Les Inspirantes 2025, Les Quinconces, L’Espal, Le Mans

simon-delétang-suzy-storck-magali-mougel © jean-louis-fernandez

Rendez-vous avec Les Inspirantes 

Léna Martinelli
Les Trois Coups

Pour commencer l’année sous les meilleurs auspices, le Théâtre des Quinconces donne rendez-vous du 9 au 31 janvier avec Les Inspirantes, un parcours en compagnie de guérillères extra-ordinaires. À la riche programmation composée de six spectacles et d’un concert, s’ajoutent une exposition et une journée de rencontres et d’ateliers. Un temps fort à ne pas manquer.

Belle entrée en matière, avec un vrai music-hall digne des Années folles, avant une plongée, hallucinante, dans l’Amérique ségrégationniste des années 50, une autre dans l’univers carcéral, où les barrières n’empêchent pas les échappées belles, une autre encore dans l’imaginaire d’une vieille dame avec l’inénarrable Turak Théâtre. Musique, théâtre, marionnettes, cirque… Voilà de magnifiques portraits de femmes hors normes, bien inspirantes, à l’instar des Filles du renard pâle qui explorent les possibilités d’un corps.

De quoi inciter à se révolter ! Comme Suzy Storck, enfin, dernier portrait de femmes fortes écrit par Magali Mougel (artiste associée cette saison) qui évoque les violences conjugales. Sans oublier, en guise de clôture, le 31 janvier, Clara Ysé, fille meurtrie par un drame intime qui s’est promise un jour de renaître de ses cendres, laquelle viendra présenter son premier album musical, Oceano Nox, dans un concert (avec Simone d’Opale en première partie).

Enfin, en écho aux œuvres présentées, une journée d’échanges, d’ateliers et de rencontres est organisée (en partenariat avec Femmes d’Histoire et des associations locales), le 18 janvier, avec la complicité de la danseuse et chorégraphe Sandra Sainte Rose Fanchine (détails de la programmation ici).

Portraits

Avec Music-Hall Colette, le Théâtre des Quinconces revêt ses plus belles plumes, du 9 au 11 janvier ! Dans ce cabaret jubilatoire, Cléo Sénia  dévoile la vie – ou plutôt les mille vies – de la personnalité féminine la plus emblématique de la France d’avant-guerre.

Romancière obsédée par la recherche du mot juste, comédienne qui défraya la chronique en montrant un sein nu sur la scène du Moulin-Rouge, scandaleuse qui osa s’afficher au bras d’une autre femme, amoureuse des chats, grande dame du Palais-Royal, figure populaire à laquelle la République accorda des obsèques nationales en 1954… Quelle étiquette colle le mieux à Colette ? Avec sa narration kaléidoscopique libre de toute chronologie, la metteuse en scène Léna Bréban nous montre, au gré de numéros hauts en couleurs, une personnalité pleine d’audaces et résolument moderne.

Autre portrait saisissant : celui d’une Noire méconnue (du 14 au 20 janvier). Le 2 mars 1955, en Alabama, cette jeune fille noire de 15 ans refusa de céder sa place à une passagère blanche dans le bus qui la ramenait chez elle. Le conducteur arrêta le véhicule, deux policiers montèrent à bord pour lui intimer l’ordre de quitter son siège, mais Claudette refusa, ce qui lui valut d’être aussitôt menottée et traînée devant les tribunaux. Neuf mois plus tard, Rosa Parks réitérera ce geste avec le succès que l’on connaît. Si tout le monde sait aujourd’hui qui est cette dernière, personne ne se souvient du nom de Claudette Colvin.

Afin de redonner à cette pionnière de la lutte pour les droits civiques la place qui lui est due, Tania de Montaigne lui consacre un vibrant essai en 2015. Et c’est elle-même qui l’interprète, mis en scène par Stéphane Foenkinos et Pierre-Alain Giraud, au cœur d’une installation immersive, où la réalité augmentée n’occulte jamais la réalité historique. On peut effectivement observer au plus près (avec casques holographique et audio) le mécanisme impitoyable du racisme, et même le vivre de l’intérieur (Prix de la Meilleure œuvre immersive du 77Festival de Cannes).

