« Les Envolées » festival de théâtre amateur, La Paillette à Rennes

© Paillette

La Paillette, nid d’espoirs

Par  Olivier Pansieri
Les  Trois  Coups 

Du 23 mai au 29 juin, plusieurs centaines d’amateurs se sont produits au théâtre La Paillette lors du festival « Les Envolées », à Rennes. Ils y volent en effet de leurs propres ailes, juste une fois, pour l’amour de l’art. Simple et exemplaire.

Au menu, une majorité d’auteurs contemporains : Didier-Georges Gabily, David Lescot, Rémy de Vos, Martin Crimp. Ces textes souvent difficiles, les amateurs les défendent avec une ardeur que n’ont pas toujours les pros. Même papy Brecht prend un coup de jeune dans un Opéra de quat’sous sans complexes, qui rue dans tous les brancards. Quelques fausses notes au début, sans doute dues au trac, mais ensuite les songs émaillent puissamment le propos vengeur de la pièce.

La semaine d’avant, j’avais vu Évènements de Didier-Georges Gabily, ceux de 68, bien sûr, anniversaire oblige. Les comédiens survoltés, sous la houlette de la compagnie Fièvre qui anime cet atelier, conduisent ce spectacle mitraillette au pas de charge. C’est le revers de la médaille : peu de moments intimes et c’est dommage, car les interprètes y font entendre alors une petite musique d’une rare justesse.

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Une transfiguration émouvante

Mon fric de David Lescot fonctionne lui aussi sur le mode « Tu te souviens ? ». L’argent de poche, la colo, les petits boulots, le premier découvert à la banque… Là-encore, les acteurs se partagent les rôles : il y a plusieurs mères, plusieurs copines, plusieurs fils. L’occasion pour les personnages de se rencontrer eux-mêmes à différents âges de leurs vies et pour leurs interprètes de récolter des applaudissements mérités. Il s’agit en effet de les incarner en un clin d’œil, parfois le temps d’une réplique. De la haute voltige qu’ils réussissent, disons presque chaque fois.

Je n’ai pu voir que cinq spectacles sur les vingt-quatre proposés. Ce tri aléatoire m’a pourtant permis de mieux cerner ce qui fait la force de ces rencontres. D’abord, ce sont des vrais spectacles soucieux de tenir un propos, de convaincre et de garder le rythme. Ensuite, ils sont portés par des acteurs qui ne décrochent jamais et vont jusqu’au bout de leurs propositions. On sent qu’un travail de plateau a soudé ces individus inégalement doués en des troupes quasi-invincibles. Cette transfiguration, incroyablement émouvante enlève tout.

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Bien joué !

Quelle n’avait pas été ma surprise en lisant dans le programme : La Vénus à la fourrure d’après Sacher-Masoch ! Décidément, m’étais-je dit, ces apprentis-là ne doutent de rien. Le soir de la Fête de la musique, une heure pour trouver où me garer, j’arrive enfin à la Paillette. Sceptique et vaguement ronchon, je m’installe et là, je prends l’énorme baffe. Six femmes, six hommes incarnent à n’y pas croire les amants sulfureux. L’amour à mort, la solitude, l’abîme, le fond de soi : tout y est. Une leçon. Un grand bravo à Dany Simon qui a su tirer de chacun ces trésors d’authenticité ! De quoi regretter d’avoir loupé La Dispute de Marivaux, qu’elle présentait un mois plus tôt avec des adolescents.

Naturellement, j’ai loupé  bien d’autres petites merveilles. Pourtant, une m’est échue, comme par enchantement : Mais où est donc passé mon Alinéa, par les 9-10 ans. Un conte de fée interprété par ceux qui y croient. Ou plutôt font semblant. Car ceux-là en savent long sur la petitesse des grands, qu’ils campent comme des chefs. Une écharpe, quelques bouts de ficelle et on a la reine blasée, sa cour de crétines, son fils poule mouillée, le tordant majordome, le jeune premier lymphatique, sa fiancée qui a du nerf pour deux. Mention spéciale à la fée à lunettes, grâce à qui tout s’arrange.

Surveillant ses poussins, Marion Petitjean veille au grain, derrière son pupitre. Le large sourire sur sa bonne bouille vaut tous les compliments. « Bien joué, les petits ! » dit-il. Et nous avec.  

Olivier  Pansieri

☛ Lire aussi l’entretien avec Valérie Leroux et Cyrille Baron, directrice et coordinateur du Théâtre de la Paillette 


Les Envolées,  37e édition du festival de théâtre amateur  

La Paillette •  2, rue du Pré de Bris  • 35000 Rennes 

Du 23 mai au 29 juin 2018

De 2  à 5 €

Réservations  : 02 99 59 88 86

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