Gérard Vantaggioli : l’amer démonté
Par Vincent Cambier
Les Trois Coups
Ça ne s’invente pas : Gérard Vantaggioli est « né le jour des Morts dans un quartier de Marseille qui s’appelle “Chutes‑Lavie” » ! Signe du destin ? À l’âge de cinq ans, Gérard arrive à Avignon. Il aura, parmi ses instituteurs, Paul Puaux. Plus tard, à Paris, il apprend le métier de photographe. « L’image m’a toujours intéressé », dit-il. En même temps, il écrit. Et, bien sûr, écriture plus photo égale cinéma. Quelques courts-métrages et un projet avorté avec Lelouch. Il se retrouve sans le sou.
Il se souvient alors du Festival d’Avignon et du choc, à douze ans, quand son grand-père l’avait amené dans la cour d’honneur. Il se remémore la voix de Jean Vilar. La graine théâtrale est déposée alors dans le jardin de son cœur. Il en a eu presque peur. Autre révélation : Silence, l’arbre remue encore, de François Billetdoux, avec Serge Reggiani. Là, il se dit : « Gégé, tu vas faire du théâtre ! ». Il ajoute avec le recul : « Étant d’Avignon, avec la sensibilité que j’avais et avec Paul Puaux comme instituteur, je ne pouvais pas échapper au théâtre ». Un atavisme géographique et artistique, en quelque sorte.
Après avoir joué et loué des salles comme tout le monde, il ouvre le Chien qui fume en 1982. En 1984, il crée le Jeu de la mémoire, avec Michel Vitold, qui était alors à la Comédie-Française. C’est avec ce comédien que notre homme a le plus appris. « Tous les soirs, il m’étonnait. » Depuis, chaque Festival, Gérard Vantaggioli crée une pièce, sauf cette année (voir article sur le Petit Chien).
Sur Avignon et le théâtre, il s’enflamme brusquement : « Un metteur en scène doit être un passeur. C’est le bac à traille, il faut que ça glisse. Comme disait Charles Trenet, il ne faut pas chanter si on n’a rien à dire ! La question fondamentale, c’est : “Pourquoi faire du théâtre ?” Le théâtre a une vision à donner. Il faut une réflexion saine et tranquille. Alors, quand je dis ça, je passe pour l’intello de service, mais on a une mission, car Avignon est la capitale mondiale du théâtre. Nous, les Avignonnais, on est des ploucs, on ramasse les miettes, et tout le monde a peur. Avignon, capitale culturelle de l’an 2000, c’est un truc de Parisiens. C’est humiliant. Mon projet “Bénézet” [budget : 1,8 MF, 250 figurants, 15 comédiens], je ne voulais pas le faire au rabais [il a reçu 70 000 F !]. Maintenant qu’on me le refuse, je m’en fous ! L’union fait la force, dit-on. Mais personne ne veut faire l’union, alors la force, on l’a pas et on se fait baiser ! » ¶
Propos recueillis par
Vincent Cambier
Théâtre du Chien‑qui‑Fume • 75, rue des Teinturiers • Avignon
Photo : © Marie Barral