« La Route du Sirque 2017 », festival à Nexon

Un cirque plus juste, de Jani Nuutinen © Philippe Laurençon

La Route du Sirque 2017 : audace et convivialité

Par Léna Martinelli
Les Trois Coups

Cette année, le festival de Nexon déroule sa programmation éclectique et métissée sur trois semaines : du 7 au 26 août 2017. On y va, quitte à faire un grand détour !

L’endroit est magique. Quelle atmosphère dans le parc du château de Nexon, avec ses chapiteaux multicolores, ses transats où il fait bon se prélasser entre deux spectacles, ses caravanes et ses animations ! Traverser la forêt pour se rendre au Jardin des sens est aussi très agréable. Point de vue imprenable sur les toits de la ville, les narines bien dilatées… On est prêt à tout. Et le meilleur advient grâce à Contigo, une des belles découvertes de ce cru 2017, avec Vol d’usage de la Cie Quotidienne.

Parc du château de Nexon
L’ambiance dans le parc du château de Nexon

Dans le chapiteau-restaurant, les spectateurs partagent de bons petits plats et refont le monde, encore secoués de frissons, car plusieurs artistes traduisent avec acuité leurs préoccupations sur le monde. En effet, certains traitent de sujets d’actualité ou de fond, abordent des problèmes graves, avec une remarquable hauteur de vue.

Sujets sensibles et beauté du geste

Ainsi, dans Dad is dead, Mathieu Ma Fille Foundation aborde le mariage pour tous, l’homophobie et le militantisme. Dans Masse critique, création sensorielle et radicale du Lonely Circus, une compagnie habituée du festival, quatre hommes muets sont aux prises avec d’innombrables cailloux (plus d’une tonne de pierres !), autant des symboles de la guerre et de l’exploitation que des instruments de musique et de jeu. La Mondiale Générale, elle, frôle le Sabordage. Enfin, pour clore le festival, le Sirque invite le Collectif Catastrophe à s’emparer du cercle du grand chapiteau pour chanter, jouer et conjurer le désespoir dans une Carte blanche exceptionnelle : « Puisque tout est fini, alors tout est permis. »

Mais la beauté du geste circassien s’apprécie tout autant. Dans Santa Madera, les deux artistes virtuoses de la roue Cyr, Juan Ignacio Tula et Stefan Kinsman, proposent un spectacle à la maturité acrobatique et plastique bluffante. Ils sont les deux faces d’une même pièce tournoyante, oscillant entre l’étrangeté du songe et de sublimes visions lumineuses. Leur approche en duo laisse apparaître l’essentiel : la nature de leur relation, fraternelle, complice, vertigineuse.

Hip 127, la Constellation des cigognes, de Jérôme Thomas et Martin Palisse
Hip 127, la Constellation des cigognes, de Jérôme Thomas et Martin Palisse

À ne pas manquer, aussi, l’univers épuré de Hip 127, la Constellation des cigognes, une pièce d’envergure qui réunit une soprano et un septette de jongleurs rompus au langage si particulier de Jérôme Thomas (Martin Palisse y a collaboré). Un ballet jonglé contemporain et lyrique qui donne à voir la puissance du jonglage comme acte métaphysique, avec une création originale du compositeur Roland Auzet.

À la croisée des arts

Parmi les spectacles à l’affiche, Martin Palisse, à la tête du Sirque – Pôle national des arts du cirque de Nexon, jongleur, metteur en piste et cofondateur de la compagnie Bang Bang, a coécrit deux autres créations avec des artistes aux profils riches : Halory Goerger (Il est trop tôt pour un titre) et Catherine Lefeuvre (le Clown du rocher). « Cette année, et plus que jamais », confie-t-il, « j’ai souhaité  » décloisonner  » le cirque en ne me contentant pas d’explorer les pratiques traditionnelles. Et le festival est le lieu parfait pour briser les codes»

Si Hip 127, la Constellation des cigognes fait perdurer la collaboration ancestrale entre la musique et les arts du cirque, d’autres spectacles mélangent également le cirque avec la danse, le théâtre ou les arts plastiques, de façon tout aussi avant-gardiste.

Outre l’acrobate au mât chinois João Paulo Dos Santos et le chorégraphe Rui Horta, on peut relever Tria Fata, de la compagnie la Pendue. Ce n’est pas du cirque, mais de la marionnette, et de la marionnette interprétée par une des équipes les plus en vue de cette discipline résolument contemporaine.

Théâtre, à présent, avec Moi, une petite histoire de la transformation, de la Cie Anomalie &…, qui fait défiler les rencontres rêvées d’une petite fille au milieu d’objets détournés dans un conte pour les enfants, avec leurs parents… sous surveillance.

Quant à Elsa Guérin, découverte dans Slow futur, elle déjoue quelques idées reçues sur le grand « méchant » loup et le « gentil » petit chaperon rouge, dans une expérience visuelle (peu convaincante, à vrai dire) qui se joue des frontières entre inanimé et vivant, art chorégraphique et installation plastique, narration et abstraction.

Voilà donc l’occasion de confronter des univers singuliers qui se nourrissent l’un l’autre. Qu’il s’agisse de créations ou de reprises, Martin Palisse propose, depuis 2014, des artistes passionnants et de fécondes compagnies qui méritent le détour. Une belle programmation qui reflète la création d’aujourd’hui, un axe fort du projet : « Dans une logique de soutien à l’emploi artistique, le festival accompagne sur le plan logistique et financier des équipes dont le travail artistique et reconnu et il permet également le repérage de nouveaux talents. Ces accompagnements font l’objet de choix artistiques affirmés », précise-t-il.

Chapiteau Sirque, Parc du château de Nexon
Chapiteau Sirque, Parc du château de Nexon

Ainsi, une convention de résidence territoriale a-t-elle été signée avec Circo Aereo (Jani Nuutinen), découvert dans Intumus stimulus, spectacle plus réussi que ce dernier opus, qui se veut un hommage au cirque d’antan, dont seules les premières et dernières images – très belles au demeurant – resteront en mémoire. Inscrite dans un développement local et régional, ce type de résidence possède au moins le mérite de combiner une diffusion large et diversifiée avec différentes actions de sensibilisation : « La présence des artistes sur le territoire favorise la création de liens culturels dits de proximité, en provoquant des rencontres, en mobilisant des associations, en imaginant des moments de convivialité… ».

Réjouissons-nous plutôt du retour de Cédric Paga, alias Ludor Citric, impertinent et hors norme, qui avait littéralement secoué notre regretté Vincent Cambier (lire ici). Mais impossible de choisir entre ses bouffonneries clownesques et celles de l’iconoclaste Olivier Debelhoir qui partageait ses rêves lors de Un soir chez Boris. Décidément barré, il sort cette fois-ci de sa yourte pour nous donner sa vision du grand ouest. Alors, si on peut, on restera pour voir les deux.

64 représentations, des bals, des fêtes, des concerts, des ateliers… Les stages d’initiation et les Master Class avec des jeunes de toute l’Europe qui sont venus participer à ces cours donnés par des artistes présents sur le festival devraient également remporter un beau succès. De quoi s’ouvrir, aussi, à de vastes horizons. 

Léna Martinelli


La Route du Sirque 2017

Orangerie du Château • 87800 Nexon

Site ici

Du 7 au 26 août 2017

Tarif unique: 13 € ou 8 € (spectacle), 4 € (concert)

Réservations : 05 55 00 98 36

Photo : © Philippe Laurençon © Sarah Meneghello

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