ans
Photo : © Dromosphère
Espace Noriac • 10, rue jules Noriac • 87000 Limoges
Le 26 septembre 2018 à 18 heures, le 27 septembre à 20 h 30, et le 28 septembre à 21 heures
Le Brasier, de David Paquet
Le texte est édité aux éditions Leméac
Mise en voix orchestrée par La Compagnie Méthylène
Durée : 40 minutes
CCM Jean Moulin • 76, rue des Sagnes • 87280 Limoges
Le 04 octobre 2018 à 12 h 30
La Fureur de ce que je pense, d’après les textes de Nelly Arcand, adapté par Marie Brassard
Les textes Putain, Folle et Burqa de chair sont édités aux Éditions du Seuil, L’Enfant dans le miroir aux éditions Marchand de feuilles
Adaptation et mise en scène : Marie Brassard
Avec : Christine Beaulieu, Sophie Cadieux, Évelyne de la Chenelière, Marie-Laurence Moreau, Johanne Haberlin, Laurence Dauphinais et Anne Thériault
Durée : 1 h 40
À partir de 15 ans
Photo : © Caroline Laberge
CCM Jean Moulin • 76, rue des Sagnes • 87280 Limoges
Les 26 et 27 septembre 2018 à 20 h 30
La Trilogie Supernova
Mise en scène : Mark Lawes
Avec : Frédéric Lavallée, Melina Stinson, Raphaële Thiriet
Durée : 3 heures
À partir de 15 ans
Photo : © CC
CCM Jean Gagnant• 7, avenue Jean Gagnant• 87800 Limoges
Le 3 octobre à 18 h 30 et le 4 octobre 2018 à 20 h 30
Dans le cadre du Festival des Francophonies, 35e édition
De 7 € à 22 €
Réservations : 05 55 79 90 00 et 05 55 32 44 20
À découvrir sur Les Trois Coups :
☛ 2 : 14, de David Paquet, par Elisabeth Hennebert
☛ Et Dieu ne pesait pas lourd, de Dieudonné Niangouna et Frédéric Fisbach, par Laura Plas