« Parades nuptiales en Turakie » de Michel Laubu et « Chaussure à son pied », d’Emili Hufnagel, Turak, Les Subsistances à Lyon

Turak / “Chaussure(s) à son pied” © Turak

Parlez-moi d’amour 

Par Trina Mounier
Les Trois Coups

Michel Laubu est un familier des Subsistances, à Lyon. Le voici de retour accompagné d’une femme, Emili Hufnagel, pour présenter deux broderies sur l’amour, version garçon et version fille. Un petit régal.

Michel Laubu travaille depuis des années à échafauder un théâtre de bouts de ficelles, de vieux objets cabossés mis au rebut, de souvenirs remisés dans les greniers et les armoires de grands-mères, d’odeurs de jardin après la pluie, de tessons de bouteilles roulés par les flots, de cabanes de notre enfance. Avec ces bribes, ces copeaux, ces débris, ces trucs et ces machins, il sait convoquer la mémoire des petits et des grands, leur murmurer à l’oreille des contes qui ne parlent qu’à eux. C’est un magicien de l’âme, un esthète qui soigne méticuleusement l’apparence de ses personnages, toujours révélateurs d’émotions subtiles.

Turak / Parades nuptiales en Turakie © Eric Massua
Turak / Parades nuptiales en Turakie © Eric Massua

Dans Parades nuptiales en Turakie, il parle d’amour, donnant une suite à Une Carmen en Turakie, une aventure théâtrale en hommage à l’opéra de Bizet. Dans ce court opus, il nous démontre par A + B, ou plutôt par fiche mâle et prise femelle, que l’amour est enfant de Bohême qui n’a jamais, jamais, connu de loi. Pour cela, il convoque le petit dieu aveugle, Cupidon en personne. Mais celui-ci ne saurait arriver en Turakie revêtu de son minois éternellement jeune. Il est donc devenu un vieillard cacochyme qui a quelque peu perdu la main. Ses flèches s’égarent… Mais la cafetière et le fer à repasser amoureux finiront par se retrouver malgré tout.

Comme à l’accoutumée, Michel Laubu manipule à vue ces objets, il enfile leurs vêtements, se met à leur place et parle tout le temps. Cet incorrigible bavard séduit ainsi son auditoire par une relation d’une grande complicité avec lui. Autant il est bavard, autant Emili Hufnagel semble muette. Voilà pourtant plus de six ans qu’elle partage le destin des Turaks, pour le meilleur et pour… Non, finalement, pas de pire au pays de Turakie, où la légèreté est érigée en art de vivre, l’empathie en système politique et l’humour en philosophie quotidienne. Mais ce soir-là, pour Emili Hufnagel, c’était une grande vraie première : première mise en scène, premier spectacle solo, première présentation devant des spectateurs.

Double plaisir

Elle se distingue par sa manière d’utiliser les objets. Là où lui les transforme, leur donnant de multiples vies, elle s’en sert pour son usage personnel. Ou bien c’est le contraire, les objets lui résistent, comme ces caisses qui se dressent comme des obstacles à son passage, ces pendules qui se détraquent ou ce plancher qui se met à grésiller, comme électrifié, dès qu’elle veut poser le pied dessus. Tout au long du spectacle, elle va explorer, à travers les contes, du Petit Chaperon rouge aux Souliers rouges, les déboires des jeunes filles avec les princes qui, en réalité, ont le plus souvent des gueules et des appétits de loups ! On voit les marionnettes qu’elle manipule – moment hilarant – se tordre pour regarder sous ses jupes ou vouloir la humer de trop près. Emili Hufnagel réussit un coup de maître. À la fois capable de se démarquer complètement tout en offrant un spectacle complémentaire à Parades nuptiales.

Turak / Chaussure(s) à son pied © Turak

Les deux soli, Parades nuptiales en Turakie et Chaussure(s) à son pied, respectivement signés Michel Laubu et Emili Hufnagel, peuvent se voir séparément. Mais l’un à la suite de l’autre, ils n’ont que davantage de saveur, révélant la malice des auteurs-metteurs en scène. Ils poussent le clin d’œil jusqu’à imprimer le premier programme sur papier vert et le second en rose saumon. 

Trina Mounier


Parades nuptiales en Turakie de Michel Laubu et Chaussure(s) à son pied d’Emili Hufnagel

Compagnie Turak Théâtre

Parades nuptiales en Turakie de et par Michel Laubu

En complicité avec Emili Hufnagel

Voix : Jeanne Crousaud

Arrangement, guitares et clarinettes basses : Laurent Vichard

Regard extérieur : Olivia Burton

Construction, accessoires et marionnettes : Michel Laubu, Géraldine Bonneton

Les 13,15 et 17 juin à 19 heures

Durée : 1 heure

Chaussure(s) à son pied, de et par Emili Hufnagel

En complicité avec Michel Laubu

Musique : composition, arrangements (d’après Strozzi, Machaut, Bizet, traditionnels), clarinettes, guitares, programmation : Laurent Vichard

Voix : Jeanne Crousaud

Violoncelle : Noémie Boutin

Dramaturgie : Olivia Burton

Direction d’acteurs : Eléonore Briganti

Construction marionnettes : Michel Laubu, Géraldine Bonneton

Les 14 et 16 juin à 19 heures, le 17 juin à 16 h 30

Les Subsistances • 8 bis, quai Saint-Vincent • 69001 Lyon

Réservations : 04 78 39 10 02

À partir de 10 ans

Pass 2 spectacles à 20 €

À découvrir sur Les Trois Coups

Une Carmen en Turakie, par Trina Mounier

Sur les traces du ifto, par Trina Mounier

Les Fenêtres éclairées, par Laura Plas

À notre insu, par Élise Ternat

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