« Madame Diogène », d’Aurélien Delsaux, Théâtre des Marronniers à Lyon

Madame Diogène © D.R.

Épopée solitaire

Par Trina Mounier
Les Trois Coups

Bizarre de parler d’épopée quand le roman d’Aurélien Delsaux, qu’il porte lui-même à la scène, se réduit au long monologue d’une femme qui s’est enfermée dans la solitude de son appartement.

Elle n’a pas de nom et si elle a une existence aux yeux (et à l’odorat) des autres, c’est juste par l’intermédiaire des cafards qui se glissent à travers les fentes des portes et des odeurs repoussantes qui suintent jusque dans les escaliers. Pour les voisins, sa présence est encombrante, et leur seul souci consiste à trouver comment s’en débarrasser. Les pauvres gens qui sont atteints du syndrome de Diogène sont rarement des héros, et le roman d’Aurélien Delsaux peut donner le vertige : il nous conduit dans l’antre de cette femme qui vit au milieu des immondices, pétrifiée qu’elle est à l’idée de sortir de chez elle et d’affronter le regard d’autrui.

Mais c’est bien une guerre qu’elle mène, un combat contre elle-même et contre les autres, seule contre tous, écartant les assauts, sourde aux insultes qu’elle entend malgré tout et qui la blessent, bien sûr. Peu à peu, ses propos se font plus hallucinés, elle perd pied, s’imagine des super pouvoirs, voyage à travers les tas d’objets indéfinissables empilés autour d’elle.

Qui trop embrasse mal étreint

Le texte d’Aurélien Delsaux est à la fois très vivant, car il donne la parole, non seulement à cette misérable d’un nouveau genre, mais également au monde extérieur qu’il décrit par ailleurs comme en état de siège. Le récit n’est donc pas écrit pour une seule voix. C’est d’ailleurs un peu sa faiblesse que de ne pas éviter la caricature, tant les voisins dont on entend les expressions sont stupides, racistes, agressifs, vulgaires… Mais peut-être après tout n’ont‑ils pris vie que dans sa tête à elle. Heureusement, le texte invente aussi parfois des accents poétiques qu’il trouve principalement dans l’évocation de la nature…

En un mot, l’adaptation théâtrale, annoncée d’une heure et dix minutes, dure en réalité une heure et demie et mériterait d’être encore quelque peu raccourcie : à trop vouloir en dire, Aurélien Delsaux perd à l’occasion un peu son sujet.

Certes, cela donne matière à la comédienne Jeanne Guillon de montrer l’étendue de son art. Seule en scène au milieu d’un tapis qui réduit davantage l’espace, avec pour tout accessoire deux gros seaux de chantier remplis l’un d’eau, l’autre de poussière, vêtue d’une robe informe, elle incarne à elle seule tous les personnages, changeant de voix en fonction de qui elle interprète et de ses émotions, tour à tour enfantine, apeurée, terrifiée, compulsive, bavarde, méfiante ou toute-puissante. C’est une belle comédienne qui présente ici un large éventail de ses ressources, compose ses rôles avec subtilité et conviction. 

Trina Mounier


Madame Diogène, d’Aurélien Delsaux

Le texte est publié chez Albin Michel

Mise en scène : Aurélien Delsaux (Cie L’Arbre)

Avec : Jeanne Guillon

Créateur lumière : Laurent Basso

Photo : © D.R.

Théâtre des Marronniers • 4, rue Charles‑Dullin • 69002 Lyon

04 78 37 98 17

https://theatre-des-marronniers.com/

Du 8 au 13 mars 2017 à 20 h 30

Durée : 1 h 10

De 8 € à 15 €

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