Les Fils aimés des Zébrures d’automne, à Limoges

« Maloya » de Sergio Grondin © Dan Ramaen

Fils aimés des Zébrures d’automne

Par Laura Plas
Les Trois Coups

Le festival offrait cette semaine deux fortes réflexions sur la filiation : la pièce de Sergio Grondin, « Maloya » et la lecture du « Fils » de Marine Bachelot Nguyen, orchestrée par la Compagnie Méthylène. Deux approches sensibles et fortes qui résonnent en des temps de crispations identitaires.

Qu’est-ce que Maloya ? L’histoire d’un père qui, penché sur son fils nouveau-né, se prend à interroger le rapport qu’il entretient avec ses deux langues, le créole et le français ? Une enquête sur le maloya, danse et chant de la Réunion ? Une remise en cause des identités folklorisées ? La pièce écrite par Sergio Grondin est en fait assez délicate pour aborder toutes ces questions sans avoir l’air d’y toucher – passant ainsi insensiblement de l’intime à l’universel.

La scénographie évolutive de David Gauchard épouse ce même mouvement d’amplification : le plateau, d’abord presque nu, s’emplit peu à peu de noms, d’objets qui dessinent une île-monde aux contours nets mais poreux. Par ailleurs, si la mise en scène porte bien la marque de fabrique de son créateur, elle laisse toute sa place aux propositions des autres artistes associés au projet. Belle expression de la création d’une identité artistique elle-aussi ouverte.

Même la musique électronique de Kwalud n’est pas sans rapport avec le questionnement sur l’identité. En effet, le musicien installé à la Réunion, a su faire vibrer sa composition au traditionnel rythme ternaire de l’île. Il propose une partition résolument moderne qui semble elle aussi murmurer que la tradition perdure mieux dans l’évolution, que la meilleure défense et illustration d’une langue est l’invention. 

La part de l’autre

Si Maloya part de la relation entre un père et son fils, la pièce de Marine Bachelot Nguyen intitulée le Fils nous fait, elle, entrer dans l’univers d’une mère. Plus exactement, elle nous permet d’envisager le point de vue d’une mère qui manifeste contre le mariage homosexuel, défend le christianisme et ne sait pas voir le malaise de son enfant.

Les dix jeunes lycéens-comédiens de Nouvelle Aquitaine ont mis en voix ce texte à l’occasion de la remise primée du prix Sony Labou Tansi des lycéens. Ils ont accepté de porter une parole qui n’était pas la leur, de manière à faire entendre les sirènes du communautarisme ou la galvanisation mortifère que procure l’ostracisme collectif. Et c’est une réussite. Non seulement, la lecture orchestrée par Élise Hôte et Renaud Frugier rend le texte accessible à tous, mais elle ouvre des possibles. En effet, elle fait entendre dans un monologue une dimension chorale insoupçonnée (le parti pris du metteur en scène David Gauchard pour qui Marine Bachelot Nguyen avait écrit le texte était très différent).

Portée par une jeunesse prête à écouter l’autre, mais à se battre aussi contre les carcans des identités religieuses ou sexuelles, cette lecture du Fils est un bel appel humaniste au sein du festival. 

Laura Plas


Maloya, de Sergio Grondin

Mise en scène : David Gauchard

Musique : Kwalud

Avec : Sergio Grondin, Kwalud

Durée : 1 heure

À partir de 14 ans

Théâtre de l’Union • 20, rue des Coopérateurs • 87000 Limoges

Le jeudi 3 octobre à 19 heures, et le vendredi 4 octobre 2019 à 20 h 30


Le Fils, de Marine Bachelot Nguyen

Mise en scène : Renaud Frugier et Élise Hôte

Avec : Lino Benhaeim, Chloé Dom, Clémentine Fernet, Élodie Figéa, Enorah Marion, Marie Nouhaut, Cléa Parmentier-Gierusz, Vincent Pouchol, Nolwenn Russon, Lila Windrestin

Durée : 1 heure

À partir de 14 ans

Centre municipal Jean Moulin • 76, rue des Sagnes • 87280 Limoges

Le mardi 1er octobre 2019 à 12 h 30

Dans le cadre des Francophonies, des écritures à la scène : festival des Zébrures d’automne

De 8 € à 20 €

Lecture du Fils gratuite

Réservations : 05 55 00 98 36


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☛ Richard III, de Shakespeare, espace Sarah Bernhardt, à Goussainville, par Lena Martinelli

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