Le Mans fait son Cirque 2025, Reportage, « Faune », « Clinch », « Chez soi », Marée basse », Le Plongeoir, Pays-de-la-Loire

Maree Basse - Sacékripa © Laure Villain

Une édition 2025 de tous les records !

Léna Martinelli
Les Trois Coups

Organisé par Le Plongeoir pôle national cirque Le Mans, en partenariat avec la ville, le festival Le Mans fait son Cirque vient de s’achever. Parmi les 25 spectacles, dont beaucoup déjà couverts, on retient les dernières créations de Libertivore, L’Éolienne Cirque et la reprise de la cie Sacékripa. Des « petites formes » qui complètent bien les propositions spectaculaires. De grands moments de vivre ensemble, dans la rencontre et la diversité.

Malgré un avenir assombri par les coupes budgétaires infligées par la Région Pays de la Loire, l’équipe a concocté une programmation ambitieuse. Avec plus de 70 représentations, le festival a attiré plus de 27.600 personnes, dont 1.300 en département. En grande proximité avec les artistes, le public apprécie l’ambiance conviviale, entre autres, sur la promenade Newton. Le festival affirme sa position d’acteur de premier plan dans le paysage circassien national avec la diffusion de 4 créations et la mise à l’honneur de la filière cirque (avec, pour la première fois, 3 écoles nationales supérieures et l’ensemble des centres de formation des arts du cirque).

Le Plongeoir promeut un cirque du quotidien et de la rencontre, un cirque engagé et acteur de la société. On note d’ores et déjà les dates de la prochaine édition : rendez-vous du 20 au 31 mai 2026. Petit changement de période qui permettra d’apprécier encore davantage Le Mans fait son cirque, d’autant plus que ce sera l’occasion de fêter les 25 ans du festival.

Shows devant

Dès l’ouverture, un bel élan a été donné à cette 34édition puisque près de 2.000 personnes étaient présentes. À 15 mètres au-dessus du sol, CirkVOST a fait vibrer petits et grands. Pendant près d’une heure, sous une chaleur de plomb, 12 acrobates se sont livrés à un ballet impressionnant, mettant en scène la chute et la joie de se relever collectivement des épreuves. Pigments illustre la difficulté et le besoin d’être ensemble. Un symbole fort dans un contexte de délitement sociétal.

Plus de temps à perdre, avant apocalypse ! Compte tenu du thème, on s’attendait encore à vivre de fortes émotions avec Sans regrets ? : du grand spectacle inspiré des films catastrophe. Les références cinéma abondent, dans une scénographie plutôt réussie, où les interprètes parviennent à s’imposer entre les projections. Dans un rythme haletant, le couple enchaîne des portés acrobatiques assez classiques. The Rat Pack met le paquet sur… une bluette. Peut-être la puissance de l’amour sauvera-t-elle le monde ? En tout cas ce divertissement énergique et de bonne tenue a plu au public. Un bon choix pour finir la saison de l’Espal les Quinconces et lancer le festival.

Les délicates métamorphoses de Libertivore

Qu’ils rêvent de jours meilleurs ou craignent le pire, qu’ils rient ou frissonnent, le cirque a ce pouvoir de rassembler les gens. Autre proposition gratuite et populaire : le Bal des Oiseaux, «un spectacle visuel à danser ». Cette célébration de la Fête de la musique était haute en couleurs. Davantage en osmose avec la nature, Libertivore adopte une démarche parfaitement retranscrite dans l’exposition Apparitions, où, avec les lycéens de l’option cirque, la compagnie a peuplé l’Arche de la nature de créatures fantastiques, sans esbroufe, dans le plus simple appareil.

Cette approche sensible caractérise le travail de Fanny Soriano, qui aime questionner la place de l’être humain dans son environnement. Elle explore toujours notre essence en croisant l’animal, le minéral et le végétal. Faune aborde notre rapport au sauvage, en revisitant les mythes d’aujourd’hui et en imaginant ceux de demain. Ici, la figure du cerf, gracieux et indomptable, viril et empreint de sagesse, impose à nouveau sa majesté : « La mue du cerf, dont le bois qui tombe chaque année pour repousser au printemps, nous redonne la preuve visible que tout meurt et renaît, que tout reprend vie », écrit-elle.

