Heurs et malheurs des relations mère/fille
Par Trina Mounier
Les Trois Coups
Elisa Ruschke a déjà été remarquée lors de ses précédentes créations. On attendait donc beaucoup de ce spectacle présenté par l’Élysée aux Subsistances, deux rampes de lancement de la jeune création. Or, le sentiment est mitigé.
Elisa Ruschke met en scène, joue (le rôle principal) et chante le texte qu’elle a écrit à partir – semble-t-il – de souvenirs autobiographiques sur les heurs et malheurs des relations entre mère et fille. Mais au théâtre comme dans la vie, qui trop embrasse mal étreint.
Le texte de La Mère à boire est composé de courtes scènes sans grand lien les unes avec les autres, entrecoupées de chansons. Ou, plutôt, de chansons séparées par des moments de théâtre, écrits à la manière de sketches, c’est-à-dire sans autre rapport que thématique. Car La Mère à boire fait référence, on l’aura vite compris, à l’expression « c’est pas la mer à boire », d’ailleurs chantée fort joliment par Elisa Ruschke en personne, accompagnée à la guitare par Lucas Gonzalez, très à l’aise dans les accompagnements. Ces chansons sont très réussies et Elisa Ruschke y révèle un beau brin de voix, avec des ruptures délicates et des couleurs chatoyantes.
Les inconvénients du « sur-mesure »
L’auteure alterne les ambiances et les genres, au point qu’on hésite parfois sur l’âge de la jeune adolescente nommée Symphonie. Celle-ci aime jouer les filles de l’air et alterne revendications adultes et caprices puérils. On la trouve ainsi, rebelle, chez un juge pour enfants, accompagnée d’une mère qui, après l’avoir confiée à une famille d’accueil, veut la reprendre. S’ensuit une dispute entre mère et fille sur la pertinence du lino dans la chambre. Puis, la mère entreprend un numéro de séduction si réussi à l’encontre de l’amie de sa fille que celle-ci succombe à son charme, au grand dam de Symphonie. La seule saynète vraiment originale verse dans le registre franchement farcesque, la mère emmenant sa fille manu militari chez le médecin… pour lui faire examiner le trou de balle, en raison de démangeaisons.
Tous ces morceaux sont prétextes à des cris, bouderies, larmes, excès – typiques des conflits entre mère et fille à l’adolescence –, mais aussi à des numéros d’actrices impeccables. Nelly Antignac, dans le rôle de la mère tour à tour débordée, calculatrice, sévère et doucereuse, est parfaite. Son alter ego se révèle tout aussi excellente. Cependant, il reste difficile de s’intéresser à un discours finalement assez convenu sur le thème. On attend donc avec intérêt le prochain essai, espérons-le, plus exigeant. ¶
Trina Mounier
La Mère à boire, de Elisa Ruschke
Texte et mise en scène : Elisa Ruschke
Interprètes : Nelly Antignac, Mickaël Délis, Léa Girardet et Elisa Ruschke
Musicien : Lucas Gonzalez
Collaboratrice artistique : Léa Girardet
Créatrice lumières : Julie Lorant
Production : La Corde Rêve
Spectacle proposé par le Théâtre de l’Elysée
Les Subsistances, Livraisons d’été, Entrée des artistes • 8 bis, quai Saint-Vincent • 69001 Lyon
Réservations : 04 78 39 10 02
Le 29 juin à 19h30 et le vendredi 30 juin à 19h15
Durée : 1 heure
De 5 € à 20 €
À partir de 12 ans
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