Fresh Circus #4, au Théâtre national Wallonie Bruxelles

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Fresh Circus : « Une philosophie en acte »

Par Léna Martinelli
Les Trois Coups

Fresh Circus (quatrième édition), le séminaire international pour le développement des arts du cirque organisé par Circostrada (réseau piloté par Artcena), a eu lieu à Bruxelles du 13 au 15 mars, dans le cadre de Focus Circus Brussels. Un rendez-vous incontournable pour tous les acteurs du cirque.

Parler cirque, penser cirque… Pendant que les spectacles s’enchaînent tous les soirs aux quatre coins de la ville, artistes, programmateurs, décideurs politiques, chercheurs, journalistes se sont rassemblés pour réfléchir et agir. Événement phare du réseau Circostrada, Fresh Circus se renouvelle à chaque édition et compte
 sur la complicité d’un groupe de travail dédié. Ce dernier construit le socle du séminaire et met en lumière les questionnements des arts du cirque à l’échelle internationale (25 membres du réseau issus de 10 pays, pour cette seule édition).

La question initiale, cette année : comment renouveler notre rapport aux stéréotypes, tout en provoquant une réflexion sur les défis et les perspectives du cirque d’auteur d’aujourd’hui ? En suivant le fil rouge « More than Circus ! », il s’agissait d’échanger pour mieux se connaître,
 de débattre pour
 mieux saisir les enjeux de demain, afin de proposer de nouvelles manières d’agir : « Trois jours pour célébrer le cirque et l’Europe, trois jours
 pour repenser nos pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire,
 trois jours pour transformer nos désirs en réalité ! », résume Stéphane Segreto-Aguilar, responsable du développement à Artcena, coordinateur du réseau Circostrada.

Fresh Circus #4, Théâtre national Wallonie Bruxelles © Artcena / Circostrada
Accueil des professionnels © J. Van Belle – WBI / Artcena / Circostrada

Pour la première fois, le séminaire se déroule hors de France et saisit l’opportunité de Focus Circus Brussels pour s’installer au Théâtre national Wallonie-Bruxelles, avec une organisation assurée en partenariat avec l’Espace Catastrophe et
 Wallonie Bruxelles Théâtre / Danse. Choix judicieux, compte tenu des valeurs partagées de cette « ville monde », où 183 nationalités coexistent : cosmopolitisme, ouverture, dynamisme, créativité. De plus, Bruxelles est un laboratoire permanent où s’invente le cirque de demain. Enfin, nous sommes au siège de l’agence exécutive, les premiers financeurs du réseau, aux côtés de plusieurs ministères.

Enjeux internationaux et politiques

L’enjeu est de taille, puisqu’il dépasse les frontières de notre continent. Pour preuve : 451 invités de différentes nationalités se sont côtoyés durant ces trois jours intenses, rythmés par des tables-rondes, des ateliers participatifs et des groupes de travail, entrecoupés de moments conviviaux, propices aux rencontres.

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Séance plénière d’ouverture © J. Van Belle – WBI / Artcena / Circostrada

« Fresh Circus livre la vision d’une Europe qui se construit par l’échange, explique Gwénola David, directrice générale d’Artcena qui coordonne le réseau. Inviter des regards extérieurs pour élargir l’horizon, faire des pas de côté, confronter les pratiques et les expériences, inventer des histoires ensemble, passer de la réflexion à l’opérationnel. Outre cette philosophie en acte, cet événement articule des enjeux artistiques, économiques et politiques. Ce rassemblement vise aussi à sensibiliser les responsables politiques européens aux enjeux spécifiques de ce secteur. La France est une référence, non pas comme modèle à imiter, mais pour mesurer l’impact positif, si ce n’est déterminant, que peuvent avoir des politiques publiques sur un secteur. Enseignement, création, diffusion… N’existe-t-il pas chez nous de réelles fondations, sources de densité et de vitalité artistiques ? ».

Ainsi, en structurant le secteur du cirque et des arts de la rue au niveau international, Circostrada contribue à construire un avenir pérenne en donnant aux acteurs culturels des moyens d’action à travers l’observation et la recherche, les échanges professionnels, le partage 
de savoirs, de savoir-faire et d’informations. Et grâce à Fresh Circus, au-delà des pistes de réflexion, le secteur espère bien peser de tout son poids auprès des pouvoirs publics pour davantage de soutien en matière d’infrastructures et d’aides à la création, à la production ou à la diffusion.

Forces vives et regards innovants

En guise d’ouverture, Ruth Mackenzie, directrice du Holland Festival (Royaume-Uni) a enthousiasmé l’auditoire. Première femme à prendre la tête du Théâtre du Châtelet, elle a non seulement défendu la cause des circassiennes et de toutes les femmes œuvrant pour cette discipline, mais elle a avancé l’idée de « partenariats authentiques », c’est-à-dire respectueux des enjeux de chacun : « Nous sommes tous des “serial collaborateurs”. Cependant, avant tout, ce sont l’enthousiasme et la passion qui génèrent l’innovation ».

