Une émulsion de gaieté
Par Trina Mounier
Les Trois Coups
L’idée est à la hauteur de ce rebelle de la pesanteur qu’est Mathurin Bolze : inviter un collectif de musiciens-acrobates-circassiens à investir la belle salle à l’italienne des Célestins pour s’y livrer à toutes sortes de folies-pitreries-espiègleries…
Le collectif, 17 anciens élèves de l’école du cirque de Châlons-en-Champagne, c’est le Cheptel Aleïkoum. Tout un programme déjà, qui dit la diversité, l’animalité, l’insoumission, le conglomérat… Ces artistes pratiquent diverses disciplines du cirque, de l’acrobatie aérienne au trapèze, au mât chinois, à la roue allemande. Mais surtout, au-delà même de leur talent personnel, ils manifestent leur caractère propre : le timide, la casse-pieds, la forte en gueule, l’instituteur… Un ensemble hétéroclite composé d’identités marquées qui font les clowns à qui mieux mieux.
Mathurin Bolze a donc introduit une horde de renards dans le poulailler et encore, eh oui, à l’orchestre et au balcon. Nos charmants acrobates qui ne respectent rien, montent sur les fauteuils, bousculent les spectateurs, jouent à saute-mouton par-dessus leur tête, font mine de leur foncer dessus à bicyclette, etc. Bref, ils sèment un joyeux bazar (ici, le mot important est joyeux), car le spectacle qu’ils nous donnent est d’abord une émulsion de gaieté, un hymne à l’insolence, un débordement de bonheur : ils chantent tout le temps, même la tête à l’envers, jouent du trombone ou de la grosse caisse, montent à douze sur un vélo, et ce dans tous les sens, tête‑bêche, en tas, cul par-dessus tête, bien rangés l’un au‑dessus de l’autre, viennent vous embrasser par surprise, échangent entre eux des baisers passionnés entre chaque exercice.
Le spectacle a commencé et se terminera sur la place, dans ce qui semble la plus grande improvisation, et c’est vrai : on ne maîtrise pas la mécanique des fluides, et la foule en est un particulièrement imprévisible. Ne vous y trompez pas cependant : ces gaillards connaissent leur métier sur le bout des doigts et accomplissent des prouesses techniques qui doivent tout à des heures de travail quotidien et ne doivent rien à un amateurisme bon enfant.
Si l’ensemble sacrifie volontiers à la célébration de la gaieté, certains moments rompent le rythme par une pointe de gravité ou de beauté ou encore de lenteur. Leur morceau de bravoure est la touche finale : ils réussissent à faire entonner à tous les spectateurs d’une salle bondée pour l’occasion Ti amo (le tube italien guimauve bien connu) et les entraînent, tel le joueur de flûte, sur la place où les attend un bal à leur façon… ¶
Trina Mounier
Ici ou là, maintenant ou jamais, de Cheptel Aleïkoum, Christian Lucas, Mathurin Bolze
Conception et mise en scène : Mathurin Bolze et Christian Lucas
Avec les membres du Cheptel Aleïkoum : Nedjma Benchaïd, Manu Debuck, Mathieu Despoisses, Guillaume Dutrieux, Mathieu Duval, Marie Jolet, Mika Laforgue, Maxime Mestre, Tom Neal, Olivier Pasquet, Sophia Perez, Lola Renard, Thomas Reudet, Rémi Sciuto
Coordination artistique : Marion Floras
Lumières : Jérémie Cusenier, Joël L’Hopitalier
Régie générale : Jérôme Fèvre
Photos : © Christophe Raynaud de Lage
Du mercredi 8 au samedi 11 juin 2016 à 20 h 30
Dedans-dehors : place des Célestins et grande salle
Durée : 1 h 30
Tout public
De 10 € à 25 €
Coproduction : Célestins, Théâtre de Lyon, espace Malraux, scène nationale de Chambéry et de la Savoie, Comédie de Valence-C.D.N. Drôme-Ardèche
les Célestins • 4, rue Charles‑Dullin • 69002 Lyon
04 72 77 40 40