Bientôt 25 ans !
Malgré les contraintes budgétaires, les tristes réalités et les inquiétudes qui assombrissent l’avenir, l’équipe du Plongeoir a concocté une nouvelle édition ambitieuse et populaire : « Dans la tempête nous ne lâchons rien, comme toujours, et restons fidèles à notre mission de service public en faveur d’une culture accessible à tous et toutes », clament Richard Fournier directeur et son équipe.
« 24 années à soutenir, diffuser et partager avec vous le cirque, faisant de ce festival un rendez-vous incontournable. Une longue histoire et un avenir menacé par les récentes coupes budgétaires infligées par la Région Pays de la Loire. Réduire les dépenses publiques en s’attaquant au secteur culturel n’a jamais été le signe d’une société en bonne santé. C’est une vision court-termiste qui nie le rôle émancipatoire de la culture pour les citoyennes et les citoyens. C’est la méconnaissance et la mise en danger d’un secteur qui pèse économiquement en France, autant que celui de l’automobile ».
Grandes formes et formes intimistes
Envers et contre tout, Le Plongeoir garde le cap avec une programmation exceptionnelle. À 15 mètres au-dessus du sol, CirkVOST, qui illustre la prise de risque, fait vibrer petits et grands. À l’image de notre société actuelle, ces rebelles aux lois de la gravité illustrent la difficulté et le besoin d’être ensemble. Pigments fera l’ouverture. Un symbole fort.
Plus de temps à perdre ! The Rat Pack explore le genre du film apocalyptique autour d’un duo de portés acrobatiques. Sans regrets ? : du grand spectacle avec musique en direct et écran de cinéma (coréalisation avec Les Quinconces et L’Espal). Dans une scénographie, elle aussi extraordinaire, la cie Libertivore, quant à elle, invite au renouveau. Un élan bienvenu afin de repenser notre lien au monde. Faune questionne notre rapport au sauvage, à notre monde contemporain et ses nécessaires métamorphoses, en revisitant les mythes d’aujourd’hui et imaginant ceux de demain. À découvrir également : l’exposition Apparitions. À noter que cette compagnie, en résidence au Plongeoir, est marraine de la promotion 2024-2025 du Lycée Cirque.
« Cabaret renversé » © Cécile Gerbe-Servettaz ; « Hourvari », cie Rasposo © Ryo Ichii
Le Faux Populaire nous accueille sous son chapiteau et s’amuse à éclairer la dualité permanente du vivre ensemble, mais en couple. Pour peupler un univers, commençons par être deux ! Le Cabaret renversé entrechoque les codes de manière joyeuse, ludique et sensible (lire la critique de Léna Martinelli). Après le cabaret, Hourvari (cie Rasposo) met en tension le jeu et le geste, le vrai et le faux dans une forme ambitieuse et poétique mêlant cirque et marionnettes. Une interrogation contemporaine sur l’artificiel et l’authentique, l’agitation et la fragmentation des existences. Du grand art (lire la critique de Laura Plas).
Biographies, (cie Ea Eo) se présente comme du rap jonglé ou du jonglage slammé, bref un jonglage rythmique mot à mot dans un esprit punchline à voir absolument (lire la critique de Léna Martinelli). Fratello (cie Bêstîa) traite de la fraternité, à sa manière, c’est-à-dire en illustrant comment deux porteurs peuvent créer un langage unique, sans l’appui d’un voltigeur.
Avec des bâtons blancs et du charbon noir, Tendre (Le Jardin des Délices) est un poème, visuel et sonore. Unesorte de jonglage tragi-comique et collectif dans un bain sonore en live. Également bicolore, construit sur un jonglage graphique et de l’humour physique, l’esprit cartoon en plus, Monographie (cie Defracto) est une composition sur mesure de Guillaume Martinet, qui dessine comme il jongle, de façon compulsive et cocasse. Le spectacle déborde de toutes parts et on adore (lire la critique de Léna Martinelli).
Les « indisciplinés »
Variée dans ses formats et ses esthétiques, le Mans fait son Cirque donne la part belle au mélange des disciplines et des modes d’expression. Depuis bientôt vingt ans, les créations de L’Éolienne développe un langage qui s’attache à chorégraphier le vocabulaire circassien. Dans le cadre d’un focus sur la compagnie,on découvre Clinch. Au corps à corps, un homme et une femme se jaugent et s’affrontent sur une piste ronde, ring et théâtre de leurs négociations. Avec Chez Soi, Florence Caillon propose une traversée de la vie en couple et de ce que se joue dans l’espace intime.
Maiador (cie Delá Praká) est inspirée de manifestations culturelles populaires brésiliennes (Samba, Baião, Capoeira…). À l’occasion du Bal des Oiseaux (cie Sapage Nocturne), les spectateur·ice·s sont invité·e·s à se parer de costumes à l’imaginaires exotique, avant de prendre part à leur guise à un bal qui se déroule en plusieurs temps, de l’accueil au final, en passant par une procession. Meneurs, diva magnifique, grands oiseaux et participant·e·s célèbrent le collectif dans la bienveillance et la fête.
