Projet de loi de finances 2025, Région Pays de la Loire 

©️ Terence Barbier Syndeac

Menace sur la culture en région

Léna Martinelli
Les Trois Coups

Le secteur est sous le choc ! La Région Pays de la Loire vient d’annoncer la mise en œuvre de son désengagement financier dès janvier 2025. Face à l’évocation de coupes à hauteur d’environ 70 %, la profession se mobilise. Les syndicats ont signé une motion de soutien pour la défense des services publics ligériens de la culture. Engagé dans le mouvement Culture en Lutte Pays de la Loire, le Plongeoir Cité du Cirque, entre autres, dénonce ces suppressions budgétaires sans précédent et le démantèlement brutal de tout un secteur.

Dans le cadre de son projet de loi de finances 2025, le Gouvernement a annoncé une coupe de 5 milliards d’euros dans les budgets des collectivités territoriales, contribution à l’effort de réduction du déficit de 60 milliards. De quoi alimenter les discours populistes d’élus, à l’instar de Christelle Morençais faisant preuve d’un zèle aux conséquences désastreuses.

Le premier ministre Michel Barnier exige, de la part de la Région Pays de la Loire, 40 millions d’euros d’économies sur les dépenses publiques. Le 13 novembre dans un tweet sur X, l’élue à la culture Isabelle Leroy annonçait un resserrement strict des actions de la Région autour de ses seules compétences obligatoires, visant la commission 7 (culture, sports, vie associative, bénévolat, solidarités, civisme et égalité femme-homme). Alors que le résultat des débats en cours au Parlement sur le projet de loi de finances n’est pas achevé, la coupe de 100.000 euros annoncée par la présidente de la Région est donc très nettement supérieure à toutes les estimations.

« Quelle exemplarité ! » : dans sa chronique sur France Inter, Charline Vanhœnacker ironise sur les arguments ultra-libéraux de Christelle Morençais, qui prône en effet une vision marchande de la culture. On rit jaune car ce qui se passe est grave, et pas seulement pour le « spectacle survivant ». Dans un entretien au Monde, Nicolas Dubourg, président du Syndeac alerte : « Le service public de la culture est dans une situation extrêmement critique ». Libération titre « Une décision qui s’apparenterait à un plan social de la culture ». Lire aussi sa tribune « Plus de 500 artistes et professionnel·le·s de la culture se mobilisent contre les sévères coupes budgétaires ».

La politique d’austérité mise en place depuis plusieurs années se confirme. Après le virage de Laurent Wauquiez, ex-président de la région Auvergne Rhône Alpes de 2016 à 2024 (lire le coup de gueule de Patrick Penot, directeur du festival Sens Interdits), c’est effectivement au tour de la présidente des Pays de la Loire de passer à la vitesse supérieure. C’est une décision qui en dit long sur l’idéologie de Christelle Morençais, ex-LR ralliée à Horizons, qui demande de « réinventer un modèle », puisque « la culture serait le monopole d’associations très politisées, qui vivent d’argent public ».

La culture : un secteur essentiel à la cohésion nationale et à la démocratie

Lors de l’AG du 25 novembre, le Syndeac, première organisation d’employeurs du spectacle vivant subventionné, a apporté « son soutien plein et entier à la mobilisation intersyndicale et interprofessionnelle en cours dans les Pays de la Loire contre l’offensive brutale de l’exécutif régional. Le Syndeac condamne fermement le cheminement idéologique, qui semble avoir infusé ici et là, révélateur d’un populisme de plus en plus répandu et que nous voyons apparaître en de nombreux endroits ».

Depuis des années, le Syndeac alerte le Gouvernement et le Parlement sur la situation financière critique traversée par le service public des arts et de la culture : « Nous dénonçons notamment la perte d’autonomie fiscale que subissent les collectivités territoriales qui sont nos principaux partenaires financiers, avec la suppression de la taxe d’habitation en tête. La fragilisation des services publics est aujourd’hui la conséquence de la politique fiscale mise en œuvre depuis 2017 ».

Au-delà des risques de disparition du secteur culturel et des menaces sur l’emploi, le syndicat pointe une dérive politicienne traduite en actes par la remise en cause d’un « modèle décentralisé, riche de diversité artistique et de densité territoriale. » (…) Ses récentes déclarations traduisent une forme d’opportunisme de la coupe budgétaire. Ce faisant, la présidente de la Région balaie 50 ans de décentralisation culturelle ». Ces décisions contribuent à la destruction du tissu local de proximité qui participe à faire vivre la création, les droits culturels, mais aussi le débat, l’éducation populaire, la citoyenneté, la solidarité, ou encore l’attractivité des régions de France que le monde entier nous envie.

©️ Terence Barbier / Syndeac

À son tour, dans un communiqué, Territoires de Cirque dénonce « le coup porté aux logiques de financements croisés » et la « méthode unilatérale, dénigrante et court-termiste » (…). L’association alerte « sur les conséquences de cette décision sur l’écosystème culturel, la cohésion territoriale et les mécanismes de prévention sociale qu’il soutient » et appelle la Région « à reconsidérer ses annonces et ses priorités, et à engager un dialogue sincère et collaboratif avec les acteur·ice·s des secteurs concernés. Nous rappelons que les situations complexes – qu’elles soient économiques, sociales ou culturelles – ne peuvent se résoudre par des décisions radicales ou simplificatrices qui opposent les acteur·ice·s, détruisent les dynamiques vertueuses et précarisent les plus fragiles. »

Sans aucune concertation !

