Mais où est donc passé Jérôme Deschamps ?
Par Trina Mounier
Les Trois Coups
Après « Le Bourgeois Gentilhomme », Jérôme Deschamps poursuit son exploration du théâtre de Molière avec une de ses pièces les plus jouées, « L’Avare » dont il s’attribue, comme à l’accoutumée, le rôle-titre. Un peu trop sage !
Lui qui nous a habitués à s’affranchir de la fidélité aux textes, les déplaçant volontiers dans un autre pays, une autre époque, lui qui nous avait habitués à l’insolence et l’irrévérence signe là un spectacle très classique. Dans un décor assez sombre fait de murs peints sans autre accessoire, ni meuble ni rien indiquant simplement l’heure du jour, une famille va se déchirer.
Comme souvent chez Molière, Harpagon est un bourgeois flanqué d’un fils avec lequel il est en rivalité ouverte et d’une fille qu’il souhaite marier contre son gré, espérant récupérer de cet échange quelque avantage. Parallèlement le barbon souhaite convoler en justes noces avec Marianne, une jeune veuve qu’il espère riche (et que son fils aime en secret). Car Harpagon est avare au point de rêver de sa cassette la nuit, de ne penser qu’à elle le jour, à craindre la moindre dépense et à soupçonner tout le monde, même lui-même.
Disons-le tout net : Jérôme Deschamps en vieillard monomaniaque et obtus est excellent. Il confère à son personnage une noirceur et une vilénie inquiétantes (mais qui pourtant n’empêchent pas d’en rire). Il prend si peu de soin de sa personne pour éviter la dépense qu’il en devient plutôt repoussant. Il est étonnant qu’il arrive malgré tout à susciter l’affection de Maître Jacques, son cuisinier-cocher.
De bons acteurs au service d’un spectacle bien sage
Autre qualité du spectacle : Jérôme Deschamps confirme sa capacité à mener une troupe et à s’entourer d’acteurs formidables comme Lorella Cravotta, qui campe une Frosine pleine de vie, rusée à souhait et aussi immorale que l’homme à qui elle entend vendre Marianne ; comme Valère, l’intendant auquel Geert Van Herwijnen prête une personnalité prête à tout pour obtenir ce qu’il veut, beau parleur, menteur, roublard, malhonnête en un mot. La pièce va bon train et l’on ne s’ennuie pas.
On n’est pas passionné non plus. Des Avare, on en a déjà vu beaucoup. Difficile, certes, de se démarquer… Or, rien que de très convenu dans cette mise en scène et dans la direction d’acteurs. Il laisse telle quelle, par exemple, la résolution nécessaire au happy end, avec le personnage providentiel du Seigneur Antelme qui se découvre subitement deux enfants (héritiers) en les personnes de Marianne et Valère. Où est l’insolence du père des Deschiens ? Son goût pour les pas de côté, pour les surprises et les irrévérences ? Sa prédisposition à en faire des tonnes. 🔴
Trina Mounier
L’Avare, de Molière
Mise en scène : Jérôme Deschamps
Avec : Flore Babled (en alternance avec Bénédicte Choisnet), Lorella Cravotta, Vincent Debost, Jérôme Deschamps, Fred Épaud, Hervé Lassïnce, Louise Legendre, Yves Robin, Stanislas Roquette, Geert Van Herwijnen
Décor : Félix Deschamps Mak
Costumes et accessoires : Macha Makeïeff
Lumière : Bertrand Couderc
Son : Nicolas Rouleau
Perruques et maquillage : Emmanuelle Flisseau
Durée : 2 h 15
Théâtre National Populaire • Grand théâtre • 8, place Lazare-Goujon • 69100 Villeurbanne
Du 6 au 21 octobre 2022, du mardi au samedi à 20 heures, jeudi à 19 h 30, dimanche à 15 h 30, relâche le lundi
Réservations : 04 78 03 30 00 ou en ligne
Tournée :
• Du 15 au 20 novembre, Théâtre Montansier, Versailles (78)
• Du 2 au 3 février 2023, Théâtre+Cinéma Scène nationale Grand Narbonne (11)
• Du 4 au 5 mars, Théâtre de l’Olivier, à Istres (13)
• Du 5 au 29 avril, Théâtre de la Ville – Les Abbesses, à Paris
• Les 10 et 11 mai, Théâtre de Chartres, Scène Conventionnée d’Intérêt National – Art et Création (28)
• Du 28 au 31 décembre, Comédie de Caen – CDN de Normandie (14)
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