Risque du désir, désir du risque
Par Trina Mounier
Les Trois Coups
Véronique Bettencourt est une artiste singulière aux talents multiples dont les dernières créations flirtaient avec le documentaire, le questionnement philosophique et l’enquête. Elle revient au texte littéraire aux côtés de Stéphane Bernard, immense passeur de textes et acteur de haute volée. Ensemble ils portent haut « Le Funambule » de Jean Genet.
Ce texte est un chant d’amour du poète à un autre artiste, Abdallah, virtuose des hauteurs et de l’équilibre. Un texte qui mêle vertige des corps et sensualité du risque, amour de l’art et jeu de l’approche ou de la fuite, symbiose entre le circassien et son instrument. Il offre des pages sublimes sur le désir et son imbrication avec la mort. Ainsi est-il à la fois éminemment métaphorique et imprégné d’une sensualité troublante.
Stéphane Bernard porte ce texte avec l’intensité qu’on lui connaît. Il est Genet, écorché et provoquant. Son interprétation ultrasensible, sans cesse en rupture et en déséquilibre, suggère la proximité et l’écart avec Abdallah, dont les deux metteurs en scène ont confié le rôle à un danseur, Kaïs Chouibi. Le choix de la danse pour évoquer la prise de risque, mais aussi la souffrance et le corps à corps avec la mort comme passages obligés, fonctionne étonnamment bien. Tout en art de l’esquive et en retenue, il pèse de sa présence.
Stéphane Bernard, magistral
On retrouve la patte de Véronique Bettencourt dans tout ce qui enserre ce duo d’artistes, notamment son recours au chant et à la vidéo. Le plus souvent derrière la caméra, elle scrute ce qui se passe entre eux, ne parvenant pourtant pas à exister autrement que comme un regard qui s’immisce entre eux et le public. Elle fait couple avec le musicien Jean-Louis Delorme dont les mélodies datent cette histoire ancienne. En fait, à eux deux, ils construisent un cadre, un décor qui nuit un peu à la simplicité et au dépouillement du spectacle, à l’universalité de cette histoire et du poème, sans en obscurcir toutefois la cohérence.
Un spectacle de haute volée dont on retiendra surtout la magistrale interprétation de Stéphane Bernard, ainsi que la sombre et sauvage beauté de la langue. ¶
Trina Mounier
Le Funambule, de Jean Genet
Mise en scène : Véronique Bettencourt et Stéphane Bernard
Avec : Stéphane Bernard, Véronique Bettencourt, Kaïs Chouibi et Larbi Namouchi en alternance (danse), Jean-Louis Delorme (musique)
Musique : Jean-Louis Delorme
Son : Éric Dupré
Lumières : Michel Paulet
Costumes : Cathy Ray
Scénographie : Guillaume Ponroy
Durée : 1 heure
Théâtre de La Renaissance • 7, rue Orsel • 69600 Oulins
Du 19 au 23 janvier 2021
Billetterie : 04 72 39 74 98 et en ligne
De 7 € à 11 €