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Ruth Mackenzie lors de la séance plénière d’ouverture © J. Van Belle – WBI / Artcena / Circostrada

Justement, quels sont les modes d’organisation et de production à privilégier ? Les dispositifs à imaginer ? Il est ressorti des rencontres le cruel besoin d’expertise et d’accompagnement dans la durée. En effet, les processus de création exigent des temps longs et des espaces adaptés. Il faut en moyenne une année pour créer un spectacle. Après avoir été longtemps nomade, avec roulottes et chapiteaux sur les terrains vagues, à la périphérie des agglomérations, le cirque pose ses valises dans des salles en dur, avec des projets de construction dédiés qui doivent répondre à des besoins spécifiques. L’espace chapiteau de la Villette, à Paris, a d’ailleurs été cité en exemple. Mais le choix de créer sous chapiteau représente, malgré tout, des difficultés supplémentaires, pour les défis logistiques et les contraintes en matière de législation. 

Adaptés, les dispositifs doivent aussi être innovants : « Si le cirque a beaucoup évolué sur le plan artistique, notamment grâce à l’essor des écoles professionnelles et à la reconnaissance institutionnelle dans certains pays, s’il a également élargi ses territoires, de nombreux défis demeurent, en terme de temps, d’espaces et de financements. Encore trop de compagnies vivent dans la précarité », a déploré Filip Tielens, journaliste au quotidien belge néerlandophone De Standaard.

« Le cirque de demain, c’est aujourd’hui et ensemble que nous le construisons ! »
Isabelle Jans

Beaucoup ont rappelé la nécessité d’engendrer de nouvelles formes de collaborations, d’encourager les modes coopératifs de travail, d’inciter à explorer les nouvelles sources de financement, de mixer ressources publiques et privées. À ces conditions non négociables, évidemment : préserver l’indépendance artistique, valoriser les différentes techniques et esthétiques.

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L’un des groupes de travail © J. Van Belle – WBI / Artcena / Circostrada

Enfin, tous étaient d’accord pour dépoussiérer l’image renvoyée aux publics. En effet, une simple recherche par mots clés sur Internet révèle l’étendue du travail à faire. Clowns, dompteurs et acrobates volent la vedette aux autres métiers. Tout un pan du nouveau cirque reste dans l’ombre. Alors que 2018 marque les 250 ans 
de la naissance du cirque moderne,
 celui-ci a su se forger une identité. Fort de son patrimoine, il pâtit cependant d’une image désuète, tout du moins en décalage avec ce qu’il est aujourd’hui : les arts du cirque, une discipline protéiforme.

Avec son langage corporel et ses codes universels, le cirque traverse tout : le temps, les frontières, les inégalités. Or, changer son image permettrait d’élargir et diversifier ses publics. La télévision fait du tort aux arts du cirque. C’est donc aux autres médias et aux professionnels eux-mêmes de proposer des contenus, de permettre aussi aux spectateurs de partager leurs propres expériences. Il revient aux chargés de médiation et d’actions culturelles d’imaginer de nouvelles pratiques. « Si les stéréotypes créent des barrières, nous devons créer des ponts », a conclu Laurent Ancion, rédacteur en chef de CIRQ en capitale.

Pistes d’avenir

Ces échanges ont redonné du sens à des actions individuelles et collectives. « Et après, que fait-on ?, s’est demandé Isabelle Jans, d’Aires Libres, concertation des arts forains, des arts du cirque et des arts de la rue, à la Fédération Wallonie-Bruxelles. La dernière matinée a été consacrée à la stimulation d’idées et à la production de traces écrites pour dessiner l’avenir des arts du cirque : laboratoires d’expérimentations, chantiers du futur… Le cirque de demain reste à cartographier, mais il ressort une incitation générale à casser les cadres, à utiliser le risque, aussi, dans la production, la diffusion ou la communication ».

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Moment convivial dans le hall du Théâtre national Wallonie Bruxelles © J. Van Belle – WBI / Artcena / Circostrada

Quoi de mieux, en effet, pour le faire rayonner ou le réinventer, que d’utiliser ce qui fait l’A.D.N. du cirque ? Nul doute que beaucoup sauront rebondir, faire preuve de créativité et de générosité, s’entraider, repousser les limites pour aller haut. Toujours plus haut. Ainsi, ce Fresh Circus #4 devrait considérablement contribuer à améliorer la reconnaissance et la légitimité des arts du cirque à travers l’Europe. Rendez-vous à Auch (Gers) en octobre 2019 pour la 5édition. 

Léna Martinelli


Fresh Circus #4, séminaire international pour le développement des arts du cirque organisé par Circostrada

Site ici

Théâtre national Wallonie Bruxelles • 111-115, Bd Émile Jacqmain • 1000 Brussels

Du 13 au 15 mars 2018,

Programmation détaillée ici

Dans le cadre de Focus Circus Brussels 2018-2019

Photos © J. Van Belle – WBI

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