Calme et tempête
Par Dominique Dessein
Les Trois Coups
Olivia Ruiz repart en tournée pour nous offrir une échappée belle entre souvenirs d’enfance, amours acides et douceurs cubaines. Le calme et la tempête, ou comment une artiste souffle sur les braises et met le feu à Zinga Zanga (Béziers) un soir de janvier 2013.
La tournée française vient à peine de commencer, et Olivia Ruiz exprime, tout émue, sa joie de se retrouver « à la maison » : la native de Marseillette (Aude) est entrée en scène dans une énergie rock et sexy, en interprétant la Voleuse de baisers, un des titres les plus dynamiques de son dernier album. Elle s’amuse donc des effets de contraste et, si elle joue à la perfection son rôle de femme fatale ou de femme-enfant, elle manifeste un plaisir évident et sincère à dialoguer avec le public. Celui-ci le lui rend bien : plaisanteries « bon enfant », reprises des refrains célèbres – quelle joie de danser et chanter sur la Femme chocolat ou J’traîne des pieds ! –, trouble à l’écoute de Volver et des visions fantomatiques que certains titres évoquent.
Sur scène, le charme opère. Les choix esthétiques de la demoiselle au tempérament volcanique permettent une envolée dans son univers baroque et fantastique : deux draperies blanches et vaporeuses, l’une suspendue au-dessus du groupe et l’autre placée derrière comme un rideau de théâtre, s’agitent et volettent au gré des vents et des tempêtes. Elles servent aussi et surtout d’écrans, sur lesquels s’impriment le passage des nuages, des ciels splendides ou orageux, les visages d’enfants radieux, les fameuses photographies au Lomo de vacances au soleil ou de familles réunies.
Entre figures familières et silhouettes étranges, les personnages défilent au son des guitares tendues et au rythme chaloupé de la batterie. En effet, la musique d’Olivia Ruiz semble marquée au sceau d’un rock franc et d’une pop expérimentée : les riffs s’enchaînent pour chanter l’amour de Don Quijote ou la hantise des Questions de pudeur, et le public se plaît à croire que l’on peut échapper à la malédiction de la souffrance en sautant et en dansant frénétiquement. Puis l’évocation singulière d’un animal consolateur (Mon p’tit chat) ou d’une difficulté symptomatique (Plus j’aime, plus je pique) créent une atmosphère plus intimiste, par la voix chaude et confiante de la chanteuse, seulement renforcée par l’accompagnement toujours juste et fidèle de ses musiciens facétieux. Des instruments originaux (banjo, sorte de luth, ukulélé, flûte…) aux classiques du rock (guitares, basse, batterie) en passant par l’électro, les « garçons » du groupe savent tout faire ! On peut d’ailleurs regretter que le son du concert, très fort ce soir-là, ne gâche parfois la richesse instrumentale en couvrant le son de certains instruments… Mais il semble que cette pratique soit à la mode ces temps-ci… Ingénieurs du son, si vous m’entendez…
Entre intimité onirique et déflagrations enchantées
En tout cas, si l’ambiance du concert oscille entre intimité onirique et déflagrations enchantées, c’est surtout parce que Olivia Ruiz sait maintenir le fil d’une complicité qu’elle entretient avec finesse et constance. Il en va ainsi grâce à la présence sur scène de l’accordéoniste Cécile Marques-Camarasa, qui l’accompagne depuis ses débuts, ou celle de son père Didier Blanc, personnage réservé et voix pourtant tellement forte dans la chanson Malaguena. La danse, élément nouveau constitutif du spectacle que nous offrent Olivia Ruiz et sa troupe, vient enfin donner une dimension supplémentaire. Par les rythmes et la virtuosité corporelle du danseur et percussionniste, le concert devient une fête et transfigure les ombres du désir pour construire un univers envoûtant, qui nous emporte dans un tourbillon d’images et de douceurs.
Quelques chimères adorées semblent nous y accompagner : des proches disparus avec qui nous avons aimé rire et chanter ; des amis lointains qui nous emmènent dans une promenade ensoleillée sur un vélo à Cuba ; une jeune inconnue dont les torrents de larmes inondent Paris… Car, comme le chante Olivia Ruiz avec son père dans le titre la Llorona, en hommage à la chanteuse Lhasa de Sela, « el que no sabe de amores llorona no sabe lo que es martirio * » : la vie, tout simplement, avec ses souffrances et ses épreuves, ses danses et ses transes, pour continuer, malgré tout, à chanter et à être heureux. ¶
Dominique Dessein
* « L’amour ignorant, gémissant, ne sait pas ce qui est martyre. »
Zinga Zanga • traverse de Colombiers • 34500 Béziers
Tél. 04 67 36 82 82
Le 30 janvier 2013 à 20 heures
Photo : © D.R.
Site d’Olivia Ruiz : http://www.olivia-ruiz.com/
Tournée :
- Vendredi 1er février 2013 : espace Médoquine à Talence (33)
- Samedi 2 février 2013 : espace Crouzy à Boisseuil (87)
- Mercredi 13 février 2013 : Stereolyx à Nantes (44)
- Jeudi 14 février 2013 : L’Aéronef à Lille (59)
- Samedi 16 février 2013 : La Luciole à Alençon (61)
- Lundi 18 février 2013 : Olympia à Paris IXe (75)
- Jeudi 21 février 2013 : La Carène à Brest (29)
- Vendredi 22 février 2013 : salle du 27 à Rouillac (16)
- Mercredi 27 février 2013 : L’Atelier à Luxembourg Ville