Autre focus, cette fois-ci sur une compagnie qui mêle art du clown, manipulation d’objets et acrobaties : Benjamin De Matteïs et Mickaël Le Guen (cie Sacékripa) se font construire un petit chapiteau afin de donner vie au quotidien de deux anciens acrobates bourrus et alcoolisés (Marée Basse). C’est une reprise de répertoire d’un spectacle créé en 2012. Pour Surcouf, le duo poursuit le délire sur une barque et ajoute une corde à son arc : la natation synchronisée. « Du cirque, du risque, de l’humidité́ et une grande humanité́ » ! Esprit décalé à souhait, également, pour Vilain Chien (La Générale Posthume) : « spectacle à volonté insolente et cynique, nous souhaitons donner un coup de pieds dans les codes du cirque, afin de faire un grand feu de joie ». Un vent de révolte iconoclaste va souffler sur Le Mans !
Hors piste
Sur la Promenade Newton – un écrin de verdure apprécié – plusieurs propositions se déroulent dans l’espace public (et sont donc en accès libre). Au pied d’un arbre, justement, deux grands enfants cherchent à se planter. Sous le regard attentif d’un musicien aux allures de jardinier, ils poussent et se repoussent, se font de l’ombre et s’enracinent à deux. Nous, la forêt – ou comment se planter (cie Kif Kif) est une jonglerie clownesque musicale et poétique.
« Maiador », cie Delá Praká © Edinho Ramon ; « League & Legend », 15feet6 © Clarke
Dans un cercle cerné par le public, League & Legend (cie 15Feet6) nous livre une version accélérée d’une Olympiade. Pulvérisant tous les records, le trio cosmopolite nous en met plein la vue (lire la critique de Léna Martinelli). Tout terrain, le cirque fait aussi bouger les lignes, à l’image du collectif Protocole, qui revient au Mans après sa participation à la Pyjama Party (2023) et sa Performance artistique à 160 km / h (2021). À partir d’une série de protocoles d’improvisation s’étendant sur une dizaine d’heures, Campement va encore métamorphoser l’ordinaire.
Dans le cadre de son projet, le cirque au quotidien, Le Plongeoir soutient la création circassienne, écrite et diffusée pour les lieux non-dédiés (EHPAD, collège, hôpital…). Il est producteur délégué de deux dispositifs de soutien singuliers : Cirque en Musée, pour espace muséal et Trajectoires de corps, pour espace universitaire, deux passionnantes aventures de cirque et de territoire. Dans ce cadre, ISI – Lucas Strunas achève son partenariat avec Le Plongeoir. Axis Mundi est une expérience à vivre afin d appréhender autrement le musée.
« Axis Mundi », ISI – Lucas Strunas ; « Monographie », cie Defracto © Pierre Morel.jpg
Des animations sont également mises en place pour pratiquer l’art du cirque, de jouer ou lire en plein air. Outre les pratiques amateurs, le festival réunit l’ensemble de la filière en initiant des rencontres professionnelles et des temps d’échanges. En partenariat avec les écoles supérieures et les centres de formation (réseau Procirk), le festival offre aux étudiant·e·s une belle vitrine et de réelles opportunités de rencontres. Plusieurs spectacles d’écoles sont présentés, dont les Échappées du CNAC (37e promotion), cru exceptionnel, la promotion 2025 de l’Ésacto’Lido (Giovanni y les Invisibles) et l’Académie Fratellini (les Envols).
« Les Envols 2025 », Académie Fratellini © Camille Laverde ; « Giovanni y les Invisibles », Ésacto’Lido © Boris Conte ; « Les Échappées » © CNAC
Enfin, relevons aussi les contenus médias innovants. Immersion en 360 est une expérience en réalité virtuelle inspirée de Foutoir Céleste, du Cirque Exalté, et produite par O.H.N.K. Muni d’un casque on se retrouve au centre de la piste du chapiteau, avec les artistes, en immersion sonore et visuelle. Quant aux podcasts en accès libre dans la station d’écoute, ils permettent de plonger, en 10 épisodes, dans l’histoire du marathon jonglé de Johan Swartvagher (En finir). Sur le fil (réalisé par Sens de la visite), lui,conclut, en 5 épisodes, une correspondance d’une année dans le quartier des Sablons avec La cie Basinga.
Léna Martinelli
Le Mans fait son Cirque
24e édition, du 19 au 29 juin 2025
Site du festival
Le Plongeoir Cité du Cirque Pôle Cirque Le Mans Sarthe Pays de la Loire • 72100 Le Mans
Le Chapiteau et La Cité du Cirque • 6, bd Winston Churchill
La Promenade • Promenade Newton
L’Île • Promenade Newton (accès par le pont dit « des Vendéens »)
Tarifs : de 5 € à 15 € (gratuité pour les moins de 3 ans)
Réservations : Tél. 02 43 47 45 54 ou par mail ou en ligne • Au Chapiteau, 6 bd Winston-Churchill • Au chapiteau bar sur La Promenade • Aux billetteries rapides sur les lieux de spectacle (à partir d’1 heure avant les représentations, dans la limite des places restantes, paiement CB uniquement)
Infos pratiques ici
Toute la programmation ici
À découvrir sur Les Trois Coups :
☛ Le Mans fait son Cirque 2024, Reportage de Léna Martinelli
Photo de une : « Pigments », CirkVOST © Liam Croucher