« Faune » et « Apparitions » © cie Libertivore

La jeune femme nous a habitués à des scénographies extraordinaires et des agrès personnels. Ici, les trois jeunes interprètes (excellentes) évoluent dans un cercle basique, un décor épuré fait de feuilles mortes, mais les danseuses et acrobates s’élèvent, rampent, galopent et l’une d’entre elles disparaît même dans les fourrés. Entre fusion et liberté : « Prom’nons nous dans les bois tant que les humains n’y sont pas ! ».

Cette forêt de symboles inspire des figures étonnantes. Fanny Soriano crée une gestuelle organique sublimée par l’utilisation d’un agrès brut, des bois de cerfs, dont un en suspension. Les corps épousent les éléments dans un ballet d’une grande fluidité avec des portés originaux. Un élan bienvenu afin de repenser notre lien au monde, de contribuer à ses nécessaires métamorphoses. Une régénération qui évoque la nécessaire mutation de notre humanité. Cette étape de travail est prometteuse.

Corps à corps

« Revendiquer la beauté comme un geste de résistance », tel pourrait aussi être l’adage de Florence Caillon, qui développe un goût identique pour la danse contact, elle qui figure parmi les premières à avoir affirmé la dimension chorégraphique du cirque. Davantage articulée autour des acrobaties au sol, plutôt que l’aérien, son expression est d’une puissance poétique comparable.

Les deux spectacles programmés traitent de la même thématique : la relation amoureuse. Si dans Clinch, les interprètes sont sur une piste s’apparentant à un ring, dans Chez soi, le duo évolue autour de canapés. Ce dernier est inspiré d’un essai de Mona Chollet qui interroge la manière dont le partage des espaces sculpte notre relation au monde et aux autres.

Avec son vocabulaire, Florence Caillon relate la vie d’un couple, entre tendresse, jeux sournois et équilibres. Au gré des états d’âme, les canapés sont déplacés, rassemblés, séparés, comme le couple en perpétuelle évolution. Le meuble du quotidien accueille d’abord l’introspection, abrite le corps dans différents états d’être, à la fois intime et réflexif. À l’abri du tumulte du monde, chez soi, chacun des deux acrobates incarne une solitude protégée avant les connexions des corps dans un carcan. Dos à dos, l’un avec et contre l’autre…

« Chez soi » et « Clinch » © L’Éolienne

Encore plus explicite, Clinch se réfère à l’univers de la boxe : ce terme désigne le fait de saisir son adversaire ou de se rapprocher pour se coller à lui afin de l’exaspérer et casser le rythme imposé. Ici, entre le choc de la rencontre et les désaccords, un homme et une femme se jaugent et s’affrontent. Toutes les composantes de l’amour sont évoquées : lâcher prise de l’abandon absolu, confiance, don de soi, négociations, combativité… Au-delà du rapprochement, le corps à corps exprime aussi, non sans humour, la différence et l’éloignement. De façon instinctive, élans et de variation d’énergie traduisent les fragilités et forces respectives. Les interprètes des deux spectacles sont époustouflants. Une virtuosité à toute épreuve.

Absurde et férocité

Ce qu’on aime au Plongeoir, ce sont les propositions insolites dans des lieux non dédiés. Hors les murs et hors de la piste, donc. Déjà, les 2/3 ont lieu en extérieur, sur la promenade Newton, tel Campement, une performance du collectif Protocole. Pendant dix heures, cinq jongleurs ont improvisé figures et situations. Un audacieux marathon jonglé.

Sur l’eau, Surcouf a dû surprendre. Hélas, de cie Sacékripa qu’on aime décidément beaucoup, on n’a pu voir que Marée basse. Cette création 2012 n’a pas pris une ride. Une reprise de répertoire bienvenue. Ce duo décalé est notre méga coup de cœur ! Pourtant, a priori, on n’est pas vraiment bienvenue dans ce chapiteau où règne un silence pesant, où il ne fait pas bon frôler ce gars bourru qui vient rejoindre son acolyte, si maladroit. On n’en mène pas large. Lancers de couteaux et équilibres précaires nous laissent entrevoir une vieille complicité, malgré la déchéance. Un peu Laurel et Hardy, ces deux-là dérapent plus qu’ils ne veillent l’un sur l’autre.

