« Full Fuel », par Oxyput Compagnie, Farse, à Strasbourg

Full-fuel-Oxyput-Compagnie

Danse avec les louves

Par Stéphanie Ruffier
Les Trois Coups

Un sabbat sur bitume. Un jeu de quilles qui envoie des boules d’énergie, façon Dragonne Ball Z. Une meute louvoyante. Un grand cercle de l’ensauvagement. Une manière de « s’empuissanter ». Avec Oxyput, on fait le plein !

On aime fort ces danseuses de rue en état d’alerte. Alertes parce qu’averties, mobilisées, en veille. Regards circulaires adressés. À fond dans l’échange. En état d’urgence, illico. Mais pas celui de la peur. Alertes : synonyme d’agiles, d’allègres, de prestes. Comme la musicienne qui les mange du regard pour les accompagner, en prise directe.

Elles prennent la place. Elles prennent de la place. Elles nous déplacent. Dès qu’elles investissent les lieux, au centre d’un grand cercle rituel, elles viennent nous chercher dans le ventre. Elles nous brassent, au sens littéral, comme leurs jerricans qui tiennent lieu de legos, de piédestal, de monnaie. Dans leur univers, tout et tous sont déplaçables. Elles nous délogent de notre simili confort sur le sol, nous proposent de changer d’assise comme de point de vue, là-bas, de l’autre côté. Alors peut débuter une sorte d’échauffement. Chacune mobilise à sa manière les muscles (faciaux, biceps…) qui lui permettent d’ancrer sa présence, tout en collant des kicks aux injonctions faites au femmes.

En recharge

Oui, il y a de la joie d’être soi, d’être femme, d’avoir un corps, de le mettre en contact avec les éléments, le sol, les autres, de tester ses limites. En ces temps de gestes barrières, on les envie intensément. Elles nous tracent d’autres routes – elles affectionnent d’ailleurs les lieux de diffusion iconoclastes. Elles ancrent leurs racines partout, en permanence dans l’échange, la traque, le jeu, au sens d’ajustement. Certes, ce roulage de mécaniques peut avoir un côté gros moteurs qui envoient du lourd. Il interroge de façon compacte et ostentatoire, en force : « Qu’est-ce qu’on fait, hein ? Qu’est-ce qu’on fait ? ». Mais ça ne surjoue pas viril pour autant. Ces cinq danseuses, très singulières dans leurs physionomies et leurs façons d’habiter le monde, s’affirment femmes puissantes de mille manières. De la dentelle émotionnelle affleure dans l’ouvrage. Des salutations au soleil. Du fil d’Ariane. Du haka qui puise des possibles dans la grimace, dans le ludique, dans le sérieux. Et même dans les paillettes !

Bref, on est là, ensemble, pour se mobiliser comme pour lâcher-prise. Cette ode chorégraphique aux forces reptiliennes régénère, souffle sur les braises de notre besoin de libération. Le cercle – forme généreuse et participative – favorise la circulation des énergies, fait affleurer une sédimentation quasi géologique. Par couches, on se recharge, on puise dans la terre et, dans la coprésence, une lave ardente.

Surtout, ce spectacle nous relève. Il excelle dans la capacité à diffuser le mouvement. Il met le corps en désir de course, de danse, de collectif. Bien après la performance, le public s’attarde dans un bal sauvage masqué sur l’électro de Sexy Sushi ou des mélopées orientales. De quoi avons-nous fondamentalement besoin ? De carburant. De qui-vive. 

Stéphanie Ruffier


Full fuel, par Oxyput Compagnie

Idée originale : Marine Cheravola

Avec : Julia Berrocal, Marine Cheravola, Laurie-Anne Clément, Juliette Jouvin, Nelly Poiret

Création musicale : Fanny Aquaron et Nelly Poiret

Costumes : Magalie Leportier

Regard extérieur : François Juliot

Durée : 1 h 15

FARSe •  5e lieu, 5 place du Château • 67000 Strasbourg

Les 7, 8 et 9 août 2020

Lieux des représentations : place de la République, place du Château, cours Rohan, place Grimmeissen, musée historique, square Louise Weiss, place du Quartier Blanc, place Sainte-Madeleine, place Hans Arp, place Gutenberg, à Strasbourg

Entrée libre, jauge limitée, sans réservations

Renseignements : 03 88 23 84 65

Programme téléchargeable en ligne sur le site du festival

Tournée

À découvrir sur Les Trois Coups :

☛ Farse, festival des arts de la rue de Strasbourg, par Stéphanie Ruffier

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