La pensée en mouvement
Par Élise Ternat
Les Trois Coups
Pour clore en beauté les quinze jours consacrés aux nombreux et riches débats du festival Mode d’emploi, les Subsistances proposent comme chaque année un volet « live ». Ce temps de création permet une formidable mise en écho artistique des multiples problématiques soulevées. Avec pour ambitieux fil conducteur celui de l’identité, trois compagnies parmi lesquelles l’association Arsène ont répondu à l’appel lancé pour l’occasion. Retour sur leur étonnant opus « Nous ne pouvons connaître le goût de l’ananas par le récit des voyageurs. Tranche numéro 5 ».
Avec son titre interminable emprunté au philosophe Leibniz, la dernière création d’Odile Barbelley et Michel Jacquelin annonce d’emblée la couleur. Celle d’un spectacle dont une des vocations serait de rendre un peu plus intelligents les spectateurs qui y assistent. Le principe de chacune des tranches de la série de performances imaginées par l’association Arsène est de convoquer un invité (artiste, penseur, personnalité) afin que celui-ci revienne sur les rencontres, expériences et influences intellectuelles qui l’ont façonné. De là naît un prototype d’artiste dit « tangent » dont l’itinéraire fictif s’inscrit dans une forme à mi-chemin entre autoportrait et autofiction. La philosophe belge Vinciane Despret a accepté cette étrange invitation consistant à mêler son parcours de vie à l’histoire de la pensée humaine au fil des découvertes qui ont sillonné l’éthologie de ces cinquante dernières années.
Un laboratoire d’expérimentations
Sur la scène, une immense bulle transparente gonflable se partage l’espace avec un ensemble d’éléments de décor hétéroclites. Une table de billard, des postes de télévision, un poisson, un écran en fond de scène, un rat et bien d’autres accessoires composites dessinent ainsi les contours d’un plateau devenu laboratoire de recherche.
Durant une heure trente de performance, penseurs et expérimentations sont convoqués et rejoués en live. Chacun des protagonistes endosse au gré de jeux de questions-réponses et selon les besoins du moment le rôle du cobaye ou celui du savant. Malin, drôle, bourré de références, le spectacle s’apparente à un cours non magistral, mêlant avec une extrême ingéniosité la fiction au réel, le ludique au scientifique.
L’intérêt n’est pas ici à chercher dans le jeu des comédiens, mais davantage d’identifier, de suivre et partager le cheminement d’une pensée en perpétuel mouvement, évoluant au hasard de malentendus, de découvertes incongrues ou fantaisistes.
Objet hybride, performance au sens noble du terme, Nous ne pouvons connaître le goût de l’ananas par le récit des voyageurs ouvre une parenthèse de connaissance joyeuse et décomplexée ; une immersion en terre savante à la fois insolite et légère dont on ressort le cerveau rafraîchi et le sourire au coin des lèvres. ¶
Élise Ternat
Nous ne pouvons connaître le goût de l’ananas par le récit des voyageurs. Tranche numéro 5, de l’association Arsène
http://www.association-arsene.com/
Réalisation : Odile Darbelley et Michel Jacquelin
Avec : Odile Darbelley, Vinciane Despret, Pierre‑Olivier Dittmar, Léandre Garcia‑Lamolla, Michel Jacquelin et avec la participation de Jacques Lizène
Régie son : Florian Ponçon
Photos : © Romain Étienne / Item
Les Subsistances • 8, quai Saint-Vincent • 69001 Lyon
Réservations : 04 78 39 10 10
Jeudi 26 novembre 2015 à 19 h 30, vendredi 27 novembre à 21 h 30, samedi 28 novembre à 21 h 15, dimanche 29 novembre à 15 h 15
14 € | 12 € | 10 €