« Marée Basse », Sacékripa © Vincent d’Eaubonne

Finie la vie de paillettes, si elle a existé ! Marée basse est à prendre au sens propre et figuré. Ces deux acrobates de la bouteille se livrent à des jeux d’adresse qui n’ont qu’un but : se remplir le gosier et… passer le temps. À moins qu’il ne s’agisse de vérifier qu’ils sont bien vivants ? Entre cirque et théâtre d’objet, avec un sens aigu du comique de situation, ils ne prétendent à rien, mais sont capables de tout. Car, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? On le sait, les chutes, ratés et maladresses sont les tours les plus durs à exécuter. Ça tangue et ça patine. Toutefois, la mécanique est parfaitement huilée. Et c’est tellement drôle ! Heureusement, entre coups bas et subterfuges, la tendresse et le loufoque finissent par prendre le dessus.

Léna Martinelli


Pigments, CirkVOST

Site de la cie
Avec : Arnaud Cabochette, Sébastien Lepine, Élie Rauzier, Jérôme Hosenbux, Maximilien Delaire, Théo Dubray, Benoit Belleville, Élien Rodarel, Célia Casagrande-Pouchet, Elena Mengoni, Saphia Loizeau, Louise Aussibal, Germain Guillemot
Création musicale et régie son : Sébastien Dal Palu
Création musicale et régie lumière : Simon Delescluse, Clément Huard
Durée : 50 min
Tournée ici :

• Les 9 et 10 juillet, festival Les Virevoltés, à Vire- Normandie (14)
• Le 13 septembre, Le Manège, scène nationale, à Maubeuge (59)
• Le 30 août, Wave Festival (DK)

Faune, cie Libertivore
Site de la cie
Écriture, chorégraphie et scénographie : Fanny Soriano
Avec : Nina Harper, Victoire Godard, Camille Guichard
Musique : Jules Beckman
Regards extérieurs : Sophie Borthwick, Lauréline Richard, Karine Berny, Marie Julie Peters Desteract
Tournée ici :

• le 11 juillet, avec le Théâtre Jean Lurçat scène nationale, Aubusson, au PNR de Millevaches (19)

• Le 13 juillet, avec le Théâtre Jean Lurçat scène nationale Aubusson, Étang des Landes, à Lussat (23)

• Du 6 au 14 septembre, La Garance scène nationale, à Cavaillon (84)

• Le 17 janvier 2026, Le Plus Petit Cirque du Monde, Bagneux (92)
• Du 20 au 24 janvier, L’Hexagone scène nationale de Meylan (38)

Chez soi & Clinch, cie L’Éolienne
Argument, mise en scène, musique originale : Florence Caillon
Interprètes de Chez soi : Johanna Dalmon, Ancelin Dugue
Interprètes de Clinch : Madeleine Peylet, Marco Guillemet, en alternance avec Gabriel Dias
Durée : 30 min (chacun)
Tournée
ici :
• Les 18 et 19 septembre, dans le cadre de Festival Friction(s), Château Rouge scène conventionnée d’Annemasse (74)

Marée basse, cie Sacékripa
Site de la cie
Interprètes et metteurs en scène : Benjamin De Matteïs, Mickaël Le Guen
Sous l’œil pertinent de Stéphane Filloque
Durée : 1 heure
Dès 8 ans
Tournée ici :
• Les 27 et 28 août, Festival Les Rias (Étang du Trévoux)

Spectacles vus dans le cadre du Mans fait son Cirque, du 19 au 29 juin 2025

À découvrir sur Les Trois Coups :
☛ Le Mans fait son cirque 2025, annonce de Léna Martinelli
☛ Le Mans fait son cirque 2024, Reportage de Léna Martinelli

Photo de une : « Marée basse », Sacékripa © Laure Villain

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