Révoltes, rebellions et rédemption

Se révolter ! Que faire face à la violence, aux injustices, au sentiment de ne pouvoir rien faire et de toujours subir ? Pour repousser les limites et dépasser les carcans que le monde nous impose, l’intrépide Johanne Humblet, en compagnie de deux musiciennes et de deux autres circassiennes, brave les principes de la gravité, défie les lois de la pesanteur, déjoue les pièges de l’espace et prend tous les risques.

Ballet sauvage et sensuel, engagé et puissant, porté par une musique rock, toujours au bord de la fracture et de l’effondrement, Révolte ou tentatives de l’échec galvanise, fait se soulever le public partout où il passe (lire notre critique). Les 15 et 16 janvier en coréalisation avec Le Plongeoir PNC.

Dans une prison, deux femmes partagent la même cellule. Et même plus que ça, puisque les deux taulardes s’aiment d’un amour fou. Un jour, Serena est libérée sur parole, laissant Chess seule, désespérée. Celle-ci se met alors à écrire des chansons et à repenser à l’homme qui l’a conduite ici, ainsi qu’à sa fille qui l’attend.

Tragédie musicale et hymne aux amours multiples, Inconditionnelles bouscule les conventions, entre slam, théâtre et mouvement. Un texte de Kae Tempest, figure britannique du spoken word, mise en scène par Dorothée Munyaneza, chorégraphe britannico-rwandaise, à découvrir le 17 janvier.

À présent, une prison imaginaire ? Une vieille femme au visage marqué par les rides et à l’âme cabossée par le temps s’apprête à passer une nouvelle soirée de solitude. Dehors, trois gros rats la regardent, sans parler des voisins qui ne pensent qu’à la cambrioler. À moins que toutes ces menaces ne soient des lubies ?

Ma mère c’est pas un ange (mais j’ai pas trouvé mieux) rend hommage à toutes les mémés qui survivent à la lisière de la marginalité. Emili Hufnagel a imaginé cette fable visuelle, musicale et chorégraphique avec quatre comédiens masqués qui manipulent marionnettes et objets, brouillant les pistes entre le passé et le présent, le dedans et le dehors, la sphère intime et la sphère sociale (lire la critique de Trina Mounier). À voir les 24 et 25 janvier.

Autre femme qui cherche à s’affranchir, cette fois-ci du joug familial et conjugal : Suzy Storck, mène une vie tout ce qu’il y a de plus ordinaire. Mais un beau soir, la femme au foyer prend conscience de toutes les concessions qui brident son existence. Alors, elle décide de tout envoyer valser.

© Jean-Louis Fernandez

Le metteur en scène Simon Delétang cherchait depuis longtemps à créer une pièce qui fasse écho aux nombreux faits divers qui ont vu des femmes bousculer l’ordre établi pour se libérer du cadre familial. Cette histoire de mater dolorosa rêvant de devenir autre chose que le fantôme d’elle-même l’a bien inspiré (lire la critique de Trina Mounier). À voir les 28 et 29 janvier.

Léna Martinelli


Du 9 au 31 janvier 2025
Toute la programmation ici

Les Quinconces scène nationale du Mans • 4, place des Jacobins • 72000 Le Mans 

L’Espal scène nationale du Mans • 60-62, rue de l’Estérel • 72000 Le Mans
Infos : 02 43 50 21 50

De 4 € à 24 €

Réservations : en ligne ou au 02 43 50 21 50

À découvrir sur Les Trois Coups :
☛ Les Inspirantes 2024, Entretien avec Virginie Boccard, par Léna Martinelli

Photos de une : © Jean-Louis Fernandez

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