Un éloge du théâtre
Par Laura Plas
Les Trois Coups
Plein d’humour et de tendresse, « Mercredi, c’est sport » offre une histoire bien écrite et le plaisir d’un spectacle. Esthétique volontairement cheap et colorée, acteurs dynamiques, il n’en faut pas davantage pour que le livre prenne chair.
Au départ, il y a un livre de Thomas Gornet. Dans Mercredi, c’est sport, on découvre un drôle de petit protagoniste : Zouz. C’est un garçon, mais ce pourrait être une fille. Car quel enfant n’a pas subi la tragique expérience d’avoir des parents qui lui veulent du bien ? Quelle pauvre créature n’a pas été poussée à manger des légumes ou à se dégourdir les jambes ? Comme Zouz est un peu rond et un peu seul aussi, sa maman a eu l’idée saugrenue de lui faire faire du sport !
Thomas Gornet écrit son histoire à hauteur d’enfant. Le choix est ingénieux : on ne sait jamais à quelle sauce (sportive) va être mangé notre anti-héros le mercredi suivant. Ainsi, l’histoire réserve des éclats de rire (puisque le comique est fait de surprises) et des rebondissements jusqu’au bout. Elle est tendre et poétique aussi : les personnages sont rigolos et hauts en couleur, ça finit bien, l’intrigue a l’ingénuité des contes avec ses variations sur les épreuves du mercredi. Et on entre même dans la tête du chat.
Le livre prend vie
On comprend bien que Caroline Guyot ait été charmée par cette histoire et qu’elle veuille ne pas en gommer le style. C’est d’ailleurs une lecture spectacle réalisée avec la Compagnie Méli Mélo qui lui a donné l’idée du spectacle. Résultat : une forme hybride qui permet aux comédiens, tantôt d’incarner de nombreux personnages, tantôt de raconter ou de commenter. Les mots et le jeu suffisent à nous embarquer, à nous faire voir Caroline Guyot alternativement en mère, en entraîneuse, en coach d’aérobic pour enfants.
Le côté pièce à défilé (chaque mercredi, Zouz est confronté à un autre sport et donc à d’autres déboires face à un nouvel entraîneur), le jeu très stylisé des acteurs sont moins une gêne, puisque la référence est celle des livres. Dans ces derniers, on rencontre bien des situations archétypales et des personnages très dessinés. Sur ce point, on pensera peut-être aux vignettes de Goscinny et Sempé, car les personnages sont à la fois proches de nous et nettement croqués.
« Holliday on stage »
Et paradoxalement, la référence au récit en vient à exalter la théâtralité. Matériel de camping bariolé, glacière, pliants : ça pète ! On se dirait dans une sorte d’« Holiday on stage ». Par ailleurs, comme les accessoires ont gardé les étiquettes de prix, on ne peut pas totalement y croire, pas comme au cinéma en tout cas. On sait qu’on est en territoire de conventions, qu’on est au théâtre. C’est le « peu » qui recèle « tout ».
Donc, finalement (mais ne le dites pas à vos enfants), Mercredi, c’est sport est bien une histoire de théâtre. On nous raconte comment Zouz s’est trouvé… en jouant sur une scène. Normal. Si Zouz c’est un peu nous, c’est aussi Thomas Gornet, l’auteur du livre et un des deux interprètes de la pièce. Ouf, dans une salle improbable, pas loin d’un hangar de supermarché, Zouz fait enfin partie d’une « équipe » où « tous sont avec lui » : une nouvelle famille théâtrale.
Ben, oui ! À sa manière, le comédien est un athlète. Loin de la compète, des exigences sur le physique (comme c’est délectable en ces temps de Jeux Olympiques), Zouz est un athlète du sentiment. Au bout du conte, l’enfant s’est trouvé : il est celui qui a un don pour faire rire et émouvoir. À l’image du spectacle. 🔴
Laura Plas
Mercredi, c’est sport, de la Barbaque cie
Le texte est édité aux Éditions du Rouergue
Site de la compagnie
Texte et adaptation : Thomas Gornet
Conception du spectacle : Thomas Gornet et Caroline Guyot
Avec : Thomas Gornet et Caroline Guyot
Scénographie : Johanne Huysman
Durée : 1 heure
Dès 8 ans
Théâtre Expression 7 • CCM Jean Gagnant, 7 avenue Jean Gagnant • 87000 Limoges
Le mardi 18 juin 2024
Tournée :
• Du 6 au 20 juillet, Le Totem, dans le cadre du Festival Off Avignon
À découvrir sur Les Trois Coups :
☛ Le Garçon qui ne parlait plus, de Thomas Gornet, par Laura Plas