Les Quinconques & L’Espal scène nationale Le Mans, Le Chaînon Manquant à Laval, Le Grand T Théâtre de Loire-Atlantique à Nantes… Tout le secteur est concerné, y compris les 70 compagnies de danse ou de théâtre bénéficiant des subventions de la région. Voici le cas concret du Plongeoir PNC Le Mans, que nous soutenons, au même titre que tous les acteur·ice·s qui structurent la vie culturelle dans les Pays de la Loire et, au-delà, le quotidien dans les écoles, les centres d’animation, les hôpitaux, l’espace public.

Liste non exhaustive (infographie en cours) © Ouest France

« Comme nombre d’acteurs culturels et associatifs ligériens, Le Plongeoir a reçu un appel téléphonique le 21 novembre lui annonçant la suppression d’une aide au fonctionnement (-72.000 €), puis un SMS complétant la précédente annonce avec la suppression d’une aide au festival Le Mans fait son Cirque (-28.000 €) », relatent dans un communiqué, son directeur Richard Fournier et Rémy Le Guillerm. Alors même que la Région siège au conseil d’administration du Plongeoir et connaît parfaitement le projet sociétal qui y est mené, c’est la totalité de son soutien au Plongeoir qui s’arrêterait dès janvier 2025. »

Les conséquences de cette amputation financière sans précédent

Les subventions publiques permettent au Plongeoir de remplir ses missions d’intérêt général, au profit des habitant·e·s et de tout un écosystème économique local auquel contribue le secteur culturel. Concrètement, elles soutiennent la création artistique en salariant des artistes, des actions d’éducation artistique et culturelle en participant à la réussite éducative et à l’émancipation de la jeunesse du territoire. Elles garantissent un accès aux spectacles pour le plus grand nombre en proposant une offre tarifaire adaptée aux réalités socio-économiques du moment. Sans les pouvoirs publics (ville, état, région, département), une place de spectacle coûterait plus de 60 €, alors qu’elle se situe actuellement entre 2 € et 12 €, en fonction de la situation sociale de chacun·e. « Moins d’activités artistiques, c’est moins d’hébergement, de restauration, de transports, d’achats, d’actions partenariales et donc moins d’emploi, moins de vivre ensemble. Sans les soutiens publics, c’est sa contribution à l’économie locale que Le Plongeoir se verra contraint de diminuer », précise le communiqué.

© Thomas Brousmici © Clément Szczuczynski / Le-Plongeoir Cité du Cirque

« Avec les acteurs de la culture, du sport et de la solidarité, nous dénonçons :
• sa brutalité : par la suppression totale et immédiate des financements, sans annonce préalable, sans concertation, sans possibilité d’amortissement sur plusieurs exercices ;
• sa menace : contre l’emploi permanent et temporaire dans les établissements culturels comme chez les compagnies artistiques ;
• son incohérence : par l’impact social et économique que ces coupes drastiques vont entraîner sur les territoires ;
• son injustice : l’art et la culture, au même titre que les autres secteurs concernés par ces amputations budgétaires, sont des biens communs indispensables au vivre ensemble qui doivent rester accessibles au plus grand nombre et donc s’affranchir des règles de rentabilité du secteur marchand privé. 
»

Se mobiliser

Rien n’est joué. Le budget de la Région doit être voté le 19 décembre. Menacé de censure, probablement à l’issue d’un recours à l’article 49-3 de la Constitution, le Gouvernement est aussi sous pression (voir calendrier). Élu·e·s, syndicats, associations et professionnel·le·s se mobilisent d’ailleurs massivement. Les six pôles culturels régionaux ont lancé un questionnaire afin de commencer à en mesurer les impacts sur les différentes filières culturelles et une pétition est en ligne. Selon Éric Thouzeau, militant CGT et ancien conseiller régional, environ 3.000 personnes se sont réunies le 25 novembre devant l’Hôtel de Région à Nantes. Culture en lutte Pays de la Loire organise une nouvelle AG le 27 novembre à 18 heures à la Cité des Congrès de Nantes et lance un appel à manifester pour le lendemain, à 9 heures, devant Le Quai CDN Angers Pays de la Loire.

« La mobilisation ne fait que débuter. La participation de chacun·e sera déterminante pour sauvegarder notre modèle sociétal aujourd’hui menacé par la casse du service public », conclut le communiqué du Plongeoir. « Plus que jamais, le Syndeac s’attachera dans les prochains mois à intensifier son travail auprès du Gouvernement et des élu·e·s, pour rappeler le caractère essentiel du service public des arts et de la culture au service de la cohésion nationale et de l’émancipation de toutes et tous », déclare le syndicat.

À cela s’ajoute une nouvelle baisse de près de 100 millions d’euros de crédits pour le ministère de la Culture. La CGT Spectacle appelle les professionnel·le·s à s’organiser afin de préparer massivement les actions : le 5 décembre (mobilisation nationale interprofessionnelle pour la défense des services publics et de l’industrie) et le 19 décembre (mobilisation nationale culture pour gagner le droit de vivre de nos métiers). L’hiver sera chaud !

Léna Martinelli


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Photo de une : ©️ Terence Barbier / Syndeac

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