Jeu de petits chevaux ou jeu de massacre ?
Par Laura Plas
Les Trois Coups
Cultivant les grands écarts, le festival du Sirque s’achevait avec deux spectacles aux esthétiques, aux moyens et (peut-être) au publics différents : le charmant et facétieux « Marcel.le et Claude » et l’éprouvant « Maison Mère ». Joie ou effort d’être spectateur, il n’y a pas forcément à choisir !
Une des choses les plus délectables lors du festival du Sirque, c’est de découvrir les pépites cachées dans les bottes de foin : ces petites formes, à la modestie désarmante que l’on découvre en plein air. C’est bien le cas pour Marcel.le et Claude, charmant spectacle de trente courtes minutes dont la piste est délimitée par un cercle… de foin justement.
Voici en scène Marcelle et Claude, à moins que ce ne soient Claude et Marcel ? Justement, Sébastien Davis-Van Gelder et Océane Pelpel s’amusent à permuter les rôles (encore assez genrés dans les portés et acrobaties), voire à les envoyer valdinguer. Car mettant au rancard leur identités sexuelles, ils deviennent… cheval ou cavalier avec fougue et fantaisie.
Pas de case, pas d’enclos, donc, dans cet opus-là. Ainsi, Purcell s’acoquine avec un air folk et le cirque laisse place au théâtre. Les mots eux-mêmes prennent la tangente pour devenir poésie. Le spectacle est le premier de la compagnie, mais on se réjouit que le Sirque en soit partenaire. Sa fraîcheur n’en exclut pas l’intérêt. Petits, tordus de rire, et grands, tout sourire, sont ravis de ce tour de manège indocile et charmant.
La chute de la maison Ménard
Virage à 180 degrés avec Maison Mère de Phia Ménard. D’abord, on change de format : Le spectacle dure une heure et trente minutes qui passent avec une lenteur étudiée et éprouvante. D’ailleurs, certains prennent la fuite… L’esthétique ensuite tient, elle, de l’installation et fait la nique à l’agrément. Pierre Notte évoque l’effort d’être spectateur. Or, installés sur des bancs en bois inconfortables, assourdis, amenés à partager tension et peur, nous accomplissons un parcours du combattant, à l’instar de l’interprète, véritable guerrière.
Un spectateur averti en vaut deux et c’est ce qu’il faut pour apprécier le spectacle. Mais celui qui reste, vit une vraie expérience, qui s’inscrira sans doute dans sa mémoire. Car la démesure, comme la dramaturgie frustrante du spectacle, racontent quelque chose de nos civilisations. Plutôt qu’un conte, on découvre peut-être cette parabole : l’humain s’est cru maître et possesseur de la nature, il a construit des Parthénon… mais, aujourd’hui, il doit concéder que « nous autres civilisations nous sommes mortelles ».
Et même, plutôt que de conte immoral, on parlerait d’œuvre incorrecte politiquement, vu la quantité de matériaux gâchés et d’eau employée… dans un contexte de catastrophe écologique. Et ce n’est sans doute pas pour déplaire à l’iconoclaste Phia Ménard.
Jeu de massacre, rite de la catastrophe, Maison Mère teste donc les limites du spectateur pour poursuivre une exploration esthétique audacieuse : le côté plus obscur de la force du Sirque. ¶
Laura Plas
Marcel.le et Claude, de Sébastien Davis-Van Gelder et Océane Pelpel
De et avec : Sébastien Davis-Van Gelder et Océane Pelpel
Durée : 30 minutes
À partir de 10 ans
8 €
Jardin des Sens • Orangerie du Château • 87800 Nexon
Les 22 et le 24 août 2019 à 18 heures et le 20 août à 19 heures
Maison Mère (Contes immoraux-Partie I), de Phia Ménard et Jean-Luc Beaujault
Ecriture et dramaturgie : Phia Ménard et Jean-Luc Beaujault
Avec : Phia Ménard
Durée : 1 h 30
À partir de 10 ans
14 €
Grand chapiteau rouge et blanc • Orangerie du Château • 87800 Nexon
Le 22 août 2019 à 21 heures et le 24 août 2019 à 19 heures
Dans le cadre de la Route du Sirque
Réservations : 05 55 00 98 36
À découvrir sur Les Trois Coups :
☛ Les os noirs, de Phia Ménard, par Léna Martinelli
☛ L’après-midi d’un foehn et Vortex, de Phia Ménard, par Léna Martinelli